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L’industrie de la prostitution s’adapte au Coronavirus en Haïti

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Face à la menace du Covid-19, la prostitution ralentit à certains points dans le pays. Mais à d’autres endroits, insouciance et manque d’éducation portent des gens à se risquer

En Bolivie, l’industrie du sexe jouit d’une reconnaissance légale et subit une régulation formelle.

Avec la confirmation de plusieurs cas de Coronavirus dans ce pays, le gouvernement a imposé un couvre-feu de 5h PM à 5h AM et forcé la fermeture de plusieurs dizaines de maisons closes dans la capitale, La Paz.

Les prostituées de ce pays, un des plus pauvres des Amériques, protestent ces décisions.

La situation en Haïti est plus nuancée. Le gouvernement a bien introduit un couvre-feu, mais il n’est ni obligatoire ni observé. La majeure partie des maisons closes sont cependant fermées, notamment dans la zone métropolitaine.

Mais, les quelques endroits de rendez-vous informels, comme « Kay Gwo Manman » ou les trottoirs de Petion-Ville, fonctionnent avec une affluence moindre.

La Grand-rue déserte

À la Grand-rue par exemple, les différents clubs qui maintenaient la vie nocturne dans la zone sont fermés et aucune des travailleuses de sexe qui s’exposait autrefois sur les galeries n’est aperçue à l’horizon.

Dans les rues de Pétion-Ville aussi, les prostituées se font rares.

Camille travaille dans une boite de nuit de la zone depuis deux ans. À l’heure du Coronavirus, la jeune femme dit constater une diminution importante du nombre de clients sollicitant son service.

Elle croit que le couvre-feu instauré par le gouvernement à partir de 8 heures du soir pèse lourd sur l’affluence des clients.

Lire également : Que font les maris des prostituées quand celles-ci travaillent? Ils expliquent.

La situation est bien différente à « Kay Gwo manman », haut lieu de la prostitution à Le Lambi dans la commune de Gressier. En cet après-midi du dimanche 29 mars 2020, tout se déroule comme à l’accoutumé au bord de la mer.

Ici, sous une cabane en paille, le troubadour rythme les mouvements d’une foule qui danse en exhibant des bouteilles d’alcool.

Plus loin, ce sont des jeux de hasard qui attirent la foule devant une machine qui crache des pièces de monnaie.

Au fond, des prostituées se tenant en petites tenues s’offrent aux passants.

Cependant, pour Myrlène qui cumule 12 ans de carrière sous les mangroves de Le lambi, la réalité est toute autre : « Quand vous appelez un client, il vous répond qu’il a peur du Coronavirus ».

Livraison à domicile et autres stratégies

La fermeture des clubs et le couvre-feu poussent Camille à adopter de nouvelles stratégies comme rejoindre le client dans une chambre d’hôtel ou se rendre chez lui directement.

Parfois, Camille fais du racolage autour des places publiques de Pétion-Ville. « M’avoir te coûtera 750 gourdes : 350 pour payer une chambre d’hôtel et les 400 gourdes restants seront à moi », lance-t-elle aux jeunes hommes s’approchant de lui, sans respect pour la distanciation sociale.

Pourtant, Camille est bien au courant du nouveau Coronavirus. Elle dit appliquer les principes d’hygiènes préconisés par les experts en santé.

« Il n’y a pas de caresse, pas de baiser et nous utilisons des préservatifs. En qui a trait à la distance sociale pour me protéger du Coronavirus, j’opte pour des positions ne nécessitant pas des embrassades comme le « bak chat » ou le « pan kabann ». Pas question d’utiliser la position du missionnaire ».

 

À Le Lambi, la pratique du « Ti pwason » bat son plein. Photo: Samuel Celiné

L’eau de mer pour se protéger du coronavirus

À Le Lambi, la pratique du « Ti pwason » bat son plein, comme avant la pandémie.

Ces séances intimes sans protection dans l’eau de mer, réputées protéger contre les maladies sexuellement transmissibles, acquièrent progressivement un nouveau statut. « Le virus ne peut pas résister dans l’eau salée », croit Judener, un client interrogé dimanche dernier.

Lire aussi: Bien que populaire, le « Ti Pwason » reste une pratique dangereuse

Aucune recherche scientifique ne vient en effet confirmer la transmission du Coronavirus par voie sexuelle, mais la distance sociale reste préconisée, surtout quand on sait que les personnes infectées de la maladie peuvent ne pas ressentir aucun symptôme avant la fin de la période d’incubation.

Jean-Hugues Henrys est médecin. Il travaille pour le compte du Ministère de la Santé publique et de la population. Selon lui, ni les « bak chat », ni les « Pan kabann » ou le sexe en milieu marin dont Judener est l’adepte, ne peut protéger contre le Coronavirus.

Le médecin parle de « fausses protections ».

Poète dans l'âme, journaliste par amour et travailleur social par besoin, Samuel Celiné s'intéresse aux enquêtes journalistiques.

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