C’est par décret dans l’édition du jeudi 7 janvier 2016 que l’administration Martelly a annoncé dans le Moniteur la création d’un organisme d’état doté de la personnalité juridique dénommé Centre financier de l’île de la Gonâve. Il n’en a fallu pas plus pour que l’opinion publique s’enflamme et que, de l’opacité et du manque de communication autour du projet, émergent des rumeurs persistantes faisant état de la vente en catimini de l’île de la Gonâve.
Selon le décret, cette institution dotée de la personnalité juridique sera dirigée par un conseil de quatre membres avec pour président le ministre de l’Économie et des Finances. Elle élaborera ses activités autour de sept missions principales. Parmi lesquelles, celle de développer les structures physiques et réglementaires pour permettre son implémentation et d’intégrer Haïti dans le marché des services financiers attractifs d’un haut niveau de qualité sur la place financière internationale.
Si pour l’Administration Michel Martelly l’objectif de cette initiative est la diversification des sources de financement de l’état avec sur toile de fond la raréfaction du Fond Petrocaribe, cet optimisme ne fait pas unanimité au sein de la société civile. Dans une interview avec le quotidien Le National, l’économiste Roland Bélizaire déclare qu’il n’y a nulle part où la finance débouche automatiquement sur le développement. « Le Centre financier international n’est pas un projet de développement. (…) C’est un type de zone franche bancaire et financière. Pour sortir la population de l’illusion, il est important qu’elle sache que ce Centre ne lui sera pas bénéfique ».
Un avis que ne partage pas Philippe P. Olivier. Dans une interview accordée à Ayibopost en marge du Forum International sur la Finance du Groupe Croissance et de Profin, le conseiller en affaires étrangères du Ministère de l’Économie et des Finances soutient que le paradis fiscal que l’État veut créer à la Gonâve peut apporter énormément d’argent au pays. Selon les estimations d’experts internationaux, le trésor public haïtien peut engranger des revenus d’un milliard de dollars des activités de ce Centre entre trois et cinq ans. « Ce qui permettrait à Haïti de retrouver son autonomie financière et de moins dépendre de l’aide financière internationale ».
Sur les inquiétudes d’évasions fiscales et de corruptions en masse soulevées par le récent scandale des Panama Papers, M. Olivier déplore l’image sulfureuse dont souffrent les paradis fiscaux notamment à cause de comportements répréhensibles de certains de leurs clients. Il s’insurge cependant contre la généralisation à l’œuvre parfois dans les médias sous-entendant l’illégalité totale du secteur. Toutes les grandes multinationales dont Google et Nestlé ont, ajoute-t-il, des comptes offshores. Ce qui est illégal, dit M. Olivier, c’est de ne payer ses impôts nulle part. De ce fait, il estime que les nouveaux centres financiers doivent « répondre à un certain nombre de normes et de critères souhaités par la communauté internationale de sorte que ce marché soit régulé et agisse de façon vertueuse.
Visionnez la vidéo ci-dessus pour comprendre le projet du Centre financier de l’île de la Gonâve, ses ressorts et impacts éventuels et aussi pour avoir l’avis d’un expert sur le scandale des Panama Papers.
Comments