Guerda Augustin s’en remet aux plantes médicinales. A cause de la désinformation, elle croit que se faire vacciner contre le Covid-19 la rendra malade.
Maux de tête, mal à la gorge, sueurs nocturnes. C’est devenu un sujet de conversation fréquent en Haïti, depuis décembre 2021. De plus en plus de personnes se plaignent d’avoir attrapé un rhume accompagné de fièvre, de courbatures et d’une sensation de grande fatigue.
Femme au foyer et mère de huit enfants, Guerda Augustin fait partie de ceux qui ont déjà été contaminés par cette « petite fièvre » comme on l’appelle. Pendant plusieurs jours, elle a souffert le martyr.
« Cela a commencé au milieu de la nuit, raconte-t-elle. Je me suis réveillée parce que je ne me sentais pas bien. J’avais des nausées, mais je n’arrivais pas à vomir. Je transpirais à grosses gouttes et le temps qu’il fasse jour, j’étais déjà brûlante de fièvre ».
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Moins de vingt-quatre heures plus tard, son mari et ses enfants étaient tous malades, et présentaient les mêmes symptômes. Même s’ils n’ont pas effectué de test, Guerda Augustin est certaine qu’ils ont tous été infectés par le Covid-19, et suspecte même que ce soit par le nouveau variant omicron.
Selon le directeur des centres GHESKIO, William Pape, ce n’est pas impossible. La présence du variant Omicron sur le sol dominicain, associée aux allers-retours de milliers de personnes entre les deux pays, faciliterait l’entrée du virus.
Mais Omicron ou pas, Guerda Augustin est convaincue d’une chose et n’entend pas céder : elle ne se fera pas vacciner.
Omicron
C’est en avril 2020, un mois après que le défunt président Jovenel Moise a déclaré l’État d’urgence sanitaire en Haïti, qu’une vague de contamination au Covid-19 a déferlé sur le pays. Augustin s’en souvient.
« Tout le monde, moi y compris, avait eu cette fièvre», note-t-elle entre deux petits rires. Sauf qu’à la différence de la première fois, la couturière pense pouvoir retracer la source de sa contamination.
À la croire, cela remonte au 17 décembre 2021, lorsque son fils policier est revenu d’une fête. « Mon mari y a également pris part, révèle-t-elle. Une semaine après, une forte toux a fait son apparition chez mon fils qui, suite à cela, a également perdu l’appétit ». Chaque jour qui a suivi, au moins un membre de la famille a commencé à beaucoup tousser.
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Aucune preuve scientifique n’a encore été fournie. Des analyses sont en cours, selon le ministère de la Santé publique et de la Population. Mais le directeur du MSPP, Lauré Adrien, n’écarte pas non plus la possibilité que le variant Omicron soit la cause de cette fièvre persistante dont tout le monde parle, et qui gagne du terrain de jour en jour.
Une affirmation publique qui n’a pas manqué de faire réagir les citoyens. « Je préfère ce coronavirus au premier parce qu’il semble moins dangereux », lâche Jean Robert. Le marchand de boissons gazeuses installé à Bon Repos en est convaincu, parce qu’il dit n’avoir pas entendu parler de personnes mortes à cause du variant du coronavirus.
En effet, même si les études sont encore en cours sur le variant Omicron, les scientifiques du monde s’accordent à dire qu’il semble moins létal que les autres variants, dont Delta, même si le nouveau variant est beaucoup plus contagieux.
« Si c’est bien vrai que c’est le coronavirus, il sait comment nous malmener », affirme Guerda Augustin qui se souvient comme elle était malade pendant sa période infectieuse.
S’oublier
Le premier jour où la fièvre est tombée sur elle, Guerda Augustin est restée couchée presque une journée entière. Elle a préparé le petit déjeuner, mais pas plus. Se tenir debout ne lui était pas du tout possible. Pourtant, une fois que toute la famille est tombée malade, malgré sa propre souffrance elle s’est occupée d’eux.
« Je ne pouvais pas me permettre de ne rien faire alors que le devoir m’appelait, affirme Augustin. Mon mari et mes fils souffraient. Je ne pouvais pas les laisser à leur compte».
Augustin s’est négligée pour les siens. Mais il lui était quand-même impossible de ne pas écouter son corps. De temps en temps, elle était forcée de s’allonger au risque de s’affaisser, tant elle était affaiblie et avait des nausées.
Pendant plusieurs jours la mère de famille a souffert. Pourtant, dès qu’elle entend parler de vaccination, elle en oublie ses souffrances. Pour toutefois soulager ses maux, Augustin a fait des tisanes un rituel. Tous les matins, depuis sa contamination jusqu’à aujourd’hui, elle concocte des potions à partir de feuilles médicinales qu’elle plante dans sa cour.
Guerda Augustin fait partie d’une très grande partie de la population haitienne qui refuse de se faire vacciner contre le coronavirus. La plupart du temps, et pour la mère de famille aussi, c’est la désinformation qui explique cette réticence.
« J’ai entendu dire que tous les vaccinés développeront des formes graves de maladies dans environ deux ans », avance Augustin pour justifier sa position.
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Toutefois, dans la série de l’OMS « Les vaccins expliqués » publiée en mars 2021, l’institution spécialisée de l’Organisation des Nations unies rassure au sujet de la mise au point et de la distribution des vaccins.
« Les vaccins contre le COVID-19 sont sans danger », peut-on lire dans sa publication. Si on ressent des effets indésirables après avoir été vacciné, c’est parce que le vaccin fonctionne et que le système immunitaire réagit comme il faut, pour créer une protection contre le virus.
Sauver des vies
À date, 72 102 personnes, soit 0,65% de la population, sont totalement vaccinées contre le coronavirus en Haïti. Avec la campagne de vaccination débutée en juillet 2020, les autorités sanitaires avaient pourtant prévu de vacciner 20% de la population d’ici à la fin de l’année écoulée.
Ce faible taux témoigne du refus de la vaccination. Les craintes de Guerda Augustin sont liées à une peur de tomber malade, si elle se fait vacciner, malgré toutes les assurances que donnent les spécialistes qui expliquent que les avantages du vaccin dépassent de loin ses inconvénients.
Pour la quinquagénaire, ses enfants majeurs pourront décider eux-mêmes de se faire vacciner ou pas, mais la décision est déjà arrêtée pour elle et son mari, qui refuse aussi.
« Je commence déjà à envisager d’autres sources de revenus au cas où mon employeur viendrait à exiger le vaccin », révèle ce dernier.
Mais toujours est-il que la vaccination, d’une manière générale, demeure l’un des plus grands succès de la santé publique, selon l’OMS. Elle permet non seulement de se protéger soi-même, mais aussi les personnes de son environnement. Se faire vacciner contre la coqueluche et la rougeole par exemple protègent les nouveau-nés qui eux ne peuvent pas encore être vaccinés.
Grâce à la vaccination, la variole autrefois virale dans le monde a disparu. Selon l’ancien directeur de l’hôpital Meterno-Infantil de Bon Repos, Rudolph Magloire, dans une entrevue accordée à Ayibopost, la vaccination est la seule façon de stopper l’extension de la pandémie du Covid-19.
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