SOCIÉTÉ

Que signifient les armes de la République d’Haïti ?

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Une histoire incertaine

Mi-décembre 1802, des soldats français ont saisi entre les mains des indigènes le tricolore de la métropole durant la bataille de la Crête-à-Pierrot. L’information, rapportée par Odette Roy Fombrun qui cite l’historien Thomas Madiou dans son ouvrage Le drapeau et les Armes de la République d’Haïti, signifierait que les héros de l’indépendance n’ont pas attendu d’avoir leur propre drapeau pour guerroyer contre la métropole française.

Mais lorsque fut le moment de choisir un drapeau pour la nouvelle nation d’hommes et de femmes libres pour laquelle ils se battaient, nos héros ont fait preuve d’originalité.

Par exemple, Toussaint Louverture avait un drapeau blanc avec une tête de nègre au centre. Malheureusement il y a beaucoup de trous dans notre histoire, car de 1806 à 1843, il y a un black-out complet dans les documents officiels et non officiels sur la description du drapeau haïtien et de ses éléments constitutifs comme les Armes de la République.

Certains attribuent la paternité des Armes de la République à Alexandre Pétion, car celui-ci s’était retrouvé en France quand on y discutait du drapeau républicain français.

Cependant, dans « Le drapeau et les Armes de la République d’Haïti », Odette Roy Fombrun détaille que Pétion n’a pas créé les Armes de la République d’Haïti et qu’ils existaient bien avant lui. Ces dessins ont été retrouvés dans plusieurs documents à travers l’histoire.

Éléments constitutifs

D’après Odette Roy Fombrun, les divers éléments constitutifs des Armes de la République qui ont existé à travers le temps sont : le palmiste surmonté du bonnet phrygien, les étendards, les chaînes, les canons, les tambours, les clairons, les haches, les casques, les boulets, les inscriptions et la mer.

Dépendamment du contexte, ces éléments sont utilisés à qualité et quantité divers. Il peut ne pas avoir de tambour ou un seul grand tambour au centre du pied du palmiste.

Quant aux inscriptions, elles peuvent être Liberté et égalité en banderole ou L’union fait la force entre la composition des armoiries. Et les artistes, avec la mer, peuvent même chercher à l’enjoliver en ajoutant des “ancres” ou une caravelle à gauche et une île à droite.

Pour Marie Codèce Joseph, professeure d’histoire à l’UEH, il est important de replacer la création du drapeau haïtien et les différents éléments qui le composent dans le contexte historique et social qui les ont donné naissance.

Après la déclaration de l’indépendance, les généraux étaient encore sur pied de guerre, parce qu’il y avait la peur éventuelle que les colons pouvaient  revenir rétablir l’esclavage, explique-t-elle. La révolution haïtienne était sanglante et réalisée par la force des armes. Le haut palmiste qui étend ses branches jusque vers le ciel dans les Armes de la République fait référence à la liberté, et l’un des objectifs de la révolution 1804 était de rendre tous les peuples du monde libre.”

Lire aussi: Que révèle le drapeau déchiqueté hissé au parlement haïtien ?

D’après Fombrun, la chaîne brisée évoque la lutte des esclaves ; le palmiste surmonté du bonnet phrygien symbolise la liberté ; les canons, les boulets, et les baïonnettes expriment l’indépendance conquise ; les tambours et les clairons annoncent la victoire contre les colons.

Mais Haïti a eu d’autres conceptions des Armes de la République, avec les royaumes des empereurs de Faustin 1er et de Christophe. Sauf l’empereur Dessalines n’a pas eu ses propres Armes de la République. Malheureusement, il n’y a aucun document officiel ou non officiel d’après Fombrun qui fournit des informations sur leurs origines et leurs significations.

Manque d’éducation civique

La méconnaissance ou même le désintérêt des citoyens au sujet des Armes de la République est lié à un problème d’éducation civique, pour François Siméon, professeur d’Histoire à Université d’État d’Haïti (UEH). L’école a aussi une part de responsabilité dans tout cela, mais elle n’est pas la seule responsable, renchérit Marie Codèce Joseph.

Il y a un désintérêt général pour l’histoire du pays, avance le professeur Joseph. Les gens ont très peu de symboles auxquels se rattacher, et tout le monde cherche à partir.

De ce fait, il y a très peu de réflexions qui ont pour objectif de questionner ce que nous sommes en tant que peuple, et nos origines.

Le manque d’éducation civique dans le pays se fait remarquer aussi dans la façon dont les dirigeants traitent le drapeau haïtien. Au cœur du parlement, l’on a retrouvé en début d’année un drapeau sale et déchiqueté.Les symboles sont mal utilisés, et deviennent triviaux à cause de cela”, s’insurge le professeur Siméon.

Hervia Dorsinville

Journaliste résolument féministe, Hervia Dorsinville est étudiante en communication sociale à la Faculté des Sciences humaines. Passionnée de mangas, de comics, de films et des séries science-fiction, elle travaille sur son premier livre.

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