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Photos | L’Ambassade des USA en Haïti affirme n’avoir pas demandé de disperser la foule

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Devant l’ambassade américaine, transformée en résidence à ciel ouvert, des dizaines de familles, rescapées de la mort, ont élu domicile avant l’intervention mardi de la PNH

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Des gangs armés ont investi les quartiers de Galèt, Dumorné et Twitye le dimanche 23 juillet 2023. Plusieurs personnes ont été froidement abattues, selon des témoins.

Pris de panique, les habitants de ces zones – parmi eux, des bébés et des enfants en bas âge – ont quitté leurs maisons en catastrophe pour prendre refuge aux abords de l’ambassade des USA en Haïti, qui se trouve à proximité.

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Ils seront violemment chassés à coup de bombes lacrymogènes mardi 25 juillet par des agents de la Police nationale d’Haïti (PNH).

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Le lundi 24 juillet, sur le bas-côté de la rue, devant les bâtiments qui abritent le consulat américain, Marie, une femme d’un âge vénérable exprime sa désolation. L’inquiétude tapit sa voix et chacune de ses phrases. Comme beaucoup d’autres, elle a laissé sa demeure en trombe à Dumorné pour échapper à la folie meurtrière des hommes armés qui ont pris d’assaut la localité et les maisons qui s’y trouvent.

«L’attaque a débuté vers onze heures du matin», précise Marie. «Les gangs ont envahi le quartier. Ils ont pénétré dans les maisons, tué, volé les téléphones portables des gens», raconte la femme.

Depuis l’attaque, Marie n’a aucune nouvelle de ses enfants. Elle les a perdus dans la frénésie de la fuite.

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«Je n’arrive pas à fermer l’œil», laisse échapper la dame, la voix cassée.

Marie fait partie d’une longue liste de personnes et de familles que les gangs ont délogées.

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Devant l’ambassade américaine, transformée en résidence à ciel ouvert, des dizaines de familles, rescapées de la mort, ont élu domicile avant l’intervention mardi de la PNH. On pouvait voir des enfants en bas âge juchés sur le dos de leurs mères. D’autres, des bidons d’eau en main, le regard vide, prenaient place sur les rambardes quand ils ne s’affalaient pas, nonchalamment, à même le sol, côtoyant des sacs en plastique bourrés de vêtements pris au hasard des fortunes, dont le désordre qui y régnait laissait comprendre la rapidité avec laquelle ils y ont été mis et la nécessité urgente qu’il y avait à laisser à la va-vite un espace marqué par la mort et les balles.

«Nous sommes environ quinze à avoir pris la fuite», relate Ange Dorcénat. «Moi, ainsi que quatorze de mes fils et petit-fils.»

Durant les hostilités, Dorcénat s’est cloîtrée chez elle, à bas-ventre, avec toute sa famille, pendant des heures entières. À la faveur d’un blindé qui longeait au hasard le quartier, elle a réussi à s’échapper, trainant derrière elle ses enfants.

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La journée du dimanche a été fort éprouvante pour les habitants des trois localités susdites. De très tôt, une compagnie d’hommes lourdement armés qui, selon Larry, un habitant de Dumorné, ont passé par Tapaj, transité par Galèt, surplombé la rue Saint Vincent de Paul, pour envahir Dumorné.

«Plusieurs gens de la zone ont été grièvement blessés lorsqu’ils n’ont pas été tout froidement abattus. Une femme enceinte a été assassinée. Quelques-uns ont été conduits dans des centres d’urgence», souligne Belinda Emilien qui habite à Galèt et qui fait partie, elle aussi, des personnes qui ont pris la fuite.

L’attaque s’est déroulée à moins de 500 mètres de l’ambassade américaine.

Depuis les balbutiements de l’offensive, les rues limitrophes à la représentation diplomatique se sont vidées de toute âme. Hormis des cas isolés de camionnettes et de personnes qui se sont risqués difficilement dans la zone, seule la végétation luxuriante a côtoyé le crépitement des balles.

Le lendemain, devant les bâtiments de l’ambassade, les nerfs étaient à vif et la panique prenait forme sur le visage des gens. Un prêtre catholique a distribué quelques biscuits et un peu d’eau aux déplacés.

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Contrairement aux autres victimes, Dieudonné, un habitant de Dumorné, ne brosse pas ses mots. Selon l’homme, il est inconcevable que ces quartiers subissent une attaque armée alors qu’ils se trouvent seulement à quelques pas de l’ambassade américaine.

«L’attaque a été perpétrée sous le nez des véhicules blindés de la PNH qui sillonnaient les rues qui jouxtent le consulat et rien n’a été fait», déplore Dieudonné, une colère à peine contenue dans la voix. «C’est un complot pour nous forcer à quitter le pays», interprète l’homme.

En interview avec AyiboPost, les personnes ayant vécu le drame témoignent que ce n’est pas la première fois que ces localités subissent les attaques armées.

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En décembre 2022, une intrusion impromptue d’hommes armés a causé la mort de plusieurs personnes, dont des enfants, des femmes enceintes, entre autres. «Mais maintenant, c’est beaucoup plus grave. Ils n’attaquent pas ces zones isolément. Les trois ont été visées le même jour», conclut un habitant.

Plusieurs des personnes ayant fui la colère des gangs ont une santé chancelante, à l’exemple de Marie qui grelottait de fièvre lors de son interview.

Jusqu’à la date de publication de cet article, les autorités du gouvernement haïtien n’ont pas réagi.

Contactée par AyiboPost, l’ambassade des États-Unis en Haïti dit qu’elle n’est en aucun cas impliquée dans l’intervention musclée de la Police nationale en vue de forcer les personnes déplacées à vider les lieux. «L’Ambassade des États-Unis n’a pas demandé que la foule soit dispersée», dit la représentation consulaire.

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Un agent de sécurité du consulat s’est montré hostile aux journalistes, constate AyiboPost. À grand renfort de propos menaçants, il a interdit les captures d’images.

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Depuis quelque temps, les massacres et les attaques qui y sont apparentées sont devenus un fait divers en Haïti. En témoignent ceux relatifs aux quartiers populaires de la Saline le 13 novembre 2019 et du Bel-Air le 4 au 8 novembre 2019, où pas moins d’une vingtaine de personnes ont été lynchées comme des bêtes de somme.

Par Jean Feguens Regala & Junior Legrand

Wethzer Piercin a participé à ce reportage.


Visionnez notre émission spéciale AyiboLab sur la situation actuelle des victimes qui ont élu domicile devant l’ambassade américaine en raison de l’attaque d’individus armés :


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Photojournaliste freelance à AyiboPost de mars 2023 à septembre 2024.

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