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Photos | « Fo bouda »… la mode qui fait des adeptes en Haïti

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Des femmes et des hommes sont séduits par ces culottes push up

Grosse musique. Alcool à volonté. De la viande bien pimentée pour ralentir l’état d’ivresse… la fête bat son plein au bord de la piscine de cet hôtel situé à Delmas 73. Des dizaines de jeunes décident d’oublier le temps d’une journée tout leur stress. Après tout, on est le 18 mai. C’est la fête du drapeau, un jour férié.

Il est déjà plus de midi. Il fait chaud, et tout le monde profite de la piscine. Tout le monde, ou presque. Deux jeunes femmes préfèrent rester hors de l’eau. Elles ne sont pas les seules, mais leur conversation attire l’attention. « Il est hors de question que j’aille me baigner », affirme l’une d’entre elles. Elle ne porte pas de maillot, mais plutôt un pantalon à rayures noires et un crop-top de la même couleur. Elle est dans la vingtaine et semble plus jeune que l’amie qui l’accompagne. « Je n’enlèverai pas ma culotte », ajoute-t-elle d’un ton ferme.

La jeune femme se réfère ainsi à sa culotte « push up », accessoire qui donne à ses adeptes des fesses redondantes, sans avoir à passer par la salle de sport. Cependant, le dispositif n’est pas pratique pour une plongée, au risque de se retrouver avec les fesses gonflées d’eau.

Parmi les jeunes femmes présentes, Célestin non plus n’a pas souhaité se mouiller. Elle travaille dans une maison d’édition, et n’a pas voulu donner son nom complet. Elle admet qu’elle se sert des culottes push up quand elle enfile une robe moulante.

 « Plus le vêtement se rapproche du corps, dit-elle, plus le popotin doit être bien mis en évidence. D’autant plus que les grosses fesses sont très tendance en ce moment ». Pour les femmes dont les muscles fessiers ne sont pas très développés, les rembourrages semblent une option à la fois rapide et efficace.

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À Delmas 31, non loin de C3 éditions, Modeleste a étalé sa marchandise à l’ombre d’un arbre. Il vend différents types de culottes rembourrées, qui ne sont pas neuves. Le vendeur assure qu’il les achète en République dominicaine. Il s’adonne à ce commerce depuis huit ans.

Modeleste adore les périodes de fête parce que les affaires se portent bien. Combien vend-il ces accessoires ? Silence radio. Il n’en dira pas plus parce qu’il ne dévoile ses prix qu’à ses clients.

À quelques centaines de mètres de lui, au marché de vêtements de Delmas 31, les langues se délient un peu plus. Des vendeuses ont accroché des culottes push up au milieu de chaussettes et de chemisettes… Mais la vente n’est pas bonne en ce moment. C’est la crise.

Les vendeuses de culottes rembourrées traversent ce qu’elles appellent une période de « kalmi ». Elles peuvent passer plusieurs jours sans rien vendre. « C’est toujours ainsi dans le commerce », affirme l’une d’entre elles pour se rassurer.

Il faut débourser au moins mille gourdes pour se payer une culotte push up, toute neuve, comme celles que vendent ces commerçantes, peu importe la taille, ou la marque.

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Parmi les modèles, il y a aussi les remonte-fesses qui sont particulièrement gênants. Elles permettent de relever à la fois le haut des cuisses, les hanches et les fesses. Ces parties du corps paraissent ainsi plus volumineuses, alors que le ventre paraît davantage plat et le bas du dos bien galbé.

Célestin en loue les résultats. La première fois qu’elle a porté sa culotte push up, c’était pour un défilé. « Je n’ai pas de grosses fesses, justifie-t-elle. Alors je me suis laissée tenter et c’était plutôt beau à voir ».

Les personnes séduites par l’effet de ces culottes semblent être de plus en plus nombreuses. « Des femmes de tout âge viennent en acheter, affirme Modeleste. Des écolières, des professionnelles, des vieilles… et même des hommes. »

Cependant, tous ne veulent pas que cela se sache. De même que ne pas avoir de courbes est source de complexes chez certaines femmes et certains hommes, vouloir y remédier, de manière artificielle, semble être aussi gênant.

« Certaines femmes enfilent rapidement leur culotte dans leur valise et font semblant d’acheter autre chose pour ne pas être suspectées », révèle une commerçante de Delmas 31.

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D’après Champagne Sabbie et Juedan Drouillard, la vente des fausses fesses témoigne de l’existence de femmes obsédées par un corps qu’elles n’auront peut-être jamais. C’est un couple qui est venu se récréer à la piscine. « Courir après ces culottes revient à refuser de s’accepter telles qu’elles sont », poursuivent-ils. Il s’agit selon eux d’un manque d’estime de soi.

C’est ce que pense Vladimir Cadet, sociologue. Mais cela ne suffit pas pour expliquer la tendance. Il faut, ajoute-t-il, tenir compte du fait que la perception que l’on avait du corps n’est plus ce qu’elle a été dans le temps. Par exemple, la publicité, les films, les vidéoclips ont modifié notre façon de regarder le physique des gens. « La femme est censée avoir un ventre plat, de grosses fesses, des cheveux longs et le teint clair. Le corps est hypersexualisé. Alors la personne qui se sent concernée cherche à le modifier aussi profondément qu’elle en a les moyens. »

Le sociologue estime que c’est une violence symbolique, douce, imperceptible presque. On lutte contre ce que l’on est, pour devenir ce que la société impose. Le corps peut même devenir un fardeau.

Célestin croit que les hommes sont responsables de l’engouement des femmes pour ces accessoires. « Ce sont leurs exigences qui nous poussent à ne pas accepter notre corps », accuse-t-elle.

 

Juedan Drouillard estime que les hommes sont très « visuels ». « Nous sommes plus que tout attirés par les femmes avec de grosses fesses, surtout lorsque nous recherchons une histoire d’une nuit », dit-il. Pourtant, cette supercherie, il la supporte mal. « Je n’interdirai jamais à ma femme de porter ces culottes, précise-t-il. Mais je n’arriverai pas à la regarder comme avant. »

Pour Nethson Jérôme, 27 ans, diplômé en électricité, il n’y a pas une attirance réelle pour les femmes qui utilisent ces culottes, puisque quand elles l’enlèvent, leurs courbes disparaissent. Lui il se fie à ses mains, pour savoir s’il est en présence de fausses fesses. Il croit qu’il suffit de caresser le postérieur de la femme en question.

Les photos sont de Carvens Adelson pour AyiboPost

Rebecca Bruny est journaliste à AyiboPost. Passionnée d’écriture, elle a été première lauréate du concours littéraire national organisé par la Société Haïtienne d’Aide aux Aveugles (SHAA) en 2017. Diplômée en journalisme en 2020, Bruny a été première lauréate de sa promotion. Elle est étudiante en philosophie à l'Ecole normale supérieure de l’Université d’État d’Haïti

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