SOCIÉTÉ

Les Haïtiens consomment six fois plus de sel que ce que recommande l’OMS

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L’usage sans modération des cubes « maggi » empire la situation

Le « maggi » rentre dans toutes les sauces en Haïti. « J’ai entendu dire que son utilisation n’est pas bonne, mais je ne peux pas ne pas l’utiliser », raconte Merline Eliacin, une jeune fille de 22 sans qui s’occupe du « manger » familial à Carrefour-Feuilles.

Ces tablettes ne sont pas chères, et elles servent à rehausser la saveur des mets. Elles contiennent, entre autres, du sel iodé, des épices, du persil, de l’ail, de l’amidon, du poulet déshydraté et du glutamate de sodium généralement transformés en poudre.

« Les additifs alimentaires qui rentrent dans leur préparation sont très nocifs pour la santé », raconte Junior Antoine, diplômé en nutrition à l’Université Aix-Marseille, en France.

Six fois plus de sel

Le premier problème vient de l’excès en sel qui caractérise la cuisine haïtienne et se trouve renforcé avec l’usage des maggi. « Les Haïtiens consomment six fois plus de sel que la population nord-américaine en général », rapporte docteur Edson Augustin, directeur médical de l’hôpital Saint-Luc.

Selon les données de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les adultes devraient consommer moins de 2000 mg de sodium, soit 5 grammes de sel par jour. En Haïti, la consommation journalière atteint les 30 à 35 grammes par jour, selon les spécialistes.

Ces excès exposent les citoyens à un risque d’hypertension artérielle, ce qui augmente les cas de cardiopathies et les accidents vasculaires cérébraux, selon l’OMS.

 « Il est fort probable qu’une consommation élevée des maggi favorise le développement de l’hypertension artérielle, quand on considère la teneur en sel de ces cubes », analyse le nutritionniste Junior Antoine.

Selon les données de la Fondation haïtienne de diabète et de maladies cardiovasculaires (FHADIMAC), la prévalence de l’hypertension artérielle en Haïti demeure très élevée. Elle est de 49 % pour le groupe de 25 à 39 ans et 69 % après 40 ans.

Additifs dangereux

D’autres éléments dangereux rentrent dans la composition du « maggi ».

Le nutritionniste Junior Antoine fait savoir que les acides gras qui les composent représentent le plus mauvais type de graisse qui pourrait exister. Ces acides ont tendance à faire monter le cholestérol favorisant les maladies cardiovasculaires, dit-il.

« D’autres substances comme le glutamate, un sel concentré de l’acide glutamique, peuvent négativement impacter le tube digestif », avance le nutritionniste.

Produit à succès

Maggi est une marque au même titre que Coca-Cola, Criollito, Nina, etc. La première cube Maggi a été créée en 1886 par le Suisse Julius Maggi. Ce dernier voulait donner un goût de viande et de poisson aux mets des ouvriers de l’époque. Le produit n’a pas tardé à connaître un succès fou à travers les pays d’Afrique principalement.

Les propositions de type « Maggi » commencent leur entrée en Haïti après 1986. Leur utilisation s’accélèrera avec la suppression des licences d’importation, l’élimination des droits de douane prélevés à l’importation sur la plupart des produits, dont ceux considérés comme première nécessité.

La tendance à l’importation a changé ces dernières années. À cause de la hausse des taxes émises sur les cubes produits à l’étranger, des compagnies de l’extérieur ont décidé de s’établir en Haïti.

« Les droits de douane prélevés à l’importation pour les tablettes importées sont de 52 % », fait savoir Patrice Chéry, responsable de la compagnie Leader S.A. Cette firme fabrique les cubes Nina.

Trois usines

Haïti détient actuellement trois usines de production de tablettes « maggi ». Il s’agit du groupe Quala qui détient les usines Pacific food et Anglonatan. Cette compagnie qui appartient à des Colombiens et des Dominicains inonde le marché avec les cubes Criollito.

Les deux autres usines s’appellent Top Co de Kay Lucien et Leader S.A. Elles fabriquent respectivement, les cubes Zen et Nina. Patrice Chéry estime que l’établissement de ces usines dans le pays crée des emplois et rend dérisoire la concurrence dominicaine.

Virtus in medio stat

Chery traîne derrière lui 14 ans d’expérience dans l’industrie du « maggi ». Il est bien au courant des débats en cours sur le rôle de ces produits sur la détérioration de la santé des gens. Pour lui, la discussion doit se faire sur le dosage.

« Tout ce qu’on ne consomme pas avec modération peut affecter notre santé, dit Patrice Chéry. Le plus souvent on recommande de ne pas manger trop de sel et trop de cubes maggi, mais les gens ne savent pas comment contrôler le dosage. Parce qu’ils ne pratiquent généralement pas le sport, leur santé s’en trouve impacté. »

Le nutritionniste Junior Antoine rejoint cette position. Les cubes sont des additifs toxiques qui peuvent être régulés à une dose normale, déclare-t-il. Ce qui pose un problème, c’est l’usage du maggi plusieurs fois par jour et dans des plats différents.

Docteur Edson Augustin est un spécialiste en médecine interne. Il conseille à ses patients qui souffrent du diabète, de l’hypertension artérielle et des maladies cardiovasculaires de bannir la consommation des additifs dans leurs nourritures. « On recommande à ces gens des mets qui se rapprochent le plus du régime sans sel. »

Emmanuel Moïse Yves

Les photos sont d’Emmanuel Moïse Yves

 

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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