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Ce marionnettiste veut rendre vivant un texte de Jacques Stephen Alexis

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L’art de la marionnette n’est pas toujours un art de rue. Comme le théâtre, il peut être joué dans des auditoriums et des amphithéâtres

On est vendredi, Ernst St Rome ne sort pas. Généralement, on le retrouve à son atelier où il expose ses nombreuses marionnettes. Mais ce matin, il reste chez lui travailler sur un projet qui lui tient à cœur. « Je bosse avec un musicien sur l’œuvre remarquable de Jacques Stephen Alexis, Les arbres musiciens, paru chez Gallimard en 1957. » En effet, il prépare un spectacle inédit qui sera joué en 2022 pour marquer le centenaire de naissance de celui qui a écrit Compère général soleil.

D’un air sérieux, il prend des notes et feuillette le texte de Jacques Stephen Alexis, ce qui ne l’empêche pas de passer des appels pour placer des commandes. Ernst s’apprête à faire la fête avec des amis. L’un d’entre eux est déjà sur place. D’une salutation cordiale, il serre la main du marionnettiste puis il va l’attendre quelque part sur la cour embellie de fleurs naturelles alignées. C’est dans cette cour que l’artiste reçoit ses visiteurs. Il paraît très demandé, son téléphone n’arrête pas de sonner.

Ernst St Rome est un marionnettiste de plus d’une vingtaine d’années d’expérience. Avec beaucoup d’admiration, il explique les dessous du métier. «  Il faut plusieurs corps de métiers pour créer un théâtre de marionnette. La sculpture, la musique, la peinture, la couture et l’ébénisterie sont entre autres les disciplines qu’on doit fusionner pour réussir une pièce de ce genre. Il faut par-dessus tout pouvoir écrire et adapter un texte », souligne celui qui a déjà interprété en marionnette des classiques comme Tisentaniz de Maurice Sixto et La famille des pitites Caille de Justin Lhérisson.

Il existe selon Ernst St Rome deux grandes familles de marionnettes. « Il y a les marionnettes à gaine, elles sont manipulées du bas vers le haut. Puis, les marionnettes à fils que l’on fait bouger du haut vers le bas. En dehors des deux grandes familles, on trouve des marionnettes à table avec une manipulation horizontale », précise-t-il. 

« Au sein de ces deux grandes familles, poursuit l’artiste, on trouve des marionnettes géantes de type humain et à fil, des marionnettes sans fil et d’autres catégories encore. »

Ernst St Rome, un amant de l’art

Ernst a grandi à Carrefour dans un environnement artistique. Son père était peintre et photographe. Il se souvient des artistes de la zone qui l’ont vu grandir, dont Jean René Jérôme, un célèbre peintre ayant marqué les années 1960 et Jacques Valbrun, un autre fameux peintre. Très jeune, il a connu la scène. « J’accompagnais Viviane Gauthier, la danseuse, tous les jeudis pour un spectacle qu’on donnait dans un hôtel à Port-au-Prince », se rappelle-t-il. Pourtant, c’est dans la prestidigitation qu’Ernst a fait ses débuts. « Je faisais des tours de magie avec Jacques Valbrun. Nous étions inséparables.»

Le marionnettiste a essayé une fois d’avoir une vie professionnelle en dehors du cadre artistique. « J’ai travaillé comme banquier. Je n’ai même pas tenu pendant un an. J’adore faire travailler mes mains.»

C’est son amour pour les activités manuelles qui a valu à Ernst St Rome ses talents de marionnettiste. « J’avais une dextérité incroyable. Je transformais tout ce que j’avais sous la main. Après mon expérience à la banque, un ami m’a proposé une chaire dans un jardin d’enfants. Je n’étais pas un jardinier à proprement parler. J’assistais les enfants lors des activités manuelles. »

Par le biais de cette école, Ernst a joué son premier spectacle de marionnette. « L’événement a eu lieu à l’Institut français d’Haïti. C’était une œuvre collective titrée lago lajounen ak lannuit» se souvient l’artiste.

Le métier est assez rare en Haïti, mais Ernst semble s’épanouir avec. « C’est avec la marionnette que je prends soin de ma famille. J’ai grandi dans ce travail. J’ai beaucoup voyagé. À l’étranger, on valorise cet art. Il y a des musées de marionnettes, à Lyon par exemple en France », confie celui dont l’art est calqué de réalisme et de culture. La première marionnette qu’il a créée est un hommage au rara haïtien. Il peint cette histoire à partir d’une marionnette qu’il baptise du nom de Ti bòs. « C’est [un homme de] rara. Ti bòs aime chanter et danser. Il ne se soucie pas du regard des autres. Au son du tambour, tous ses déboires s’envolent », avance l’artiste qui garde chez lui sa première œuvre.

L’art de manipuler des marionnettes n’est pas un jeu

« L’art de la marionnette selon Ernst n’est pas un jeu. C’est un art comme les autres qui requiert une certaine expertise.  Autrefois, les marionnettistes erraient toutes les rues à offrir des spectacles à vil prix ou quasiment gratuit. Ils faisaient rire les gens sur leur route. » Ces artistes offraient le plus souvent un spectacle sexuel, alors qu’un théâtre de marionnettes va au-delà de telles facilités.

Pour Ernst, un théâtre de marionnettes n’est pas toujours comique. « C’est avant tout une histoire qui peut être soit tragique, soit comique, mais qui peut avoir aussi d’autres expressions », soutient l’artiste qui continue à feuilleter Les arbres musiciens, un texte qu’il compte à tout prix présenter à ses spectateurs dans les trois prochaines années.

Laura Louis est journaliste à Ayibopost depuis 2018. Elle a été lauréate du Prix Jeune Journaliste en Haïti en 2019. Elle a remporté l'édition 2021 du Prix Philippe Chaffanjon. Actuellement, Laura Louis est étudiante finissante en Service social à La Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti.

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