POLITIQUE

Qui se cache derrière les partis politiques qui supportent le processus électoral ?

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Fonctionnaires et ministre de l’actuelle Administration, entre autres, représentent les partis politiques qui donnent blanc-seing au processus decrié

Des responsables d’une vingtaine de partis politiques, alliés du pouvoir dans la quasi-totalité, se sont réunis dans une salle de l’hôtel Kinam à Pétion-Ville, le jeudi 11 février 2021.

Cette rencontre était à l’initiative du ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des questions électorales et des relations avec les partis politiques Mathias Pierre. Les représentants de ces partis étaient venus recevoir une copie du projet de la nouvelle Constitution, voulu par Jovenel Moïse.

Au cours de la rencontre, le ministre a aussi annoncé qu’un document était déjà soumis au président de la République et au Premier ministre en vue du financement des partis politiques pour cette année, en vue des élections.

Outre le parti « Vérité » — qui dans une note sortie le même jour a dénoncé l’inclusion de son nom dans la liste de partis qui supportent le régime en place — aucun des autres n’est connu sur la scène politique en Haïti.

Pour le professeur, Camille Chalmers, ces « particules » sont des œuvres de « pirates » qui souhaitent profiter du financement, puisque nombre d’entre-deux sont nés après l’élaboration du budget 2020-2021.

Pour le pouvoir

Dans la liste des partis présents à Kinam, on trouve des dirigeants qui sont fonctionnaires de l’État. C’est le cas d’Yvon Bonhomme, à la tête de PARASOL. Il est en même temps directeur général du ministère des Haïtiens vivant à l’étranger.

Le Consortium est dirigé par Jeantel Joseph, directeur de l’Agence Nationale des Aires protégées (ANAP) qui contrôle la fameuse Brigade de Sécurité des Aires protégées (BSAP). Érick Prévaut Junior, dirigeant de LAVNI, est aussi directeur du Service maritime et de Navigation d’Haïti (SEMANAH).

Ann Chanje Lavi n’est pas ici un simple slogan. C’est le nom du parti politique de Phelito Doran, ministre des Affaires sociales et du Travail du gouvernement non ratifié de Fritz William Michel. Jean Bernadel Paul qui dirige le parti OLAH est le directeur de la Société Nationale des parcs industriels (SONAPI) depuis le 7 mai 2020.

PLANSPA de Dieudonné Lherisson et NOUPAREH de l’ancien ministre de l’Intérieur du pouvoir de Jovenel Moïse et Léon Ronsard Saint-Cyr figurent aussi parmi les signataires.

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Certains de ces dirigeants ont un passé trouble.

Jean Rodolph Joazile, dirige Konsyans patriyotik. Cet ancien ministre de la défense du régime PHTK était président du Sénat de la République en 2011. Il a été accusé par ses pairs d’avoir présenté au président le nom de juges comme Kesner Michel Thermzi, Frantzy Philemon et Anel Alexis Joseph comme juges à la Cour de cassation. Mais ces noms ne figuraient pas dans la liste des prétendants soumis au Sénat en premier lieu.

Le ministre des Haïtiens vivant à l’étranger, Louis Gonzague Day, a également son parti politique dénommé PATRAYIL. Curieusement, en octobre 2019, dans une entrevue accordée à une plateforme en ligne, Louis Gonzague Edner Day avait exigé le départ de Jovenel Moise du pouvoir.

De l’argent en jeu

Cela fait des années que les partis politiques poussent comme des champignons dans le pays. En 2016, le conseil électoral avait certifié 166 partis politiques pour prendre part aux élections. Au cours de la rencontre, Mathias Pierre a dévoilé que les registres du ministère de la Justice et de la Sécurité publique en compte 251. Le financement accordé aux partis politiques serait à l’origine de leur prolifération.

En effet, la loi fait obligation à l’Etat de « consacrer l’équivalent de 1 % » des ressources internes du budget au financement des partis politiques. Cela contribue à faire de la politique cet espace d’opportunités pour des gens en quête de gains économiques.

Selon l’ancien sénateur, Samuel Madistin, un parti qui n’agit pas uniquement dans le sens de ses intérêts immédiats, n’aurait jamais accepté de prendre part à des élections sans une garantie de climat sécuritaire pour le déroulement de sa campagne électorale.

D’un autre côté, il est facile de créer un parti politique. La loi de 2014 portant formation, fonctionnement et financement des partis politiques permet à 20 individus de constituer un parti. Avant cette loi, un décret pris en 1986 exigeait 5 000 membres adhérents, en plus des 20 personnalités qui signent l’acte constitutif du parti.

Élections à tout prix

En 2020, Jovenel Moïse avait déclaré que « personne ne pourrait ôter le pouvoir » à son groupe politique. Selon l’ancien sénateur Jean Hector Anacacis qui dirige le parti LAPE, grâce à ces partis, le président Jovenel Moïse peut bien oser organiser des élections, malgré la forte réticence de la population.

Mais d’après l’historien Georges Michel, le moment n’est pas propice à l’organisation des élections comme le souhaitent ces partis proches du pouvoir.

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Il faut d’abord un accord politique entre les acteurs, un rétablissement de la confiance au sein de la population et un climat de sécurité dans le pays. Sinon, prévient l’historien, Haïti risque de revivre les évènements qui ont suivi les élections du 28 novembre 2000. À l’époque, le président René Préval avait tenté en force de passer le pouvoir à Jean Bertrand Aristide.

Avec des élections en 2021 comme le veut Jovenel Moïse, avec des partis politiques bidon, sans les véritables acteurs, le pays ne peut que s’enfoncer dans la crise, prévient Samuel Madistin.

Samuel Celiné

Poète dans l'âme, journaliste par amour et travailleur social par besoin, Samuel Celiné s'intéresse aux enquêtes journalistiques.

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