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L’insécurité menace les malades de Covid-19 à Port-au-Prince

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L’hôpital Saint-Luc, un centre majeur, rapportait des difficultés pour s’approvisionner en oxygène

L’hôpital Saint-Luc s’est jeté tôt dans la mêlée pour lutter contre le coronavirus en Haïti. À date, l’institution reste l’un des plus grands centres d’admission avec sept à huit patients par jour, alors que le pays enregistre une deuxième vague de la maladie, occasionnée par l’introduction des variants anglais et brésilien.

Durant la fin du mois de mai, l’hôpital Saint-Luc a connu d’énormes difficultés de fonctionnement à cause de l’insécurité. Son usine de production d’oxygène se situe à Drouillard. Et récemment, des individus armés ont envahi le poste de police de la zone. Ces bandits ont tué le responsable du commissariat et désarmé les policiers avant de prendre la fuite.

« L’insécurité qui sévit à Drouillard nous a empêchés de nous approvisionner en oxygène, considéré comme un besoin vital de nos jours, confie Edson Augustin, directeur médical de Saint-Luc. Le générateur d’oxygène dont dispose l’hôpital lui fournit une quantité d’oxygène suffisante pour les soins normaux. Mais dans le cas de la Covid-19, le besoin est plus important ».

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Les personnes atteintes du Covid-19 consomment entre trois à cinq bonbonnes d’oxygène par jour. « On a parfois 80 personnes sur oxygène, rapporte Augustin. Ce qui oblige le centre à utiliser près de 360 bonbonnes d’oxygène par jour. À cet effet, l’hôpital réalise quotidiennement entre trois à quatre voyages pour pouvoir s’approvisionner et remplir son stock de réserve », poursuit-il.

Les difficultés pour remplir les bonbonnes au bénéfice des patients représentent une épée de Damoclès au-dessus de la tête des nouveaux malades du coronavirus. « On ne pourra pas admettre de nouveaux patients si on n’a pas la garantie qu’on trouvera de l’oxygène pour les administrer en cas de besoin », dit le médecin.

Toutes les interventions réalisées jusqu’à très récemment étaient aux frais de l’hôpital Saint-Luc. « Mais, depuis tantôt huit jours, les autorités sanitaires et un bailleur international ont permis à l’hôpital de s’approvisionner gratuitement en oxygène », fait savoir Edson Augustin.

Le médecin rapporte que le MSPP a fait don d’un générateur d’oxygène à Saint-Luc. « Ce don nous permettra d’avoir une certaine alternative en oxygène en cas de troubles majeurs dans le pays », poursuit-il.

Capacité d’accueil maximale

Deux semaines de cela, les centres de prise en charge Covid-19 frôlaient ou dépassaient leur capacité d’accueil maximale. Plusieurs hôpitaux habilités dans la prise en charge du coronavirus avaient annoncé leur incapacité à recevoir des patients atteints du Covid-19.

Saint-Luc, situé à Tabarre, et l’hôpital du Canapé-Vert ont été dans l’obligation de transférer des patients vers le centre de prise en charge Covid-19 à Delmas 2 ou à l’hôpital de Mirebalais.

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En Haïti, la prise en charge des patients infectés par le Coronavirus se fait à travers deux types de structures : les centres de prise en charge Covid-19 créés par l’État et les unités de soins Covid-19 aménagés dans les hôpitaux privés du pays. Ces unités sont souvent à capacité réduites.

L’espace de prise en charge Covid-19 de Delmas 2 est l’unique centre public de la région métropolitaine. « À plusieurs reprises, l’ensemble des lits du centre sont occupés par des patients, dès lors on n’admet pas de nouveaux patients », raconte une infirmière affectée à cette institution qui compte actuellement dix-huit malades pour une capacité d’accueil chiffrée à 50 lits.

Avec l’appui du Ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP), les hôpitaux privés sont en première ligne dans le combat contre le coronavirus en Haïti. L’on compte, entre autres, l’hôpital Saint-Luc, l’hôpital Sainte-Marie à Lalue, l’hôpital Canapé-Vert et Santé Lambert à Pétion-Ville.

Une flambée inattendue

Durant la première vague de la maladie en Haïti, 1 011 lits étaient disposés dans 26 sites de prises en charge du nouveau Coronavirus. En raison du nombre négligeable d’hospitalisations, ces centres, dont celui à Canaan et le Centre Olympique, ont été fermés par l’État.

Avec l’introduction des deux nouveaux variants du virus, l’augmentation des cas évolue à un rythme croissant. Malgré cela, l’État n’a pas encore jugé nécessaire de rouvrir les centres qui ont été fermés.

À part le centre de prise en charge de Delmas 2, les autres centres restent dysfonctionnels. « Le MSPP procédera très prochainement à l’ouverture d’un autre centre de prise en charge Covid », annonce Biguerson François, assistant-directeur de communication au MSPP.

Durant la flambée de cas inattendus, l’hôpital Saint-Luc recevait entre 15 à 23 patients infectés par jour. Son unité de prise en charge est d’une capacité de 107 lits.

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« Le nombre de patients a augmenté de 50 % par rapport au mois de juin 2020, considéré comme le pic de la première vague de la maladie en Haïti, rapporte Edson Augustin, directeur médical de Saint-Luc. Aussi, le nombre de décès enregistrés à l’hôpital durant ces deux derniers mois a augmenté de 50 % par rapport à l’année dernière ». Actuellement, l’hôpital Saint-Luc est rempli à deux tiers de sa capacité.

Ce cas de figure est le meme à l’hôpital Canapé-Vert. « L’unité de prise en charge était saturée durant le mois de mai. C’est pourquoi l’hôpital était dans l’incapacité de recevoir des patients », raconte un agent de santé, placé à l’entrée du bâtiment. Le centre est enfin libéré de l’affluence de cas. Le responsable de cette unité de soin n’était pas présent lors de la visite de AyiboPost.

Joint au téléphone, un responsable à l’hôpital Sainte-Marie à Lalue rapporte que le nombre de cas d’hospitalisation pour le Covid-19 a légèrement baissé durant la semaine dernière. Il a refusé de fournir des chiffres à propos du nombre de lits dont dispose leur unité de soins Covid.

Améliorer le protocole de soins

Le protocole de soins adopté en mars 2020 par le MSPP préconise des interventions à deux niveaux pour les malades de coronavirus. Les cas simples de la maladie devraient être isolés et recevoir de la vitamine C, de l’analgésique, de l’hydratation adéquate et de l’oxygène au besoin.

Le niveau deux comprend le support respiratoire, l’administration attentive de solutés, la réanimation cardio-pulmonaire, entre autres.

« Le MSPP devrait réfléchir sur un nouveau protocole de soin dans la prise en charge des cas de coronavirus en Haïti, juge Edson Augustin. Ce protocole de soin n’a pas permis d’éviter le nombre de décès qu’on a enregistrés depuis l’introduction des variants brésilien et anglais ».

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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