POLITIQUE

Les turpitudes de Guy Philippe

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L’ancien sénateur élu veut récupérer son salaire de parlementaire, alors qu’il cherche une libération bien avant l’expiration de sa sentence aux États-Unis

Depuis sa cellule au pénitencier fédéral d’Atlanta en Géorgie, Guy Philippe continue de lutter.

Condamné à neuf ans de prison aux États-Unis en 2017 pour blanchiment d’argent provenant de trafic de drogues, l’ancien sénateur élu de la Grand’Anse a cherché une libération anticipée à travers une requête introduite auprès d’un juge le 3 octobre 2022.

Page 1 sur 11 de la requête introduite par Guy Philippe auprès du juge le 3 octobre 2022.

Cette demande obtenue par AyiboPost vient d’être rejetée par la justice dans une décision prise le 21 novembre 2022.

Guy Philippe s’apprêtait à prêter serment comme sénateur lorsque son passé trouble l’a rattrapé il y a cinq ans. En manque d’argent, il veut aujourd’hui forcer l’État haïtien à lui reverser son salaire de parlementaire. Deux cabinets d’avocats contactés par l’ancien homme fort de Pestel révèlent à AyiboPost avoir refusé de travailler sur ce dossier.

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Déjà en 2018, Philippe, ancien cadre de la police suspecté de trafic de stupéfiants, a tenté la méthode douce. Il avait alors adressé une correspondance au président du Sénat, Joseph Lambert, lui-même sanctionné par les États-Unis et le Canada pour trafic de drogue et collusion avec les gangs.

Philippe étalait dans sa lettre au grand corps les difficultés financières l’empêchant de payer ses avocats aux États-Unis. Aussi, il a réclamé de l’État haïtien 125 000 dollars américains en guise de compensation pour son mandat de six ans.

Guy Philippe s’apprêtait à prêter serment comme sénateur lorsque son passé trouble l’a rattrapé il y a cinq ans.

« J’ai refusé de prendre ce dossier après avoir été contacté par Guy Philippe puisque je sais que cette démarche n’aboutira à rien de concret », déclare à AyiboPost Me Mario Delcy, un avocat ayant défendu Guy Philippe par le passé.

Formé par les Forces spéciales des États-Unis en Équateur au début des années 1990, Guy Philippe est reconnu en Haïti pour son passé violent.

Admirateur du dictateur féroce de Chili Augusto Pinochet, il fut renvoyé de son poste de chef de la police de Cap-Haïtien en octobre 2000. Il est accusé d’être l’auteur d’une attaque violente contre l’Académie de Police et d’avoir préparé une tentative de coup d’État en 2001.

Admirateur du dictateur féroce de Chili Augusto Pinochet…

Guy Philippe se réfugie à l’époque en République Dominicaine. Avec son gang, il refait surface en février 2004 pour s’impliquer dans le coup d’État qui a renversé Aristide la même année.

Il est accusé par les USA d’avoir reçu des pots-de-vin évalués à 3,5 millions de dollars pour protéger des cargaisons de drogue à destination des États-Unis. Pour ce faire, Philippe qui, à l’époque, était un officier de police avait utilisé sa position de haut rang dans les forces de l’ordre.

L’ancien chef rebelle est appréhendé à Pétion-Ville par des agents de la Brigade de lutte contre le trafic de stupéfiants (BLTS) en 2017. Il est vite transféré aux États-Unis.

L’homme politique demande sa libération anticipée…

Condamné en juin 2017 à 108 mois d’emprisonnement, suivis d’une période de liberté surveillée de trois ans, Guy Phillipe a déjà purgé environ 68 mois de sa peine.

L’homme politique demande sa libération anticipée en raison de sa bonne conduite dans la prison. Il évoque pour sa défense le First Step Act, une loi adoptée aux USA en 2018 qui vise à réduire les peines fédérales inutilement longues pour les infractions pénales liées aux drogues et à améliorer les conditions de détention dans les prisons fédérales.

Le gouvernement américain rejette ces arguments. Guy Phillipe a été condamné avant la promulgation du First Step Act pour un délit de blanchiment d’argent, et non pour un délit de drogue, écrit le commissaire de gouvernement délégué sur le dossier dans une déposition obtenue par AyiboPost.

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Les arguments de bonne conduite et celui du bon père de famille désormais corrigé déroulés par Guy Phillipe ne cadrent pas avec la réalité, selon le gouvernement américain. Alors qu’il est en prison, Phillippe s’est rendu coupable d’une violation de la loi pour avoir « donné ou accepté une somme d’argent sans autorisation. »

Photo de couverture : Guy Philippe | © Jaime Razuri/AFP

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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