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L’Artibonite sous l’emprise des gangs malgré l’état d’urgence

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L’état d’urgence décrété par le gouvernement n’est pas accompagné d’un renforcement des forces de l’ordre, disent des responsables. Les gangs du département poursuivent les massacres

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Les gangs intensifient les attaques dans l’Artibonite plus d’un mois après le décret d’état d’urgence sécuritaire décidé par le gouvernement pour ce département et d’autres zones du pays impactées par la violence.

La police demande des moyens et des renforts pour agir. « Nous avons des plans, mais nous sommes incapables de les mettre en œuvre », déclare à AyiboPost le directeur départemental de la police, Paul Ménard Jean-Louis.

Le commissaire divisionnaire se plaint d’une absence de « changement » depuis l’annonce de l’administration du Premier ministre Gary Conille.

Les gangs multiplient les assauts contre la population, mais la police attend de « nouveaux matériels », poursuit Jean-Louis.

« C’est toujours le même effectif pour une zone soi-disant en état d’urgence sécuritaire », déplore un autre cadre départemental de la police.

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Les gangs terrassent Port-au-Prince et étendent leurs tentacules à l’extérieur de la capitale malgré le débarquement, en juin, de policiers kenyans venus renforcer les forces de sécurité d’Haïti. Cette force supportée par les Etats-Unis et d’autres pays partenaires, se plaint aussi d’un manque de personnel et d’équipements.

Fin août dernier, le gang de Tibwadòm a envahi une localité de Gros-Morne, une zone située entre les départements de l’Artibonite et du Nord-Ouest. Les autorités locales comptent au moins trois personnes assassinées, dont un paysan et un chauffeur de camion.

D’après un membre du Conseil d’administration de la troisième section Rivière Blanche, Éric Prudent, le cultivateur a été assassiné pour avoir refusé de verser de l’argent aux membres du gang.

Les bandits ont également kidnappé trois membres d’une même famille propriétaire d’une distillerie nommée « 5 Sous Clairin » à Grépin.

Le responsable du service d’investigation du commissariat de Gros-Morne, Gédéon Levelt, confirme pour AyiboPost le déroulement des événements mais affirme ne pas connaître le nombre de victimes.

« Ce ne sont pas des zones urbaines», poursuit Levelt. « Pour y mener des opérations, il faut des véhicules blindés. »

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La police n’a aucune présence dans la plupart des localités occupées par les gangs. « Nous avons déjà dressé des rapports pour présenter le problème, nous attendons des réponses », informe Paul Ménard.

Cette attaque est la deuxième perpétrée par les groupes armés en moins d’une semaine dans la région.

Ils ont kidnappé une fillette dans la nuit du 22 au 23 août 2024 et exigé une rançon de 750 000 gourdes pour sa libération, selon Éric Prudent.

« Kokorat San Ras », un des gangs de la localité, nie son implication dans l’enlèvement.

En représailles contre les accusations lancées par certains membres de la population, le groupe armé a entamé une attaque de trois jours, causant la mort de six personnes et incendiant plusieurs maisons, selon Éric Prudent.

« Ce ne sont pas des zones urbaines, pour y mener des opérations, il faut des véhicules blindés. »

– Gédéon Levelt

Une trentaine des membres de ce même gang circulant à moto ont kidnappé le professeur d’école Dieubon Deramau dans sa maison à Terre Neuve dans la soirée du vendredi 14 juin.

Les habitants de la région ont érigé des barricades et creusé des trous pour empêcher les criminels de s’échapper avec l’otage.

En réponse, ils ont ouvert le feu sur la foule près des barricades, tuant une dizaine de citoyens, incendiant près d’une vingtaine de maisons, et emportant du bétail avant de quitter la zone dans la matinée du samedi 15 juin 2024, selon les témoignages à AyiboPost de deux témoins.

Le professeur d’école a lui aussi été exécuté.

Contacté par AyiboPost au sujet de l’évolution de l’enquête, le responsable du service d’investigation du commissariat de Gros-Morne a annoncé l’arrestation d’un suspect et le transfert du dossier au Service Départemental de la Police Judiciaire (SDPJ) des Gonaïves pour la suite de l’enquête.

Par Fenel Pélissier

Image de couverture : Des agents de police participent à une opération aux abords du Pénitencier national après un incendie. | Ralph Tedy Erol, archives Reuters 


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Fenel Pélissier est avocat au Barreau de Petit-Goâve, professeur de langues vivantes et passionné de littérature.

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