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Covid-19: Les autorités n’ont communiqué aucune mesure pour les transports en commun en Haïti

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L’anarchie continue de régner dans les bus et camionnettes, comme avant la pandémie du Coronavirus

Rien ou pas grand-chose n’a changé dans les transports en commun en Haïti depuis l’annonce, dans la soirée du jeudi 19 mars 2020, des deux premiers cas de Coronavirus sur le territoire national.

Les camionnettes assurant le trafic à l’intérieur ou entre les villes restent toujours bondées alors que la distance sociale est prônée pour limiter la propagation du Covid-19. Les autorités n’ont communiqué aucune mesure ou recommandation officielle et contraignante aux chauffeurs en ces temps de pandémie.

« Officiellement, aucune instruction n’est jusqu’à date passée aux policiers en matière de règle de distance sociale dans les transports en commun », remarque Jean François, un policier travaillant à la direction de la circulation et de la police routière.

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Ce policier affecté au commissariat de Carrefour souligne que si « des chauffeurs de minibus assurant le transport Cayes/Port-au-Prince, acceptent trois au lieu de quatre personnes par rangée, c’est sous pression des passagers et non des policiers ».

Ayibopost a tenté vainement d’entrer en contact avec le directeur de la circulation et de la police routière, Carmel Fleurant. Nous publions cet article après plusieurs appels téléphoniques non aboutis et des messages WhatsApp reçus, mais non répondus. Ce reportage sera mis à jour si Fleurant réagit.

Des passagers furieux

Ce lundi 23 mars 2020, dans la zone de « Bò dlo » à Mariani, des chauffeurs de bus assurant le trajet entre la commune de Carrefour et le Centre-Ville de Port-au-Prince ont menacé d’observer un arrêt de travail.

Pour cause, des passagers ont refusé de s’entasser à cinq par rangées comme cela se fait habituellement.

Ces passagers qui ont dû attendre des heures sur le trottoir ont voulu attirer l’attention des chauffeurs sur la nécessité de respecter la distance sociale.

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Peine perdue. Ils ont été obligés de se coincer les uns contre les autres pour se rendre au Centre-ville, malgré la présence de deux policiers qui assistaient impuissants à la scène.

Delouis Civil assure le même trajet. Il témoigne que plusieurs conducteurs ont adopté des mesures pour se protéger personnellement contre le Coronavirus, mais rien n’est fait pour les autres occupants du véhicule.

Les conducteurs s’arment d’eau chlorée et du savon pour se laver régulièrement les mains. Désormais, ils ne cèdent la place à côté du chauffeur à personne, « sous aucun prétexte ».

Braver la mort

Atmosphère différente dans ce bus assurant le transport entre Port-au-Prince et Pétion-ville. Une cinquantaine de passagers s’y entrechoquent, comme d’habitude. L’on remarque cinq personnes par rangée, sans oublier ceux s’agrippant à la portière. A l’avant, une dame, tenant un pot contenant des bonbons, harangue les passagers. Parmi les occupants du véhicule, cinq portent des masques de protection.

Content de l’insouciance des passagers qui n’exigent pas la distance sociale, l’assistant du chauffeur de l’autobus, après avoir collecté les frais et en soumettant quelques billets à une dame, lance, ce qui pour lui, constitue une belle blague.

« On dit qu’il ne faut pas se toucher. Eh bien moi, je te donne cette poignée de main pour voir si je vais mourir ».

Cette dérogation aux conseils vulgarisés pour aider les gens à faire face au Coronavirus suscite des rires aux éclats dans le bus.

Des recommandations ignorées

Sans indication claire des autorités, les syndicats veulent se jeter dans la mêlée. L’Association des Propriétaires et Chauffeurs d’Haïti (APCH) par exemple recommande aux chauffeurs d’équiper leurs véhicules « d’eau et de savon » pour pouvoir inviter les passagers à se laver les mains avant même de monter à bord. Ces instructions ne sont guère suivies systématiquement.

Le président de ce syndicat, Mehu Changeux, appelle également les chauffeurs à se laver régulièrement les mains pour éviter de se faire infecter « étant donné qu’ils sont en permanence en contact avec des billets de banque ».

La réduction du nombre de passagers est aussi préconisée aux chauffeurs faisant partie de l’APCH. « Au lieu des 18 passagers dans un minibus, nous décidons de le faire passer à 14, à raison de trois personnes par rangée et ceux qui d’habitude portaient 65 passagers passent à 45 ».

Aider l’État

De son côté, le syndicat SOS transport fédéré métropolitain anticipe des pénuries d’eau prochainement. La structure se dit prête à assister l’État s’il y a nécessité d’effectuer des distributions dans les quartiers populaires, selon son secrétaire général Marcelin M. Garçon.

Ces deux syndicats malgré un volontarisme évident ne peuvent cependant pas faire plier chauffeurs et passagers.

C’est pourquoi Méhu Changeux appelle à une implication des autorités de l’État pour contraindre au respect de mesures qui peuvent protéger le grand public. Marcelin M. Garçon estime lui que « la protection des passagers est plutôt l’affaire des autorités de l’État ».

Poète dans l'âme, journaliste par amour et travailleur social par besoin, Samuel Celiné s'intéresse aux enquêtes journalistiques.

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