SOCIÉTÉ

Un conflit entre le MTPTC et l’HUEH provoque la fermeture d'un service médical

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Le service médical d’oto-rhino-laryngologie de l’HUEH est fermé et sa réouverture prochaine n’est pas certaine

Depuis tantôt trois mois, les services médicaux fournis par le département d’oto-rhino-laryngologie (ORL) à l’hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) sont à l’arrêt. L’ORL intervient, entre autres, dans les cas de malformations, traumatismes et tumeurs développés au niveau des organes comme le nez, les oreilles et le larynx (la gorge). 

Des centaines de patients sont pénalisés. Mais cette fois, ce n’est ni une grève des médecins ni un arrêt de travail du personnel qui est responsable de ce dysfonctionnement. La fermeture de l’ORL est due aux travaux de réhabilitation entrepris à la rue St-Honoré par le Ministère des Travaux publics, Transports et Communications. 

Depuis 2015, le service ORL fonctionnait dans deux containers placés dans cette rue. Voulant agrandir la voie, le MTPTC a exigé la délocalisation de ces containers qui empiétaient sur le trottoir. Le ministère avait promis de reconstruire les locaux du service, détruits lors du tremblement de terre, une fois la réhabilitation du tronçon terminée.

Selon la directrice de l’HUEH, Jessy Colimon Adrien, la mairie de Port-au-Prince avait accordé une autorisation provisoire à l’hôpital, pour occuper une partie de la rue Saint-honoré, jusqu’à la finalisation des travaux de reconstruction de l’HUEH prévue pour 2017.

Mais trois ans après la date prévue, l’hôpital général attend encore sa reconstruction, et entretemps le département d’oto-rhino-laryngologie est à la rue. L’ancien emplacement des containers est aujourd’hui occupé par des détaillants du centre-ville, et des mois après la réhabilitation de la route, le MTPTC ne montre aucune volonté de respecter sa promesse de reconstruction.

Depuis 2015, le service ORL fonctionnait dans deux containers. Photo: FB / Lien Orl Ayti

La parole donnée

Selon les dires du docteur Patrick Jean Gilles, chef du service ORL, le  Ministère des Travaux publics est en train de leur faire faux bond. « Le MTPTC refuse de prendre ses responsabilités, et reconstruire le service après avoir déplacé les containers », dit le médecin.

La directrice de l’HUEH tient les mêmes propos que le chef de service. Elle regrette que le ministère soit parti sans rien entreprendre.

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Du côté du MTPTC, on admet la promesse faite, mais rien ne semble avancer dans le sens de son accomplissement. « On pourrait peut-être parler de reconstruction à partir des ressources financières qu’on va essayer de dégager au niveau du ministère », déclare Wilson Édouard, directeur général du MTPTC.

Mais il avoue que la reconstruction des locaux de l’ORL n’était jamais budgétisée au ministère qu’il dirige. « Il faut des moyens pour se lancer dans ces travaux. La décision finale se trouve entre les mains du ministre. On ne peut pas mettre une date pour la reconstruction, mais le MTPTC ne tente pas de fuir ses responsabilités », précise-t-il. 

Un investissement perdu

Avant 2010, le service ORL était logé dans l’enceinte de l’HUEH. Mais le séisme a presque complètement détruit le bâtiment qu’il occupait. Ce n’est qu’en 2015, grâce à l’organisation internationale Christoffel Blinden Mission (CBL), que le service sera remis sur pied.

« L’organisation a fait don de deux containers de 40 pieds à l’État haïtien, fait savoir le docteur Patrick Jean Gilles. Ils servaient de salle d’opération et de consultation. Ces containers étaient totalement indépendants et avaient leur propre énergie solaire ». C’est Jean Gilles qui avait entrepris des démarches auprès des bailleurs après 2010 pour la réouverture de ce service en 2015.

Un des partenaires qui a aidé dans la mobilisation de fonds pour la remise sur pied du service, l’association alsacienne Lien ORL Ayti (LOA), déplore sur sa page Facebook l’actuelle situation à laquelle est confronté le département ORL de l’HUEH. « Ces containers sont inutilisables en l’état et ne manqueront pas de se dégrader si rien n’est fait rapidement. »

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L’institution rejette les responsabilités sur l’État Haïtiens. « Nous avons rêvé en croyant que l’administration haïtienne allait tenir compte de l’importance d’un service de soins indispensable à la population […], lit-on dans la note Facebook. Sans même prévoir la faisabilité et les moyens d’une réhabilitation, le Ministère des Travaux publics a fait démonter le bloc opératoire, désolidarisant les deux containers qui le constituaient, laissant sans état d’âme la reconstruction au Ministère de la Santé qui lui n’a pas de budget pour le faire ».

Mais l’emplacement des containers pouvait laisser certains perplexes. Ils occupaient une partie de la voie publique. Wilson Édouard estime que cette autorisation donnée par la mairie est grave. 

« C’était une erreur du MSPP d’accepter la construction d’un bloc opératoire sur la chaussée. Et si un chauffeur perdait le contrôle de son véhicule, et fonçait sur le service au moment où l’on opérait un patient ? », se questionne-t-il. Le MTPTC, selon le directeur, a délogé le service médical pour redonner son aspect d’avant à la rue.

Les containers, jetés aux oubliettes, se remplissent à présent de moisissures. Leur étanchéité s’est dégradée et ils sont inondés à chaque pluie. Dans la foulée, médecins résidents et patients paient les conséquences de ce dysfonctionnement.

L’organisation a fait don de deux containers de 40 pieds à l’État haïtien, fait savoir le docteur Patrick Jean Gilles. Photo: FB / Lien Orl Ayti

Tentative de relocalisation

La directrice Jessy Colimon Adrien assure avoir fait des tentatives pour relocaliser le service ORL, qui accueille en moyenne 100 patients par jour, et pratique quotidiennement entre 3 à 5 opérations chirurgicales. 

« Nous avons essayé de les déplacer, mais cela a engendré d’autres problèmes parce que nous n’avons plus d’espace disponible », dit la directrice de l’HUEH. Elle admet que ce dossier est à la traîne au sein de l’instance régulatrice de la santé en Haïti. « Le MSPP travaille pour la reprise de ce service au sein de l’hôpital. On est en plein suivi, mais le processus est lent », déclare Jessy Colimon Adrien.

C’est donc aux autorités du MSPP de prendre en main la situation. Mais rien n’est dit sur ce dossier depuis le mois d’octobre de l’année dernière. Contacté, le directeur général du MSPP, Lauré Adrien, n’a pas voulu réagir. « Pourquoi souhaitez-vous écrire un article sur le service ORL ? […] Je ne suis pas disponible pour le moment », a-t-il lâché laconiquement. 

Devant l’avenir incertain du service, Patrick Jean Gilles se lamente. « Après tant de jours, on n’a pas une lueur d’espoir que ce service va être reconstruit et on est peiné de voir un investissement pareil, ruiné. Ce sont au total 500 000 dollars américains d’équipements qui ne servent plus à rien », regrette le chef de service.

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Sterlin Malette, résident en troisième année d’étude au service ORL, se plaint lui aussi de la situation actuelle. « Nous constatons un arrêt total dans notre formation en tant que spécialistes », déplore-t-il.

En vrai, le service ORL forme des médecins résidents qui optent pour une spécialisation dans le domaine de l’oto-rhino-laryngologie. Ce service reçoit annuellement trois résidents qui doivent suivre une formation de trois ans avant de devenir oto-rhino-laryngologiste. Ainsi, auront-ils la capacité d’intervenir sur les pathologies au niveau de l’oreille, du nez et du larynx.

Emmanuel Moise Yves

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Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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