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Malgré Haïti, Hillary Clinton est le président dont le monde a besoin !

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« Women’s rights, are human rights ». Hillary Clinton, september 5, 1995

Pour la suite du propos, mettons-nous à imaginer une pauvre mère célibataire, comme il en existe beaucoup dans ce pays. Par une nuit glaciale, bercée par la douce chaleur de ses deux enfants, elle entend frapper à sa porte. Peureuse, elle cède et va ouvrir sous l’insistance et la violence des coups contre le bois pourri du taudis qui l’héberge. Un homme fait irruption à l’intérieur de la maison et avec une arme, il menace les deux enfants : « choisissez entre ces mioches, celui qui doit mourir. Si vous refusez de choisir, les deux mourront ».

Aussi cruel, barbare et problématique que puisse paraitre l’exercice, sachez qu’il fut très courant dans les camps de concentration nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Les grandes personnes appellent cela un « dilemme existentiel ». Par cette expression sophistiquée, ils désignent l’individu, pétrifié, qui se trouve, malgré lui, entrainé vers des possibilités dont il se serait passé volontiers. Le meilleur choix dans cette situation serait de n’avoir pas à choisir ! Et refuser de choisir entre Donald Trump et Hillary Clinton est un luxe trop onéreux pour les États-Unis d’Amérique, l’un des pays les plus riches et plus puissants du monde.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment le pays dont les universités dominent le classement des meilleurs établissements du monde a pu se retrouver, coincé entre un énergumène mégalo, à l’ignorance suffisante et une femme dont la culture et l’expérience politiques ne lui ont pas empêché de voter pour la guerre en Irak, esquisse du terrorisme moderne, de violer la loi à répétition ou de changer d’avis au gré du sentiment populaire ? Les belles personnes s’acharneront encore des années sur le sujet, s’enverront à la face hypothèses après conjectures, mais l’évènement, certainement, gardera et sa part de mystère et ses conséquences profondes sur l’avenir des États-Unis.

Certains en Haïti qui, se rappelant les manœuvres peu orthodoxes du grand voisin dans les affaires électorales du pays, se réjouissent de l’embarras de l’intelligentsia américaine devant la débilité déconcertante de Donald Trump. Une partie de ceux-là vont même jusqu’à espérer une présidence du personnage arguant, non sans une peinte de bon sens, que la politique des États-Unis envers Haïti n’en sera que peu modifiée. J’entends bien ces arguments bien qu’il en manque l’ouverture qui replace Haïti dans la région et dans le monde. Le fait est que toute personne censée devrait craindre l’idée même qu’un raciste des plus abject, menteur pathologique, xénophobe exalté, escroc invétéré et idiot décomplexé de surcroît puisse accéder à la présidence de la plus grande puissance militaire mondiale.

Et alors, l’aigreur de l’alternative s’adoucira… on y décèlera même des vertus certaines. Quand bien même Hillary Clinton et son mari resteront dans l’histoire haïtienne comme des personnages hautement controversés, aux actions souvent dévastatrices.


C’est Wangari Maathai, lauréate kényane du prix Nobel de la paix qui eut à dire : « Plus on s’élève dans l’échelle sociale, moins il y a de femmes ». Alors que la population mondiale est presque à égalité homme femme, sur près de 200 pays, seulement 70 peuvent se targuer d’avoir été au moins une fois dirigés par une femme. Actuellement, on ne compte que 23 territoires sous le giron féminin. Cette sous-représentation politique n’est pas sans conséquence sur la délimitation de « l’horizon du possible » pour des millions de femmes à travers le monde.

À la tête de la première puissance mondiale, Hillary Clinton portera un coup symbolique décisif au vieil édifice patriarcal qui partout, semble résister aux assauts de la modernité. Cette femme éduquée, compétente, ancienne première dame active, ancienne sénatrice et secrétaire d’État, cette curieuse personnalité capable de témoigner 5h d’affilée sous l’œil inquisiteur des caméras des USA le 23 janvier 2013 devant le sénat et la House Commitees sur les attaques de l’ambassade américaine à Benghazi laissera voir au monde entier ce que peut une femme quand l’opportunité de l’éducation lui est offerte et que ses rêves s’échappent de la chambre à coucher pour tutoyer l’horizon.

Après 240 ans de domination mâle à la présidence des USA, Hillary Clinton devra prouver que la représentation féminine mène souvent à une meilleure prise en compte des enjeux auxquels font face les femmes. Elle s’y est déjà illustrée en tant que première dame, notamment en déclarant à Beijing (Chine) le 5 septembre 1995 que « les droits des femmes sont les droits humains », en appuyant comme sénatrice des lois allant dans le sens d’une progression sociale pour les femmes… La petite fille qu’elle était jadis, intrépide, et qui a accusé une fin de non-recevoir à cause de son sexe alors qu’elle rêvait d’entrer à la Nasa, aura à régner sur le monde. A l’occasion, souhaitons qu’elle s’acharne à approfondir l’héritage progressiste de son prédécesseur et faire avancer les causes des 52.6% de la population américaine.

Mais plus encore, Hillary Clinton comme première femme présidente des États-Unis après le « black » Obama pulvérisera des clichés débilitants qui encore aujourd’hui ont cours dans différentes parties du monde. N’en déplaise à Jean Jean Roosevelt, donnez le monde aux femmes, il y aura à peu près autant de guerres, certains seront pris d’effroi en découvrant qu’essentialiser « à l’eau rose » ces dames revient à les réduire tout en rendant naturels des qualités qui, somme toute, ne sont que des acquis sociaux, intériorisés souvent par la force. De même que ses confrères, une femme politique peut être froide, calculatrice, manipulatrice et une ambitieuse intransigeante qui fait passer sa carrière, l’argent ou son pays avant les traditionnelles considérations familiales ou vestimentaires.

Et au final, Hillary Clinton présidente du monde libre sera une correspondance à cette jeune écolière au fin fond de cette contrée rurale haïtienne : « N’attend pas qu’on te libère. De tes mains frêles, va tailler dans la brume les lendemains qui chantent ! » Face aux petits mâles tremblotants à la vue des femmes fortes, face à la misogynie ambiante, contre les préceptes religieux ancestraux et aux déterminismes réducteurs… deviens le destin que tu définis !

Widlore Mérancourt

Widlore Mérancourt est éditeur en chef d’AyiboPost et contributeur régulier au Washington Post. Il détient une maîtrise en Management des médias de l’Université de Lille et une licence en sciences juridiques. Il a été Content Manager de LoopHaïti.

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