SOCIÉTÉ

À quoi servent les dermatologues en Haïti ?

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En Haïti, les dermatologues ne sont pas toujours les premiers consultés quand surviennent des problèmes liés à leur spécialité

Il y a une cinquantaine de dermatologues dans le pays qui opèrent, pour la plupart, à Port-au-Prince. Beaucoup de ces médecins ont accumulé une dizaine d’années d’étude incluant la médecine générale, la spécialisation et le cas échéant, la formation continue.

Pourtant, beaucoup de ces professionnels estiment que leur métier n’est pas assez valorisé. C’est le cas de la dermatologue Shesly Jean Louis, présidente de la Société haïtienne de Dermatologie (SHD).

D’après elle, « la dermatologie est une spécialité peu connue et peu recherchée en Haïti.  Les patients utilisent des traitements empiriques (comme des bains de feuilles) ou des traitements non adaptés, ce qui a aggravé leur situation dans la plupart des cas. »  La spécialiste rajoute que souvent les patients ne viennent voir les dermatologues que dans les cas extrêmes.

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L’avis du Dr Belinda Bijou, chef du service de la Dermatologie de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), n’est pas différent. Il y a, selon elle, plusieurs personnes qui s’autorisent à traiter des patients présentant des problèmes de peau alors qu’ils n’ont aucune formation en dermatologie.

« Même certains médecins spécialisés dans d’autres domaines essayent parfois de faire le travail du dermatologue, dit Dre Bijou. Quand les cas leur dépassent, ils conseillent aux patients d’aller voir un dermatologue ».  Dr Bijou conseille à toute personne de consulter un dermatologue avant un professionnel de l’esthétique pour un problème au niveau de la peau, des ongles ou des cheveux.

Les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes dans le métier de dermatologie en Haïti, selon les estimations du Dr Gyliane Woël, également dermatologue. Pour cette raison, les femmes dermatologues sont souvent vues comme des esthéticiennes, dit-elle.

« En plus, ajoute Dr Woël, nous avons du mal à nous faire payer. Les patients ne comprennent pas qu’on peut demander le même prix qu’un gynécologue. La dermatologie est [traité en] parent pauvre en Haïti. »

C’est quoi au juste la dermatologie? 

Selon Shesly Jean Louis, la dermatologie est une spécialité de la médecine interne qui s’occupe de la peau et de ses annexes (ongles, cheveux). « Elle prend en charge les maladies de la peau chez les hommes, les femmes et aussi les enfants. Dans la formation des dermatologues en Haïti, on inclut aussi les maladies sexuellement transmissibles. Les dermatologues s’occupent de l’aspect pathologique, mais aussi esthétique de la peau. Ils pratiquent aussi des interventions chirurgicales mineures sur la peau. »

Dr Jean Louis avance que la dermatologie est une branche de la médecine qui est très importante. « Très souvent, dit-elle, les lésions de la peau sont les premiers signes de pathologies internes importantes (ex. diabète et cancer). »

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Pour sa part, Dr Belinda Bijou avance qu’une belle peau est synonyme d’une bonne santé. Toutefois, elle regrette du fait qu’il y a un seul service public de dermatologie pour tout le pays, celui de l’HUEH.  C’est aussi le seul centre de formation des résidents en dermatologie.

Le service fonctionne très mal, selon son responsable. « Il est très difficile de trouver des matériels. Le traitement en dermatologie est généralement très cher. Il y a des crèmes, mais aussi des médicaments qui sont disponibles sur le marché, mais les patients ne peuvent pas se les procurer. De ce fait, ils peuvent commencer un traitement et ne pas le finir. » 

Pathologies fréquentes de la peau 

Les dermatologues ont beaucoup de défis à relever si l’on tient compte des pathologies de la peau. Selon les spécialistes interrogés pour cet article, les mauvaises conditions socio-économiques peuvent favoriser le développement de certaines maladies de la peau.

Dans la dernière Enquête de mortalité, de morbidité et utilisations des services (EMMUS VI), l’on fait état d’environ deux ménages sur cinq (41 %) qui disposent d’une pièce pour dormir. En milieu rural, cette proportion est beaucoup plus faible qu’en milieu urbain (36 % contre 47 %).

Selon les médecins, les crises sociopolitiques ont aggravé les conditions de vie des gens. Beaucoup de ménages ont laissé leur maison pour se rendre dans un autre endroit où ils respirent et dorment très mal. La promiscuité et l’insalubrité sont des facteurs qui contribuent souvent aux lésions de la peau, d’après le Dr Woël.

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Elle révèle, par exemple, que la gale qui est une dermatose parasitaire est soignée quotidiennement dans les cliniques de dermatologie. « Il y a aussi l’Impétigo et la teigne appelée couramment piastre que l’on retrouve le plus souvent chez les enfants, l’eczéma, une allergie qu’on peut avoir n’importe où sur la peau (genou, cuir chevelu, cuisse). À ne pas confondre avec l’eczéma que l’on retrouve dans les orteils qui est une mycose.  Et, finalement le zona qui est une dermatose virale, qui est plus courant chez les personnes âgées que chez les jeunes. »

La spécialiste ajoute que les dermatologues rencontrent souvent des infections virales comme l’herpès, le zona, la varicelle. Mais aussi des infections bactériennes notamment des furoncles, des boutons.

Par ailleurs, elle souligne qu’il y a aussi l’utilisation des produits éclaircissants qui est la cause des cancers de la peau que généralement les personnes de couleur noire ne souffrent pas.

Laura Louis

Laura Louis est journaliste à Ayibopost depuis 2018. Elle a été lauréate du Prix Jeune Journaliste en Haïti en 2019. Elle a remporté l'édition 2021 du Prix Philippe Chaffanjon. Actuellement, Laura Louis est étudiante finissante en Service social à La Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti.

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