Le ramadan désigne une période de 29 ou 30 jours de jeûne respectée scrupuleusement par de nombreux musulmans. Depuis le 5 mai 2019, la communauté musulmane d’Haïti comme leurs confrères à travers le monde s’adonne aux rites et prières à Allah.
Samedi 18 mai 2019, alors qu’on commémore les 216 ans de la création du drapeau national, dans la mosquée Masjid At-Tawhid Haïti c’est le ramadan qui occupe le centre des débats. Hommes, femmes et enfants, environ une cinquantaine se réunissent depuis le 5 mai dans ce lieu, tous les jours, pour rendre grâce à Allah, leur Dieu créateur. L’histoire de cette communauté musulmane remonte en 1998. Avant de s’établir à Bois-Verna au début des années 2000, leur lieu de culte se situait à la ruelle Vaillant.
Un jour de ramadan
Il était 2h pm lorsqu’on est arrivé à la mosquée « At-Tawheed », en face de l’Institut français d’Haïti, sur la route de Bois-Verna. Au-dessus de l’entrée principale, une banderole indique : Welcome to Ramadan -2019. À l’intérieur, une dizaine de jeunes garçons font le ménage.
« Ils préparent l’ASR », nous dit Abdul Muta-Aliy, l’un des responsables administratifs de la mosquée. L’ASR avec le FAJR, le DHUHR, le MAGHRID, l’ISHA composent les cinq prières quotidiennes obligatoires d’un musulman. Cet ensemble qui porte le nom de Salat est le deuxième des cinq piliers de la doctrine islamique. Le premier est la profession de foi. Le troisième, Zakat, renvoie à l’obligation faite à un musulman de partager une partie de sa richesse aux plus démunis. L’avant-dernier, le ramadan, est le 9e mois du calendrier lunaire islamique au cours duquel le musulman doit s’abstenir de manger, de boire, d’avoir des relations sexuelles de l’aube jusqu’à la dernière prière de la journée ; et le Hadj consiste à faire du pèlerinage à la Mecque.
Pendant qu’Abdul Muta-Aliy nous parle, les autres musulmans font le va-et-vient à l’intérieur d’une grande salle consacrée au culte. Avant d’y pénétrer, un jeune homme portant des tresses se lave le visage, les pieds et les mains via des récipients installés à l’entrée de la salle. « Ce frère fait de l’ablution » nous explique notre interlocuteur. Il est recommandé à un musulman de se nettoyer avant d’entrer dans ce lieu sacré. Ce geste a une portée plutôt symbolique.
Les prières, une suite de gestuels et de versets issus du coran, se font uniquement en arabe. Elles sont constituées de Raka qui est le nom de chaque unité de mesure. Le nombre de Raka varie d’une prière à l’autre. Dans la mosquée At-Tawheed, c’est Tajudeen Tahiru qui dirige les séances. Ce jeune homme, anglophone, âgé de 21, est ghanéen. Il connaît à peine quelques phrases créoles.
« Je vis en Haïti depuis un an et 8 jours. Je suis né dans une famille musulmane. De mon arrière-grand-père à mon père, ils sont tous musulmans. Je n’ai pas d’enfant ni de femme » nous dit Tahiru, sur un ton très jovial. Ses frères musulmans le nomment hafiz vu qu’il connaît par cœur le coran.
Rompre le jeûne
L’ASR se termine, tout le monde se dirige sur la cour de la mosquée. Autour d’une table garnie de fruits, la communauté s’aligne. À tour de rôle, chacun se sert d’une tranche de melon et de figue banane. Quelques minutes après, des récipients remplis de riz, de légumes se posent sur la table. Un repas de plus pour casser le jeûne en attendant l’arrivée du MAGHRID, l’avant-dernière prière.
Entre-temps, Abdul Muta-Aliy nous invite à le rejoindre dans une salle au fond d’un couloir, à l’intérieur de la mosquée. Ils étaient 4 dans cette chambre qui s’apparente à une direction d’un établissement scolaire. Un bureau, un ordinateur, des bouquins bien classés à l’intérieur d’un meuble en bois, un tapis remplissent la pièce. On s’installe sur un canapé.
Youssouphe Abdul Jalil, un jeune homme mince, barbu, nous présente les réalisations de sa communauté dont il est le secrétaire. « Nous avons une école fondamentale comptant environ 200 enfants. Nous octroyons des bourses à ceux qui n’ont pas les moyens de payer les frais de scolarité », dit-il fièrement. Cet établissement est ouvert aux non-croyants.
Pendant la conversation, une voix grave parlant l’arabe, pénètre dans la pièce. C’est celle de l’azan, celui qui est autorisé à lancer les appels à la prière. D’un coup, un silence règne dans la pièce et à l’extérieur. Tout le monde se dirige dans la grande salle au tapis vert. Sauf les femmes. C’est le Maghrid, l’avant-dernière prière de la journée qui démarre.
Sans faire de l’ablution, nous sommes invités à pénétrer dans la grande salle. À notre grand étonnement, aucune femme n’y était. À la fin de la prière, on cherchait à comprendre cette absence. « Les femmes ne sont pas autorisées à prier au même endroit que les hommes », nous dévoile Abdul Muta-Aliy. Ces dernières ont leur propre endroit pour implorer Allah à côté de celui de leurs frères musulmans. Et si elles sont en période de menstruation, elles ne seront pas autorisées à commémorer le ramadan.
« On ne peut pas accepter que les hommes et les femmes prient ensemble. Vu la manière dont on dispose notre corps, ça peut susciter des convoitises charnelles», nous dit un homme, frisant la cinquantaine, qui participait à notre conversation. Il était plus tranchant dans sa manière d’appréhender les principes régissant la communauté islamique.
De l’avis de nos interlocuteurs, les femmes ne sont pas habiles à diriger. Nous voulions interroger ces dernières pour avoir leur point de vue à ce propos. En l’absence de leur mari, les femmes de la mosquée At-Tawheed, n’étaient pas autorisées à nous accorder d’interview. En cas d’autorisation de leur conjoint, l’entretien devrait se faire en plein air, en public.
Il était déjà 8h pm lorsque nous avons franchi la barrière principale de la mosquée pour mettre fin à notre demi-journée de ramadan. Pour les musulmans, ce n’était pas le cas, car ils devront faire l’ISHA qui est la dernière prière pour clôturer leur 18e journée de ramadan.
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