Les grands joueurs ne font pas nécessairement de grands entraineurs. Diego Maradona, Zico, Mathaus, Van Basten…la liste est longue. On ne pourra pas tous les citer. Tous se sont essayés au métier d’entraineur, tous ont échoué lamentablement. Beckenbauer et Cruyff échappent à cette règle. Ils sont probablement l’exception qui la confirme d’ailleurs. Le premier, l’un des rares à remporter la coupe du monde comme joueur et comme entraineur. Le second aura été celui qui a changé l’histoire du football au FC Barcelone. Pour le reste, le banc a été un horrible cauchemar. D’autres, par peur de l’incertitude et/ou de la certitude, n’ont pas embrassé cette carrière. Quand on devient entraineur, surtout de l’équipe avec laquelle on avait brillé par le passé, c’est comme remettre sa légende en jeu. Et comme en cas d’échecs les dirigeants n’hésiteront pas à vous virer, vous risquez, ne serait-ce que partiellement, de perdre votre couronne. Kenny Dalglish a été une légende, un mythe, un dieu vivant à Liverpool, jusqu’au jour, où il a décidé d’entrainer les Reds. Maradona, el pibe de Oro, était une religion en Argentine jusqu’au mondial 2010 et cette défaite en quart face à l’Allemagne. Platini s’est cassé les dents avec la France… On comprend maintenant pourquoi Pele n’est jamais devenu entraineur. Ronaldo et Romario, non plus. Zidane, conscient du danger, s’est quand même jeté à l’eau. Eh bien, en moins de deux ans, il est en train d’écrire l’une des plus belles pages de l’histoire du Réal, voire du football. Il a transporté sa magie sur le banc et il continue de faire des étincelles.
Et pourtant, pour Zizou, ce n’était pas gagné d’avance. Tous les ingrédients étaient réunis pour que Zidane ne réussisse pas à Madrid. Dans ce club généralement hostile aux entraineurs, le technicien français est venu prendre la succession de Benitez en milieu de saison. Avec des coups de baguette, dont lui seul, a le secret, Zizou a transformé une saison cauchemardesque en une saison historique. Il remporte la ligue des champions et entre dans le cercle très fermé des entraineurs champions d’Europe au bout de leur première année, aux côtés d’un certain Josep Guardiola. Un succès, certes laborieux, face à l’Atletico Madrid, permet aux Merengues de se hisser pour la onzième fois au sommet de l’Europe. Ça restera le seul titre glané par les Galactiques cette année-là, puisque la Liga et la Coupe du Roi étaient déjà promises au FC Barcelone. Qu’importe, il aura offert une belle bataille aux Catalans jusqu’au bout. Alors que tout le monde, voulut attribuer son succès au hasard ou la chance, ZZ a remis cela, un an plus tard. Cette fois-ci avec beaucoup plus de panache. Et voilà, le monde du football à ses pieds. En remportant deux années de suite la Ligue des Champions, il devient le premier entraineur, depuis A. Sacchi et le Milan AC ( 1989, 1990) , à réaliser cet exploit. Zidane était entré dans la légende entant que joueur, il y est resté en tant qu’entraineur. Tout cela en à peine un an et demi. Tout carrément exceptionnel. Rappelons au passage que grâce à lui, le Réal est redevenu champion d’Espagne après cinq longues années d’attente. La seule ombre au tableau reste cette élimination en quart de finale de la Coupe du Roi. Un moindre mal, si l’on considère l’ampleur de ce qu’il a réalisé cette année.
Sa recette ? Difficile d’expliquer….tant le sorcier français a plus d’un tour dans sa besace. On aurait envie, à juste titre, de parler de Ronaldo, de ses nombreux buts décisifs et de son prochain ballon d’or. On aimerait bien saluer les arrêts décisifs de Keylor Navas pour maintenir le Réal à flots quand le navire prenait l’eau. On n’oubliera, peut-être jamais, les buts miraculeux de Ramos en fin de match. Marcelo a, beau joué sa meilleure saison sous les couleurs madrilènes. L’éclosion d’Asencio, la surprise Nacho, les apports de James et de Morata, la solidité à toute épreuve de Casemiro…beaucoup de facteurs pourraient expliquer la saison magistrale des Merengues, mais en associant les différentes pièces du puzzle, cela nous ramènerait à un homme : Zinedine Zidane. Car, c’est lui qui a convaincu (ou forcé) CR7 de se préserver en vue de la fin de saison. C’est lui qui a gardé sa confiance à Keylor Navas en dépit des nombreuses critiques. Mentalement, cette équipe paraissait indestructible et Zidane en est pour quelque chose. Il a eu le mérite de réaliser ce qui, aux dires de Carlo Ancelotti, est le plus compliqué du métier d’entraineur : convaincre les joueurs qui ne jouent pas assez qu’ils fassent partie du projet. Dans ce réal tout le monde était impliqué. Il l’aura répété toute la saison : nous n’avons pas d’équipe B. Zidane est un génie, même en mentant, il est meilleur que les autres. Sa gestion de l’effectif était une pure merveille.
Et si on revenait à cette fameuse finale de Ligue des Champions…
La ruée vers la légende n’aurait pas été aussi facile que le score (4-1) voudrait le faire croire. La Juventus de Turin, tout au moins, en première mi-temps, aura tenu la dragée haute aux hommes de Zidane. Les Italiens dont la réputation tactique n’est plus à faire ont opposé une bataille intense aux Madrilènes pendant les quarante-cinq premières minutes. Marcelo et Carvajal, les traditionnels fers de lance des phases offensives du Réal ont eu beaucoup de mal. Alors qu’Isco était pris dans la tenaille turinoise, chaque fois qu’il touchait le ballon. L’attaque des Merengues s’en trouvait paralysée. Et c’est, un peu contre le cours du jeu qu’ils ont obtenu l’ouverture du score par Ronaldo. L’égalisation fabuleuse de Mandzukic est venue récompenser la très belle entame de match des Bianconeri. Le Réal était à la peine. Avec un seul tir cadré durant tout le premier acte, il pouvait s’estimer heureux de rentrer aux vestiaires avec le résultat nul (1-1). Zidane a encore une fois prouvé son excellente lecture du jeu. Une fois de plus, il allait le démontrer en repositionnant Isco à gauche. Ce petit changement tactique a boulversé tous les plans défensifs des Turinois. Allegri ne l’avait pas vu venir. Le génial milieu de terrain espagnol est venu apporter le surnombre dans le couloir gauche et ceci a tout changé. Car, comme par magie, la Juve allait littéralement sombrer physiquement encaissant deux nouveaux buts par Casemiro et Ronaldo. Et comme si cela ne suffisait pas, pour rappeler à tout le monde que son « coaching » était le plus payant du circuit, Zidane fit entrer Asencio, auteur du quatrième but. La messe était dite, le Réal pouvait exulter. Zidane venait de l’envoyer au Paradis.
Jusqu’où s’arrêtera Zidane ?
Cette question a le mérite d’être posée, tant l’ascension fulgurante de Zidane impressionne. Déjà, il faudra gagner la Coupe du Roi l’an prochain, car ce trophée manque à son palmarès. Un très minime accomplissement si l’on considère ce qu’il a déjà réalisé. Et à la fin de l’année, le trophée de meilleur entraineur ne devrait pas lui échapper. Dominer le football entant qu’entraineur après l’avoir fait en tant que joueur n’est pas chose facile. Impossible n’est pas Zidane. Il est français, d’ailleurs. Et pendant qu’on y est, pourquoi pas Président de la République ? En attendant cette improbable reconversion, il continue à transformer en or tout ce qui lui tombe sous la main. Celui qui rendait fous ses adversaires quand il jouait fait maintenant des misères aux autres entraineurs. Et pendant qu’on se tue à analyser par quel tour de magie il y est parvenu, il a déjà quitté la scène et s’apprête à opérer d’autres miracles plus fascinants encore. Et on ne peut que s’incliner devant le génie du maitre. Bravo Zidane ! Saluons l’artiste!
Nathan Laguerre
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