La loi haïtienne a des dispositions sur la garde des enfants d’un couple séparé
La sœur de Nahomie a eu un enfant avec un homme avec qui elle n’est pas mariée. L’enfant a deux ans et vit avec sa mère. Même si la relation entre eux est au point mort, le père du garçon tente sans cesse de l’utiliser pour faire du chantage émotionnel à la mère. « Dès que les choses vont mal entre eux, il menace d’enlever l’enfant des mains de ma sœur, dit Nahomie. Elle a peur qu’il n’exécute la menace, d’ailleurs il l’a déjà fait une fois. Il avait apporté l’enfant à sa mère. »
Ce couple est séparé de fait. Ce n’est pas un tribunal qui avait pris la décision. Il n’y a pas eu de décision légale pour décider de la garde. Le père est censé prendre régulièrement soin de l’enfant, mais il ne le fait pas aussi souvent qu’il le devrait.
Pourtant la loi haïtienne a des dispositions sur la garde des enfants d’un couple séparé. La législation actuelle traite de la garde des enfants et le recouvrement de créance alimentaire. La justice décide ainsi avec qui la progéniture du couple devra vivre, tandis que l’autre parent doit verser régulièrement une pension.
Une décision de justice
Des parents séparés, soit pour cause de divorce, soit pour d’autres raisons, peuvent décider avec qui l’enfant habitera. La loi haïtienne prévoit différents types de situations où le privilège de garde peut être exercé par l’un ou l’autre des parents. Les couples peuvent être divorcés, ou peuvent avoir été en concubinage. Même dans le cas où les deux parents n’ont jamais vécu ensemble, la garde de l’enfant est applicable.
« L’enfant concerné ne doit pas être majeur, explique Lahomy Aubourg, avocate au BDHH. Ensuite, pour accorder la garde, le tribunal décide en fonction des moyens économiques des parties, et aussi en fonction de leur moralité. »
Lire aussi: En Haïti, divorcer prend du temps et coûte cher
Mais si la garde d’enfants est une pratique courante, ses effets sur les enfants peuvent être importants, selon le cas. C’est ce qu’affirme Cassandra Lafalaise, psychologue. « Cela dépend du comportement des parents, dit-elle. Certains parents n’arrivent pas à comprendre qu’ils se séparent, mais qu’ils ne se séparent pas de l’enfant. Certains se mettent disponibles pour l’enfant tandis que d’autres l’associent aux différends. »
Mais dans certains cas, les parents s’entendent à l’amiable, sans que la justice intervienne, pour décider avec qui leur progéniture vivra. Pour la psychologue, c’est de loin la meilleure option.
« Tout dépend de son âge, un enfant s’identifie à l’un de ses parents, explique Lafalaise. Avant dix ou onze ans, c’est le parent le plus “maternel’ qui est le favori. Mais en grandissant, un garçon va vouloir chercher son identité d’homme, et il va s’identifier à son père. De même pour la fille qui va essayer de chercher son identité affective. »
La pension alimentaire
Dans le cas où l’affaire passe devant un juge, les deux parents doivent être entendus à l’audience. En fonction des éléments qui entrent en compte, le juge se fait une idée, et décide de la garde, mais aussi de la pension alimentaire. « Le parent qui n’a pas la garde doit verser mensuellement une certaine somme, précise Lahomy Aubourg. C’est au cours de l’audience que le montant est fixé. »
Mais les parents ont souvent tendance à mentir sur leurs activités, afin de faire diminuer le montant de la pension. « La loi ne prévoit pas qu’il y ait des vérifications, le juge se base uniquement sur la parole du parent », déplore Lahomy Aubourg.
Cependant, si le parent qui doit verser la créance alimentaire ne le fait pas, les conséquences peuvent être lourdes. « La partie qui a la garde de l’enfant peut le dénoncer auprès du commissaire du gouvernement, dit l’avocate. Dans ce cas, il lui sera exigé de verser la pension. Mais s’il ne le fait pas, le parquet peut décider d’une contrainte par corps. Cela signifie que le parent en question est arrêté et mis en détention, jusqu’au paiement. »
Le parent préféré
Dans d’autres pays, dans les cas où la justice se saisit d’un dossier de garde d’enfants, l’avis de l’enfant concerné peut être pris en compte, tout dépend de son âge. Il peut exprimer ainsi sa préférence, même si le choix n’est pas toujours pris en compte, pour des questions matérielles notamment.
Mais dans la législation haïtienne, cette option n’existe pas. « C’est seulement dans la loi sur l’adoption qu’il est prévu de demander à l’enfant son avis sur ceux qui veulent l’adopter », explique Lahomy Aubourg.
Or d’après Cassandra Lafalaise, le sentiment de l’enfant est important. « L’enfant peut voir le parent avec qui il est comme un ennemi qui l’empêche d’être avec le parent qu’il préfère, dit la psychologue. Il peut devenir colérique, chercher de l’affection ailleurs, etc. »
Lire enfin: Comment va-t-on séparer les biens en cas de divorce ? La plupart des mariés ignorent cette question.
Dans le cas de la sœur de Nahomie, l’enfant en question n’est pas assez âgé pour faire un choix. Il grandit dans une famille monoparentale, mais on ne peut pas prédire comment cela l’affectera dans le futur. « Certains enfants s’adaptent bien en grandissant sans l’un de leurs parents, et d’autres pas. Surtout si le beau-père ou la belle-mère est aimé de l’enfant. »
D’après la psychologue, les enfants sont affectés différemment quand il s’agit de vivre avec l’un de leurs parents. Dans les cas où les familles ont plus d’un enfant, cela peut s’avérer plus compliqué. « L’enfant peut mal vivre le choix et se poser des questions comme pourquoi l’autre et pas lui, et penser que le parent qui ne l’a pas choisi ne l’aime pas ».
Mais la décision de la garde n’est pas permanente. « Si le parent qui a la garde de l’enfant ne prend pas ses responsabilités, l’autre parent peut demander une révision de la décision du juge. »
Jameson Francisque
Comments