Comment reconstruire quand on a tout perdu? Comment se refaire quand on a tant perdu?
La mère de Morvens Dorvil et Nadège est morte en 2006. Elle était marchande. Elle a brassé la ville pour nourrir 10 bouches. Ceci seule. Nadège, sourire aux lèvres, disait qu’elle était mariée à son travail. Après sa mort Morvens, Nadège et toute la fratrie se sont réunis pour vivre avec leurs sœurs ainées Tamara et Sondia qui ont vaillamment remplacé la matriarche.
Ils habitaient à la Rue Du Centre, à Port-au-Prince. Ils étaient plus d’une douzaine dans l’ancienne maison qui a probablement vu le jour dans le Port-au-Prince d’antan, celui synthétisé dans nos imaginaires par les photos de George Rodger et les mots de Georges Corvington.
Dans cette maison, les marchandes de « Topolino » stockaient leurs marchandises et se douchaient. Madan Iram, Losita et Madan Souvenir se rappellent encore de la famille de Morvens et Nadège. Lors d’une rencontre impromptue devant l’emplacement de la maison de leur enfance, Losita leur a demandé des nouvelles de Wilford, leur jeune frère. Depuis le 12 Janvier 2010, ils n’ont pas de ses nouvelles.
La maison de la Rue Du Centre aurait pu résister aux chocs, mais l’Hôtel voisin lui est tombé dessus. Morvens qui y sortait à peine afin d’éviter les réprimandes de Tamara a évité la mort à deux minutes près. Tamara, à son insu a embrassé sa mort en deux minutes sous le dictat du destin.
Dix membres d’une même famille éteints en 33 secondes. Nadège (22 ans), sa fille, Shaïka (4 ans) et Morvens (15 ans) se sont rendus au Champs de Mars pour attendre le secours de l’Etat. L’Etat n’est jamais venu. Ils sont donc partis se réorganiser ailleurs, en famille.
L’histoire de Morvens et Nadège est à la fois extraordinaire et banale dans le contexte post-séisme. Ils sont deux des milliers qui ont dû refaire leur foyer, replâtrer leur famille, reconstruire leurs vies.
Ce court documentaire est une production Ayibopost, réalisée par Jétry Dumont, filmée et montée par Fabrice Célony. Un remerciement spécial à Rossi Jacques Casimir qui nous a raconté cette histoire touchante mais surtout merci à Morvens, Nadège, Carlhens, Shaïka, Sarhanaël et Sael qui nous ont accueilli dans leur intimité familiale.
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