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L’indiscipline:une excuse éternelle en Haiti

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Le 17 novembre 2015, l’équipe haïtienne a été battue au stade Sylvio Cator par la Jamaïque(0-1). Elle traîne ainsi une malédiction qui dure depuis plus de trente ans.

À la veille de la commémoration des 112 ans de la bataille de Vertières, devant un public déterminé, tous les ingrédients étaient réunis pour vaincre définitivement le signe indien. « Cette fois-ci, la victoire ne devrait pas nous échapper ». Confiant, le public haïtien abordait cette rencontre avec un optimiste tel, que les jamaïcains étaient déjà battus d’avance. La défaite était interdite. Dans les couloirs du stade, dans les écoles, dans les universités, dans les marchés, les églises… tout le pays en parlait. Il y a un contentieux à vider, et pour certains, c’est le moment ou jamais.

Le jour du match, toutes les voies menant au Stade sont hautement sécurisées par la PNH. Rien n’est laissé au hasard. Surtout que la Fédération jamaïcaine faisait état de l’insécurité qui régnait en Haïti suite à la publication des résultats préliminaires des élections présidentielles. L’enthousiasme était tel que les manifestants avaient dû observer une « trêve ». Personne ne voulait être responsable de l’échec de l’équipe nationale.

Quand arriva le moment de l’hymne national, les milliers de spectateurs présents au Stade, comme un seul homme, ont chanté fièrement la dessalinienne. On a eu droit à des frissons.

Les grenadiers, peut-être, crispés, par l’ampleur de l’évènement, peinent à rentrer dans le match. Ils hésitent à partir à l’assaut des buts jamaïcains. On ne prend pas de risque. On ne veut pas perdre le ballon. Vaut mieux s’en débarrasser. L’objectif est surtout de ne pas perdre. Et entre-temps, les jamaïcains attendent. Ils jouent leur jeu, sachant qu’ils ne laisseront pas passer leur chance. Et soudain, le stade sombra dans une stupeur extraordinaire. Ce n’était pas une minute silence qu’on observait en plein match. Mais, c’était tout comme. La Jamaïque avait ouvert le score. Clayton Donaldson, le buteur, soupçonné d’un geste irrégulier sur Placide, a plongé le stade Sylvio dans l’effroi. Le public était si terrifié qu’il s’endormit. Le stade ne se réveillera presque plus.

En face, il n’y avait personne pour sonner la révolte. Jeff Louis aura essayé, mais en vain. Jadis identifié comme le traître qui avait abandonné lâchement les siens sur le champ de bataille à la Gold Cup. Ce jour-là, ils lui rendirent la pareille. Et à trop vouloir/devoir faire cavalier seul, il s’est lui aussi emmêlé les pinceaux. Rendant ainsi une copie imparfaite. L’équipe haïtienne était inoffensive et le pauvre Jeff n’y put rien. Rebelle, jusqu’au bout, il aura été, l’un des rares grenadiers à contester l’approche ultra prudente du match. Au coup de sifflet final, le stade se vida. Les spectateurs rentraient bredouilles, emmenant leurs illusions avec eux. Chacun essaie de désigner un coupable. Et comme à chaque fois, les joueurs en ont reçu pour leurs grades.

On croyait que la nuit allait s’achever sur cette mauvaise note. Ce fut une grossière erreur. Car, le vrai match, c’est à la salle de conférence qu’elle allait avoir lieu. En effet, devant des journalistes furieux, le sélectionneur national et le capitaine tentaient de trouver une explication à cette défaite. Placide a déclaré que le match était perdu d’avance. Le match a été mal préparé a-t-il déclaré. Jusque là, rien à signaler. Tout en épargnant son coach, il accuse les joueurs d’ »indisciplinés ». Même son de cloche, de la part de Marc Collat. Il est allé jusqu’à affirmer que le problème d’indiscipline est « génétique » chez l’Haïtien. Il a insulté tout un pays, à la veille de la célébration de l’anniversaire de la plus grande épopée de son histoire. Alors qu’il aurait dû s’excuser pour ses errances tactiques et pour sa mauvaise approche du match, il a préféré s’acharner sur ses joueurs. De quelle indiscipline parlons-nous ? Il faudrait préciser.

En tout cas, sur le terrain, ils ont respecté à la lettre le projet de leur entraîneur. Même Tiga, généralement instinctif, s’est circonscrit dans les consignes défensives du staff technique. Est-ce l’indiscipline qui a empêché à Placide de réagir à temps sur le but jamaïcain. Est-elle responsable du ballon mal négocié devant le Costa Rica quelques jours plus tôt ? Est-ce par indiscipline que l’équipe haïtienne sautait systématiquement le milieu de terrain ? Et que les latéraux ne prenaient presque aucune initiative ? Ces longues balles étaient-elles le résultat d’un vaste désordre tactique ? On n’en sait rien. Tant d’interrogations auxquelles devrait répondre Marc Collat. Mais, son coupable était tout désigné : l’indiscipline. Autant que je sache, le travail d’un entraîneur consiste également dans la discipline de son groupe. Tout manquement devrait lui être imputable. N’est-ce pas lui le maître à bord ? Comme le dit le vieux dicton : un bon capitaine coule toujours avec son navire. À ce propos, en accusant à tort et à travers ces joueurs, cela fait-il de lui un bon capitaine ? À vous d’en juger.

Certains verront dans ma démarche une prime accordée à l’indiscipline. Comme quoi, je me fais l’avocat du diable et des causes indéfendables. Loin de là mes intentions. D’ailleurs tous ceux qui se seraient rendus coupables d’écarts de comportements doivent être sanctionnés rigoureusement. De même qu’il faut que les responsables de cette défaite assument leurs responsabilités.

Qu’ils arrêtent de se cacher derrière des prétextes fallacieux pour masquer leurs fautes. À commencer par le public qui n’a pas su accompagner son équipe dans l’adversité ; les dirigeants qui ont mal logé les joueurs ; les politiciens qui ont voulu instrumentaliser la sélection nationale à des fins politiciennes ; les joueurs qui ont failli à leurs tâches ; et enfin, l’entraîneur qui n’a pas su discipliner son équipe.

Nathan Laguerre 

La rédaction de Ayibopost

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