AYIBOFANMCULTUREEN UNE

Une triste saga…

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Il y a quelques temps, on m’aurait demandé qui est cette jeune femme à la superbe coupe afro qui fait la une des réseaux sociaux et j’aurais haussé les épaules d’un air innocent car en général je ne suis pas férue de télévision. Ce n’est qu’avec la publicité faite pour Carifesta que j’entends parler d’elle. A cette époque, je me rappelle vaguement d’un article paru où il était question de fans frénétiques la jugeant d’opportuniste pour avoir séduite un autre jeune artiste évoluant dans le rap « kreyol ». Même en ce temps, j’avais juste lu la moitié de l’article et j’étais passée à autre chose. Vous pardonnerez mon côté pas trop « resan » quand il s’agit de nos stars haïtiennes mais je choisis d’utiliser mon temps –que dis-je, mes rares instants de loisir- à faire œuvre qui vaille et non pas à lire les potins d’une industrie musicale qui semble produire plus d’actualités que de hits.

Bon revenons-en donc au sujet principal. Ce n’est qu’au bureau, perdue dans un suivi financier en pleine fermeture de projet que j’entends le premier potin dont la source provient d’instagram. Et de là ma curiosité est aiguisée car cela sonne comme un air de déjà vu du drame de Ginoue mais sans la fin tragique que l’on connait. Les suppositions pleuvent… « musyeu kenbel ak neg li an slip blan kap fe lago nan kay »… « musyeu lage foto sou face la »…. Les versions changent selon l’humeur « woy manzè touye tet li »… « musyeu tap twonpe li tou ». Je ne sais pas si c’est pour rendre l’histoire plus attrayante ou plus captivante mais chacun y met son grain de sel. C’est à penser que ces deux tourtereaux n’avaient aucun secret pour leur auditoire car chacun pense détenir la vérité. Alors je fais ce qui est le plus logique, j’ouvre aussi ma page Google mais j’abandonne vite car je n’obtiens que la version audio d’une chanson où une jeune femme est comparée à un animal connu pour son coté sournois. Je secoue la tête autant pour masquer mon désarroi que pour cacher un rire désabusé car après tout ce n’est que cette société dont j’ai l’habitude, dont les frasques ne sont plus nouvelles pour moi. J’en conclus que c’est un scam….une blague de fort mauvais gout d’internautes en mal de sensation.

« Yo gen Rihanna ak Chris Brown, nou gen atis pa nou tou…. »
Le lendemain, je vois un de mes amis mettre ce commentaire sur facebook et j’entrevois dans mon esprit confus toute l’étendue de ce qui se passe. Je parle, discute et prends des feedback venant de tout un chacun. Force est d’avouer que j’ai honte…honte de faire partie d’une société aussi démissionnaire….honte de ce que j’entends…honte aussi de ce que je ne vois pas, ni n’entends durant toutes ces remarques que l’on adresse, les torts qui penchent selon l’arbitraire haïtien d’un côté. J’ai juste honte…

Honte de voir que la plupart des médias ont fait de ce drame un buzz… leur chou gras pour plus d’audimat. Ils inventent plus que nécessaire et font de la propagande gratuite qui porte atteinte. Parmi tous ces journalistes, il n’y en a que très peu qui essaient d’aller au-delà des photos qui circulent ou de la première version scabreuse de cette histoire. Au final, c’est le scoop qui importe mais quel est le message derrière le reportage? Mon erreur est peut-être de croire que la presse a un rôle majeur dans la conscientisation et l’éducation de la société.

Mais, j’ai encore plus honte de réaliser que la plupart d’entre nous de cette dite société civile, nous nous délectons de cette ignominie. Les commentaires sont plus que dénigrants et célèbrent la violence engendrée. Ne vous méprenez pas, oui j’ai lu les divers articles appuyés par des photos de watsapp prouvant l’infidélité. Oui, en mon for intérieur, j’ai pesté contre cette jeune femme mettant une fois de plus à mal la réputation des jeunes filles essayant de garder leur moralité intacte. Mais si tel est le cas, si le péché dont on l’accuse est vrai, cela justifie-t-elle pour autant une crucifixion? Répondez-moi franchement, auriez-vous jeté votre sœur, votre mère en pâture ainsi? Je me souviens d’une phrase que les familles haïtiennes aiment tant prôner: «bon pa bon paw se paw». Alors je sais que, non, vous ne l’auriez pas accepté.

Je déplore aussi que les autorités ne se soient pas prononcées d’une quelconque manière sur ce sujet à temps. Il a fallu la réaction de certains blogs, la critique de quelques figures pour que certaines entités concernées aient un commentaire sur le sujet. Quelques uns poussent même l’audace pour dire que la nouvelle ne leur était pas encore parvenue du haut de leur tour d’ivoire. Quelle aberration… quelle ironie quand le slogan « protéger et servir » me revient à la mémoire!!!

J’ai aussi honte de voir un couple se désagréger ainsi. Où est passé l’intimité qui entourait ce duo, leurs promesses ? Je suis de la génération de celle qui croit à l’engagement commun, à la fidélité mais surtout à la vie privée. Qu’y a-t-il de beau à afficher une débâcle amoureuse sur les réseaux sociaux? Depuis quand la violence résout-elle une quelconque frustration ou fureur? Comme l’eut à dire une femme engagée: s’il fallait se venger de chaque homme infidèle, nous aurions beaucoup d’estropiés en Haiti. Je réitère encore ma frustration devant la position inconfortable dans laquelle cette erreur met toutes les femmes qui essaient de garder leur dignité intacte mais je ne saurais valider les représailles subies. J’ose aussi demander un peu d’indulgence à tout lecteur pour cette personnalisation du genre mais cela n’est dû qu’à l’exemple actuel. Cette opinion aurait été la même, eussent les rôles été inversés: rien n’excuse la violence faite sur un être humain.

Il m’est difficile de dire que j’apprécie la lettre que j’ai lue sur le net où l’agresseur s’excuse parce que cela n’effacera pas la douleur psychologique de la victime mais je n’oserai pas non plus m’ériger en juge dans cette saga. Oui c’est une saga qui risque de continuer dans cette société burlesque où personne ne s’est senti interpellé par cette vague de violence. Avons-nous oublié que ce sont des personnalités publiques idolâtrées par nos jeunes? Comment oser parler de briser le cycle vicieux de la violence domestique dans l’intimité des familles haïtiennes si l’histoire se déroule sous nos yeux et que les autorités ne pipent mot à moins de sortir un éditorial les mettant sur la sellette? Il est triste de voir comment une douloureuse rupture nous montre les déviances et le parallélisme dans les valeurs de chez nous. Néanmoins, je ne penche vers personne dans cette histoire que je déplore amèrement. Oui, il est vrai que je ne saurais tolérer la violence sur une femme mais je ne saurais oublier les séquelles que la trahison d’un ami ou le pacte brisé d’une partenaire se laissant emporter par la passion a pu provoquer chez un homme. Il ne faut pas uniquement condamner l’acte de violence mais aussi prévenir les blessures psychologiques et émotionnelles toutes aussi alarmantes et pouvant conduire à la violence.

J’espère que pour les semaines à venir, le focus ne sera plus porté sur cette saga où les protagonistes semblent encore vouloir jouer quelques épisodes avant de quitter la scène mais plutôt sur l’innocente petite fille -la protagoniste dont on semble avoir oublié l’existence- qui assiste à la cassure d’un cocon familial, à la victimisation de sa mère, et à la disparition de la figure paternelle, somme toute à son monde tel qu’elle le connait. Nous avons raté le train quand il s’agissait de dénoncer le drame, faisons donc en sorte de ne pas répliquer l’erreur.

I am just a girl in love with coffee crossing life with her ups and downs. I prefer to let people have their own idea about who I am. I am also a humanitarian worker and I love to discover new culture and new people. I want my writing to touch people and make an impact in their life.

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