En Haïti, il semble que les femmes ayant passé la cinquantaine n’ont pas le droit de sortir ou d’avoir une vie sexuelle.
Andremise* est une fervente catholique, elle participe régulièrement à toutes les activités de sa paroisse. Très active sur Facebook, elle exhibe souvent ses photos, celles de sa fille unique, ses nièces et ses neveux. Elle partage toujours avec ses amis et les gens qui la suivent ses moments passés « auprès de la Vierge » comme elle aime l’écrire dans ses publications. Andremise n’a pas d’emploi pour le moment, mais elle fait partie d’un groupe de théâtre qui lui procure un peu d’argent quand la troupe part en tournée.
La tête rasée, les cheveux teints en jaune, le visage maquillé et la bouche fardée, la dame porte aussi des bijoux qui frappent aux yeux. Elle a 57 ans. «J’aime la vie. J’aime être accompagnée. Avant tout, je suis très affectueuse, j’aime me sentir aimée », avance-t-elle, le regard confiant.
« J’aime la vie. J’aime être accompagnée »
Pourtant, Andremise n’a jamais eu de relations sentimentales stables. « J’ai connu beaucoup d’aventures avant de tomber enceinte à 26 ans et j’en ai eu d’autres après. Malheureusement, je n’ai jamais été ni mariée, ni en concubinage. Je suis difficile de tempérament. Je tombe amoureuse facilement et quand cela ne marche pas je pars sans regret. » Le père de la fille d’Andremise n’a pas voulu l’épouser, quand elle est tombée enceinte. « Il m’a loué un appartement et chacun est resté de son côté. »
Fonce avant qu’il s’intéresse à quelqu’un d’autre
Andremise n’est pas le genre de femme qui aime faire passer le temps quand un homme lui fait la cour. « Tu aimes un homme, tu sens qu’il est aussi épris de toi, sors avec lui. Laisse-toi aller avant qu’il s’intéresse à quelqu’un d’autre ».
« Je ne veux pas d’hommes de la vingtaine ou de la trentaine, je pourrais être leur mère. »
La quinquagénaire sent toujours le désir d’avoir un homme à ses côtés, mais elle ne cible pas les jeunes. « Je ne veux pas d’hommes de la vingtaine ou de la trentaine, je pourrais être leur mère. » Andremise a toutefois eu sa dernière aventure avec un homme qui paraissait plus jeune qu’elle. « Cela ne date pas d’un an depuis que je suis sortie avec un homme. Il devait être dans la quarantaine. Je ne sais pas, en tout cas, il n’était pas grisonnant. Je ne lui ai jamais demandé son âge. »
Andremise ne cherche pas à se faire entretenir financièrement. « J’ai ma maison, je peux voyager. Ma fille est adulte, elle n’est plus sous ma responsabilité. J’ai juste besoin de quelqu’un pour me tenir la main, pour me dire des mots doux et me faire sentir que je suis femme ». Le sexe semble ne pas être une préoccupation pour Andremise. « Je reconnais qu’après la ménopause, on ne peut pas être aussi bonne au lit que lorsqu’on était jeune. Mais la dernière fois que j’ai eu des rapports intimes, c’était parfait, je me sentais en extase », ajoute-t-elle avec un sourire suspect.
Je reconnais qu’après la ménopause, on ne peut pas être aussi bonne au lit que lorsqu’on était jeune
Il n’est pas facile aux femmes mûres de s’ouvrir à un homme
Il est presque insoutenable pour des femmes célibataires avancées en âge d’entretenir une vie sentimentale ou sexuelle de peur d’être jugée par la société. À côté des jugements sociaux, la sexologue Laetitia Degraff croit qu’il faut considérer d’autres facteurs pour expliquer la réticence des femmes âgées face à une éventuelle relation sentimentale ou sexuelle.
« Les causes de l’inactivité sexuelle des femmes âgées sont plus profondes qu’elles ne le paraissent. Les réactions sont différentes suivant l’éducation, la religion et la famille de la femme. Par exemple, la relation sexuelle hors mariage est pour certaines un péché », affirme la spécialiste.
Il est des femmes (comme Andremise) qui se sentent toujours attirantes à un âge avancé, d’autres ne le sentent plus. Certaines parviennent à se rebeller face au poids social, mais beaucoup s’y conforment. La sexologue explique ces réactions par la peur de la perception de la société, du quand dira-t-on. « Quand les femmes, à un âge avancé, ne sont pas en couple ou ne le sont plus., il est difficile pour elles de réapprendre à connaître quelqu’un d’autre et de faire confiance à nouveau. » Selon la sexologue, ces femmes ont une image d’elles et de leur famille qu’elles ne veulent pas compromettre en faisant entrer quelqu’un dans leur vie.
La ménopause n’est pas une fatalité
Ces mêmes femmes qui ont peur de se confier à un homme peuvent aussi avoir des pulsions sexuelles. Là-dessus, Céphora Anglade qui est gynécologue avance que les femmes ont toujours le besoin d’avoir des rapports sexuels même après la ménopause. « La ménopause n’est pas une fatalité, bien que le vagin se dessèche lors de cette étape de la vie des femmes, elles peuvent continuer à avoir des rapports sexuels en utilisant des lubrifiants », soutient Dr Anglade.
La spécialiste avance que l’âge ne peut constituer un frein à la vie sexuelle d’une femme. « Même les femmes du troisième âge peuvent avoir des rapports sexuels, ajoute la gynécologue. Ce n’est pas l’âge qui contraint les femmes à ne pas avoir une vie sexuelle, c’est leur inquiétude [face] au regard de la société. Les hommes sont plus libres dans ce sens. »
Pour Laetitia Degraff, le désir sexuel varie en fonction de la femme en question. « Cela dépend de la vie sexuelle qu’elle menait avant d’être célibataire. Une femme pour qui la sexualité a toujours été uniquement un moyen de reproduction n’ira pas forcément chercher quelqu’un pour avoir des relations sexuelles à un certain âge. Au contraire, une autre qui menait une vie sexuelle active et épanouie et qui après une rupture est obligée à cause du poids social de ne plus avoir des rapports sexuels pourrait mal vivre cette restriction imposée par la société. Dans ce cas, elle peut voir un spécialiste. »
« Le plus difficile, c’est quand les femmes répriment leur sexualité »
Selon la sexologue, il peut arriver qu’une femme n’éprouve plus de désir à un certain âge. Elle peut aussi canaliser ses pulsions sexuelles vers d’autres énergies comme en s’adonnant à d’autres activités comme le sport ou la musique. « Le plus difficile, c’est quand les femmes répriment leur sexualité », poursuit la sexologue.
Des jeunes interdisent leur mère d’avoir une vie sentimentale
Christopher Jean est le premier né d’une fratrie de quatre. Il y a 12 ans depuis que ses parents se sont séparés. L’homme de 28 ans ne veut même pas de son père pour sa mère. « Mon père lui a fait beaucoup de mal. À cause de lui, ma mère a raté sa vie. Il bagarrait souvent avec elle, le pire c’est qu’il nous impliquait souvent dans ses disputes. Je n’ai pas envie que ma mère souffre à nouveau avec mon père ou quelqu’un d’autre. Elle pourra avoir quelqu’un dans sa vie quand je laisserai la maison. » Il avoue pourtant que sa mère paraît encore très jeune du haut de ses 60 ans. Pour Laetitia, ces genres de réactions traduisent la surprotection que Christopher a pour sa mère. « Personne n’est assez bien pour la personne qu’on surprotège. »
Pour sa part, Andremise ne rencontre pas de difficultés du côté de sa fille de 31 ans. Au contraire, elle taquine sa maman à chaque fois que celle-ci décide de sortir. Andremise n’est pas en couple, mais elle a un ami qui l’appelle toujours au moment où elle s’attend le moins. Elle s’est fait la promesse de se marier un jour avec l’amour de sa vie.
*Andremise est un nom d’emprunt
Photo couverture : Pinterest
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