AYIBOFANMEN UNESOCIÉTÉ

Lettre à un père…

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Peu importe ce qui avait occasionné ma naissance, une nuit pluvieuse, une rencontre fortuite, quelques verres, un moment d’égarement… Peu importe, désormais je suis là, je vis. Un être bien en chair avec un parcours, une histoire. Et, à ce stade, je ne saurais continuer à être une erreur d’une nuit de folie.

Je ne m’étais jamais posé de questions, car à cette époque je ne savais pas vraiment si ta présence m’était nécessaire. Je ne savais même pas que tu devais exister. Je regardais ma mère trimer jour et nuit, s’usant comme une corde. Je n’ai jamais rien osé lui demander, ni de surplus d’affection ou d’amour. Et j’en avais grandement besoin. Je me suis contenté de grandir, seul, de l’enfance à l’adolescence, de l’adolescence à l’âge adulte. Je  t’ai imaginé mille visages, j’ai même été scruté les visages des anciens du quartier pour y déceler une parcelle de moi, rien. J’ai échafaudé des centaines de scénarios, où tu serais revenu d’une guerre, d’un pays étranger, d’une femme mariée qui t’aurais mis ses griffes dessus, te poussant à oublier ce petit être rose que tu as abandonné 27 ans plutôt. Le confort du mensonge n’a pas duré longtemps. Tu as été absent depuis le début… le jour de ma naissance, les 27 anniversaires célébrés, toutes les fêtes de fin d’année, les réunions de parents d’élèves, les remises de bulletins scolaires et enfin, mon entrée dans la vie d’adulte.

Je n’ai jamais pu prononcer ce mot, Père. Je l’ai écrit mais il n’a jamais pu franchir mes lèvres. Ca sonnerait tellement faux. Je l’ai pourtant imaginé, j’ai rêvé d’une relation père-fils. Il y a tellement de choses que j’aurais pu te raconter, tellement de faux-pas que tu aurais pu m’éviter. J’ai aussi admiré de loin, les pères de mon entourage et leur relation avec leur fils. J’étais même un peu jaloux de voir cet attachement, je n’arrêtais pas de me demander ce qu’il adviendrait de moi si tu étais là? Aurais-je été celui que je suis aujourd’hui ? Aurais-je été plus fort ? Moins vide ? Aurais-je eu moins de bataille à livrer, moins de choses à prouver ?

Il m’aura fallu 27 ans pour comprendre que je portais un vide, une culpabilité sortie je ne sais d’où. J’ai fini par arrêter de  me condamner. Cette culpabilité, elle est tienne, c’est toi qui a failli à ton devoir, ta mission. C’est toi qui n’as pas su garder ta braguette fermée.  Non, je ne vais pas te traiter de salopard, d’incapable, de fuyard, de couilles molles, rien de tout cela. Je serai juste meilleur que toi, le meilleur père qu’un enfant rêverait d’avoir. Je serai présent et je tiendrai mes promesses. Je serai là pour ses premiers pas, ses premiers mots. Je serai là pour le premier jour de classe, je serai là pour l’embrasser après l’école, je tiendrai ses doigts pour tracer ses premières lettres, je le féliciterai pour ses bonnes notes, je le tiendrai éloigné des adultes aux fantasmes coquins et douteux. Je réussirai là où tu as si bien échoué.

D’un autre côté, je te remercie, le confort de ta présence m’aurait peut-être conduit vers d’autres rives. Je vais continuer à utiliser le vide que tu as laissé pour grandir, pour apprendre, pour devenir quelqu’un de meilleur. Ton absence est devenue un tremplin, ma matière noire pour affronter le sourire hypocrite du monde.

Tu aurais été heureux et chanceux de m’avoir comme fils.

Lâche !

Je suis Soucaneau Gabriel, Journaliste Freelance. Blogueur, animateur radio et télé. Un passionné, un jongleur des mots, poète si on veut. Passionné de lecture, de voyages, de rencontres. La vie est ma plus grande source d’inspiration. Libre dans ma façon d’agir, dans ma tête ainsi que dans mes écrits. Je ne suis pas là pour me conformer aux critères mais plutôt pour faire sauter des barrières. A bon entendeur...

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