Le phénomène était présent bien avant l’ouragan Mathieu nous fait savoir les paysans de Port-Salut. Il s’est intensifié après les dégâts causés par le cyclone. Des plantations entières de Petit Mil jaunissent sous l’effet d’un parasite. Les paysans sont inquiets et démunis face à cette maladie qui ravage complètement leurs plantations.
Selon l’agronome Scut Ricot, responsable de reproduction et de protection végétale au niveau du bureau du département du Sud, ce problème n’existe pas seulement dans le Sud du pays. Le parasite est présent sur tout le territoire national, au début sa présence avait été remarquée sur les tiges de Canne à Sucre. Le changement climatique a causé sa transition sur le Petit Mil, a confirmé l’agronome. Les parasites responsables de ce problème sont les pucerons jaunes. Ils envahissent le petit mil, se nourrissent de sa sève, déversent une sécrétion huileuse et sucrée qui attire d’autres insectes comme des mouches et des fourmis. Les secrétions de tous ces insectes noircissent la plante et altère son bon développement. Le puceron jaune est un parasite à prendre au sérieux, car il peut condamner définitivement une plantation.
Pistes de solution
Actuellement le Ministère double ses efforts pour trouver la solution. L’agronome Ricot affirme que des insecticides comme l’Actara combiné à un autre du nom de Karate K ont donné de bons résultats, mais il faut commencer tôt car le petit mil quand il est attaqué subit des changements en plusieurs étapes avant de jaunir et flétrir. Cependant, cette méthode purement chimique rentre en contradiction avec l’agriculture biologique prônée à travers le monde.
Le laboratoire CHIBAS Haïti (Centre de recherche sur la bioénergie et l’agriculture durable) de l’université Quisqueya a créé une nouvelle variété de Petit mil capable de résiste puceron jaune. Cette variété résistante au parasite produit le mil en quatre mois. Actuellement, le laboratoire CHIBAS cherche du financement auprès de certains bailleurs pour produire une quantité de semence à partir de cette variété, capable d’alimenter les besoins de l’ensemble des planteurs à travers le pays d’ici l’année prochaine.
« Le pays se faufile vers une crise nationale », s’exclame M. Gaël Pressoir, généticien, Doyen à la recherche de la Faculté d’Agronomie et des Sciences environnementales de l’Université Quisqueya et responsable du laboratoire CHIBAS. Le petit mil est consommé de janvier jusqu’à mai et joue un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire des ménages du pays. La production de petit mil au niveau nationale sera réduite de 60%, ce qui représente 60 mille tonnes de céréale perdus. Le pays devra alors importer 60 mille tonnes de céréale en plus pour compenser cette perte et éviter la famine. De janvier à mai, les planteurs et des milliers de familles n’auront pas de céréale pour se nourrir. 300 mille planteurs de petit mil sont dans l’incertitude en ce moment et se preparent pour un rude printemps.
Le petit mil est souvent la cible des attaques d’une panoplie de parasites. Dans les derniers mois de l’année 2015, un cas similaire s’est produit dans plusieurs grandes villes du pays. Notamment à Thomassique, Petit-Goâve, Aquin, Boucan-Carré, Thomonde, Hinche, Maissade. Des dommages provoqués par des pucerons jaunes, des cochenilles farineuses, l’Aleurodes et des champignons. De tous ces parasites, le puceron jaune a été le plus destructeur.
Le petit mil, denrée vitale
Le petit mil est l’une des denrées substantielles de l’agriculture du département du Sud et de la Grand’Anse. A l’échelle nationale, Le petit mil est la troisième (3e) céréale la plus importante derrière le riz et le maïs. Sa capacité de résistance dans les zones arides et sèches, lui a valu d’etre classé par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) comme l’un des aliments qui favorisent la sécurité alimentaire.
Consommable pour sa digestibilité, il ne cause aucune allergie. Le petit mil possède un indice glycémique relativement élevé (IG = 71), ce qui le propulse comme aliment crucial pour les diabétiques. Élément indispensable dans la fabrication du Malta et de certains alcools, cette perte peut avoir un lourd impact sur les paysans que sur les producteurs.
Incident sur les produits dérivés : les cas de Malta H
Malta H et La bière Kinanm font partie des nombreuses boissons commercialisées par la compagnie BRANA S.A. le sorgho (autre appellation du petit mil) dans lequel on extrait le malt, représente la base de la production de Malta H. Ces jours ci, Le Malta H affiche une certaine rareté sur le marché, confirme un détaillant. Le prix de la caisse est passé de 525 Gdes où la bouteille se vendait à 40 Gdes à 575 Gdes et le prix de la bouteille est monté à 50 Gdes.
Régine Labrousse, manager des affaires publiques au sein de Malta H a confirmé que « cette épidémie n’affecte pas notre production directement, mais plutôt nous force à importer le petit mil ». L’objectif de la compagnie est d’encourager l’économie locale, accompagner les planteurs de Petit mil. Selon eux c’est une responsabilité sociale de s’approvisionner localement. Mais la plus grande brasserie haïtienne confronte d’énorme difficulté à cause de la réduction de la production nationale de sorgho suite a la maladie. La BRANA S.A compte des fournisseurs dans les départements de l’Ouest (Plaine du cul de Sac), Sud (Torbeck, Cavaillon, Plaine des Cayes) les Nippes (Fond des Nègres, Petite Rivière des Nippes), dans le Nord-Est (Limonade), à Hinche et dans l’Artibonite.
A travers le projet SMASH (l’alliance des petits exploitants de sorgho en Haïti), la BRANA a lancé en 2013, un partenariat avec l’USAID et la BID, pour s’approvisionner en sorgho auprès des petits planteurs à travers le pays. Ils sont encadrés afin de maximiser leurs rendements et leurs revenus. L’objectif de la compagnie est d’établir une chaine d’approvisionnement de sorgho durable en Haïti. La BRANA travaille aussi en partenariat avec des fermes qui ont une plus grande superficie afin de garantir les volumes et la qualité requise, nous a expliqué Régine Labrousse.
Les pertes énormes enregistrées par les paysans à cause du cyclone Mathieu et l’épidémie des pucerons jaunes obligent la compagnie à penser à l’importation. La compagnie doit continuer à produire pour satisfaire sa demande en Malta et en Bière Kinanm, en même temps elle travaille conjointement avec la BID, l’USAID à travers le programme SMASH. Ils investissent considérablement sur le long terme pour mettre en place une chaîne d’approvisionnement essentielle pour Haïti.
Soucaneau Gabriel
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