Des familles de Carrefour-Feuilles sont obligées de partir une nouvelle fois à cause de la reprise des activités des gangs dans la zone
Depuis les derniers assauts des gangs de Grand Ravin en août 2023 sur le quartier de Carrefour-feuilles, la jeune dame trouvait refuge à l’école nationale République du Brésil.
«Les conditions dans lesquelles nous vivions à l’école nationale République du Brésil étaient déplorables», explique-t-elle à AyiboPost.
Après avoir appris à la fin du mois de novembre que la situation s’était améliorée, la dame a donc pris la décision – comme nombreux autres habitants – de retourner vivre non loin du marché Tunnel où elle habitait avec son fils de 13 ans. Elle requiert l’anonymat pour des raisons de sécurité.
La jeune dame pensait, à tort, pouvoir trouver mieux chez elle à Carrefour-Feuilles, le quartier où elle a résidé depuis plus de quinze ans mais qu’elle a dû fuir en août 2023.
«J’avais peur de tomber malade. C’est pourquoi j’ai quitté le centre d’accueil pour rentrer chez moi. Mais je n’ai pas pu tenir une semaine», raconte-t-elle à AyiboPost.
«Je ne sais plus à quoi m’attendre. La situation est compliquée pour moi et mon fils ne peut pas encore retourner à l’école cette année», se plaint la mère.
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Les tirs nourris et les violences des gangs l’ont poussée à fuir, avec ses voisins, une fois de plus le quartier.
La jeune dame trouve actuellement refuge chez une amie à Nazon. Elle affirme connaître également beaucoup d’autres personnes qui, comme elle, sont obligées de quitter Carrefour-Feuilles une nouvelle fois à cause de la reprise des violences.
Deux familles contactées par AyiboPost refusent de s’exprimer longuement sur la situation, craignant pour leur sécurité. Elles ont toutefois fini par confier qu’elles étaient retournées vivre à Savane Pistache et qu’elles n’avaient pas pu rester dans la zone à cause des violences des gangs.
Au moins six personnes sont tuées et plusieurs autres blessées par balles, le samedi 25 novembre 2023, lors d’une énième attaque des bandits de Grand Ravin à Carrefour-Feuilles. Ces individus tentaient de rentrer chez eux.
Au mois de novembre, le nombre de personnes en situation de déplacement forcé à Port-au-Prince qui sont retournées chez elles se situe entre 32 000 et 60 000, selon un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations ( OIM).
Plusieurs raisons, dont l’insécurité accrue dans la zone d’accueil et une relative baisse des tensions dans leurs zones d’origine expliquaient leur retour.
Si certains sont déjà repartis, d’autres déclarent se sentir de plus en plus proches de vouloir se déplacer une nouvelle fois.
AyiboPost s’est rendu sur les lieux, le 23 novembre, pour constater les dégâts après les attaques perpétrées en août dernier par les gangs de Grand Ravin.
11 heures du matin ce jour-là, certaines impasses et ruelles secondaires de Carrefour-feuilles étaient désertes. Normalement, à cette heure de la journée, les activités de transport et de commerce de rue devraient être intenses.
À la rue Magloire Ambroise prolongée, tout est au ralenti. Mais à entendre les commentaires de quelques personnes assises sur le trottoir, la peur occupe encore les esprits.
À l’impasse Félix, quelques rares motocyclistes assurent le transport en commun. Et quelques mètres plus loin, le marché de Tunnel fonctionne comme si tout allait bien.
Malgré le calme apparent de la zone, l’attitude méfiante des habitants envers les étrangers est frappante.
Alors qu’il progresse à l’impasse Félix, un photojournaliste d’AyiboPost est tombé sur un groupe d’individus hostiles, assis sur le trottoir qui lui ont rapidement intimé l’ordre de s’identifier.
Ce qu’il s’est empressé de faire.
«Pour gagner leur pleine confiance, je leur ai expliqué que je suis journaliste et que je suis venu pour réaliser un reportage dans la zone», explique le professionnel de la caméra.
«Vous pouvez prendre des photos des bâtiments ou tout ce que vous voulez, mais évitez de nous prendre en photo», lui met en garde un membre du groupe rencontré.
L’impasse Félix et la rue Magloire Ambroise prolongée demeurent quelques-uns des rares endroits encore non contrôlés par les gangs à Carrefour-feuilles.
Un décor de plus en plus sinistre et désolant se dévoile à Carrefour-Feuilles.
L’odeur de brûlé persistante dans l’air qui agresse les narines est accompagnée par la vue désolante et lamentable des maisons trouées par l’impact des balles, des carcasses de véhicules incendiés ici et là, ainsi que des toitures de maisons arrachées, remarque AyiboPost dans la zone.
Quelque part plus loin à la rue Magloire Ambroise, le garage «nan palman» entre cité Auguste et Magloire ambroise Prolongé, un espace servant également de parking dans la zone avant l’intrusion des malfrats, ne comptent que des restes de véhicules brûlés.
Les impacts de projectiles sur les locaux de l’église Assemblée de Jésus-Christ pour la renaissance primitive et le délabrement de l’école professionnelle hébergée par le Centre d’appui à la protection sociale des enfants (Caprose) sont quelques uns des éléments qui s’ajoutent à ce décor infernal rappelant le sinistre qui s’est abattu sur Carrefour-Feuilles en août 2023.
Midi, c’était l’heure de rentrer.
C’est alors qu’un résident de Carrefour-Feuilles s’identifie auprès d’AyiboPost, non loin du Centre d’appui à la protection sociale des enfants (Caprose).
Il se nomme Pierre Luc, responsable de Caprose, créé après le tremblement de 2010, situé à magloire Ambroise prolongé.
L’institution, dont il ne reste que les ruines, hébergeait également une école professionnelle qui offrait divers cursus de formations professionnelles aux jeunes de Carrefour-Feuilles.
Sur place, Pierre Luc explique avec amertume le pillage et l’incendie de son institution par les bandits.
«Nous avons perdu 19 ordinateurs à la salle d’informatique. Puis un système complet de purification d’eau par osmose inverse. Ils ont tous été incendiés», déclare Pierre Luc.
Il y a juste quatre mois, l’institution servait encore toute la communauté de Carrefour-Feuilles.
«C’était l’endroit idéal pour l’organisation de toutes sortes d’activités culturelles du bidonville», explique Pierre Luc avec une pointe de nostalgie dans la voix.
À cette heure de la journée, les rues de Carrefour-feuilles sont encore presque vides. Les portes des écoles ainsi que celles des petits commerces sont restées fermées.
Par Jean Feguens Regala & Wethzer Piercin
Image de couverture : Vue de la détérioration d’un quartier à Carrefour-Feuilles, causée par l’activité des gangs de Gran Ravin. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost
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