«Je me suis trouvé malade pendant trois ans, éprouvant des symptômes tels que des vertiges récurrents, de la fièvre…», témoigne un sculpteur interviewé par AyiboPost
L’utilisation de peintures et de bombes aérosols sans protection adéquate par des artistes en Haïti entraine des malaises et des maladies parfois chroniques, selon des témoignages recueillis par AyiboPost.
Sculpteur depuis 2018, Wiss Jims est fréquemment en contact avec la résine, un composant chimique retrouvé dans la peinture.
En ne portant pas de masque, l’artiste s’expose régulièrement à de fortes quantités de la substance connue pour engendrer des réactions allergiques.
Jims a commencé à faire face à des problèmes d’inflammation au niveau de la gorge.
«Je me suis trouvé malade pendant trois ans, éprouvant des symptômes tels que des vertiges récurrents, de la fièvre, des palpitations cardiaques, des problèmes respiratoires, des courbatures et une fatigue sévère», témoigne-t-il à AyiboPost.
Malgré multiples consultations médicales, aucune maladie précise n’a pu être diagnostiquée à Jims qui a dû arrêter de travailler. «Chaque exposition à la résine déclenche systématiquement les mêmes symptômes», témoigne-t-il.
En effet, l’usage de la résine peut engendrer des réactions allergiques au niveau de la peau, des yeux ou des voies respiratoires.
Selon Michelet Estève, chimiste et ingénieur de formation, la peinture est constituée de plusieurs éléments.
Tout d’abord, les liants, tels que la résine ou le polymère, assurent la cohésion entre les composants de la peinture. Ensuite, les solvants diluent les pigments et les liants, facilitant ainsi l’application de la peinture tout en favorisant l’évaporation pour un séchage rapide.
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Ces solvants peuvent être organiques (comme les hydrocarbures, les cétones et les esters) ou à base d’eau.
Enfin, les additifs, pigments et charges qui permettent d’ajuster diverses propriétés physiques de la peinture, comme sa texture et sa brillance.
Les usagers non protégés sont exposés à des risques pour leur santé, en particulier en raison de l’utilisation de pigments toxiques dans certaines peintures.
Je me suis trouvé malade pendant trois ans, éprouvant des symptômes tels que des vertiges récurrents, de la fièvre, des palpitations cardiaques, des problèmes respiratoires, des courbatures et une fatigue sévère.
Selon une étude scientifique menée par les docteurs Shelley-Rose Hyppolite et Robert Plante du Médecin du Québec en février 2004, les pigments inorganiques à base de métaux toxiques présentent les dangers les plus significatifs.
Les pigments les plus couramment utilisés dans les peintures d’artistes, tels que le plomb, le cadmium, le manganèse, le cobalt et le mercure, sont parmi les plus préoccupants, disent les chercheurs.
Ces métaux toxiques peuvent entraîner des problèmes respiratoires et gastro-intestinaux, des effets cardiotoxiques, des troubles de la mémoire et des problèmes dermatologiques, entre autres.
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Les solvants ne sont également pas dépourvus d’implications, expliquent les chercheurs. Présents dans les nettoyeurs de pinceaux, les diluants et les médiums utilisés dans les peintures à l’huile sont classés en diverses catégories dépendamment du produit chimique utilisé dans leur composition.
Ces solvants peuvent provoquer des complications dermatologiques, neurologiques, pulmonaires et rénales, selon les chercheurs. Ces composés chimiques, disent-ils, ont la capacité d’entrer en interaction avec le corps de l’individu par divers moyens, incluant les voies respiratoires, cutanées ou digestives. Cette interaction peut occasionner des perturbations dans le fonctionnement habituel de l’organisme, avec des conséquences à la fois immédiates et potentiellement durables.
Les pigments les plus couramment utilisés dans les peintures d’artistes, tels que le plomb, le cadmium, le manganèse, le cobalt et le mercure, sont parmi les plus préoccupants, disent les chercheurs
Les artistes haïtiens font aussi usage de peintures à base de plomb. Ces peintures sont des sources courantes d’intoxication.
Selon des recherches, le plomb cause des dommages à long terme chez les adultes, notamment un risque accru d’hypertension artérielle, de problèmes cardiovasculaires et de lésions rénales.
En 2020, une Alliance mondiale pour l’élimination des peintures au plomb créée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a formulé le souhait de supprimer ces peintures.
Les bombes aérosols, notamment utilisées par les graffeurs, engendrent également des problèmes lorsqu’elles sont employées sans protection appropriée.
Ou ka li tou : Istwa grafiti nan peyi Dayiti
D’après un article paru en mars 2019 de l’Association culturelle Red Bricks en France, portant sur les effets nocifs des bombes de peinture, il a été souligné que les peintures aérosols renferment ce que l’on appelle des Composés organiques Volatils (VOC).
Les VOC sont des substances libérées sous forme gazeuse par certains éléments solides ou liquides et englobent divers produits chimiques tels que l’acétone, le xylène et le toluène, qui se révèlent extrêmement dangereux pour la santé.
D’après les conclusions de l’Agence américaine de Protection de l’Environnement (EPA), les effets nocifs liés aux COV incluent divers symptômes tels que l’irritation des yeux, de la peau, du nez et de la gorge. On constate également des situations de dermatite, de gêne abdominale, d’affaiblissement musculaire, de dépression du système nerveux central, ainsi que des atteintes au foie et aux reins, pour n’en mentionner que quelques-unes.
Les bombes aérosols, notamment utilisées par les graffeurs, engendrent également des problèmes lorsqu’elles sont employées sans protection appropriée.
Francisco Silva, peintre et graffeur depuis près de quinze ans, estime que l’utilisation de bombes aérosols a un impact néfaste sur sa santé. Durant ses créations artistiques, notamment pendant les festivités carnavalesques, il déclare souffrir fréquemment de migraines intenses qui peuvent persister durant plusieurs jours, voire une semaine.
Face à ces risques, les experts recommandent de prendre des mesures préventives pour assurer la sécurité des individus exposés à divers agents chimiques.
Il est essentiel de porter des équipements de protection individuelle tels que des masques respiratoires et des gants pour limiter l’inhalation et le contact cutané avec les produits chimiques, y compris les gaz propulseurs des COV, lors de l’utilisation de peintures aérosols.
De plus, il est conseillé de bien connaître les produits utilisés, y compris leur nom et leur composition, et de suivre les consignes de sécurité fournies par les fabricants pour une manipulation sans risque.
En dernier lieu, il est crucial de porter une attention particulière à l’environnement dans lequel l’activité artistique est exercée. Cela implique de surveiller l’atmosphère ambiante et de veiller à une adéquate aération afin de réduire les risques d’exposition aux émanations nocives.
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L’utilisation de masques n’est pas confortable pour tous les artistes haïtiens. Wiss Jims exprime sa préférence pour travailler sans masque afin d’obtenir des résultats optimaux. Il souligne que l’utilisation de masques peut restreindre son champ de vision et affecter sa dextérité.
D’autres, comme Francisco Silva, rencontrent des problèmes liés à la disponibilité et au coût de ces équipements.
Il est important de noter que l’inhalation de produits chimiques toxiques n’est pas uniquement un enjeu artistique. Maxime Jean, propriétaire d’un atelier et fabricant de peinture pour carrosserie, a été exposé à ces produits pendant près de 30 ans sans masque de protection adapté.
Au fil du temps, il a commencé à ressentir des brûlures oculaires et des larmoiements fréquents, ce qui a entraîné des difficultés visuelles à l’âge de 60 ans.
En réalité, la plupart des peintures automobiles contiennent des isocyanates, des substances chimiques qui renforcent la résistance et la qualité de la peinture. Sans protection, les isocyanates peuvent agresser la peau, les yeux, les poumons et les voies respiratoires.
Espère Boyard, un habitant de Carrefour qui tire sa subsistance du métier de pulvérisateur de peinture pour véhicules, fait face à une situation similaire. Il signale souffrir de migraines sévères après chaque session de pulvérisation de peinture.
© Image de couverture : Le graffeur Francisco Silva en train de créer un «graffiti contre l’injustice sociale», en 2020, à Port-au-Prince. | © Rudmarck
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