SOCIÉTÉ

Les compagnies d’ambulances illégales, un gros danger en Haïti

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Seulement trois compagnies d’ambulances sont autorisées à fonctionner en Haïti, révèle à AyiboPost le Centre ambulancier national. Pourtant, au moins une quarantaine de services ambulanciers privés circulent dans le pays

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Sur plus d’une quarantaine d’ambulanciers privés observés en Haïti, seulement trois sont régulièrement autorisés à fonctionner par l’État, révèle à AyiboPost le docteur Didié Hérold Louis, directeur du Centre ambulancier national (CAN).

Le processus de certification des ambulances, entamé en 2019, permet de s’assurer une inspection des véhicules, la vérification des compétences du personnel, le respect des normes — dont la posée d’une vignette de conformité — pour éviter la circulation d’ambulances inadéquates et sous équipées, ce qui met en danger la vie des usagers.

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L’ambulance doit renouveler sa certification chaque deux ans pour 25 000 gourdes. Au moins une communication du CAN mentionne Polymed, Sam Ambulance et Hero, comme participants aux activités de l’institution. Il n’est pas clair si elles sont certifiées.

La circulation de véhicules illégaux sous le titre d’ambulance résulte de « l’effritement de l’autorité de l’État dans le pays », selon le Dr Didié Hérold Louis.

Le CAN prend naissance en 2012. Il est placé sous la tutelle du ministère de la Santé publique et de la population (MSPP). C’est l’unique entité habilitée à certifier des véhicules qui circulent à titre d’ambulance sur le territoire national.

La publication quatre ans plus tard du décret du 2 février 2016 confère au CAN un statut légal et son autonomie. Conformément à ce décret, l’institution sauve des vies et apporte à la population haïtienne des soins préhospitaliers d’urgences.

En 2017, le CAN est restructuré et deux ans plus tard, en novembre 2020, le feu président Jovenel Moïse publie un arrêté pour nommer un conseil d’administration à la tête de la structure, conformément aux vœux du décret du 2 février 2016 portant sa création.

Ce même décret en son article trois, interdit à tout « institution privée de mettre en circulation des véhicules à titre d’ambulance sans que ces véhicules n’aient été préalablement certifiés par le CAN. »

Tout contrevenant à cette disposition est passible d’une amende définie par le CAN, mais l’institution n’a dans ses registres aucun exemple de sanction concret.

C’est l’unique entité habilitée à certifier des véhicules qui circulent à titre d’ambulance sur le territoire national.

Dans la pratique, certains véhicules de transport mortuaire non équipés pour fonctionner comme ambulances circulent avec ce titre. « Il n’y a aucune urgence dans le transport des cadavres », rappelle Dr Louis.

Contactée par AyiboPost, la mairie de Port-au-Prince fait savoir qu’elle ne fournit aucune autorisation aux entreprises funéraires pour faire fonctionner des véhicules à titre d’ambulance dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince.

« La mairie émet uniquement un papier de fonctionnement renouvelable chaque année aux entreprises funéraires, pas plus », dit à AyiboPost le magistrat par intérim Lucsonne Janvier.

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Il existe un manque cruel de services ambulanciers dans le pays.

81 communes — sur 146 dans le pays — n’ont pas accès aux services gratuits du CAN qui dispose d’une flotte de moins de cent ambulances, selon l’institution.

La Croix-Rouge haïtienne possède treize ambulances opérant majoritairement dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince.

La ligne de référence téléphonique 118 de l’institution humanitaire est pour l’instant dysfonctionnelle, fait savoir à AyiboPost le coordonnateur de la Croix-Rouge, Jean Jacob Charles.

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Selon un rapport de Haïti Priorise publié en 2017, sur les 514 352 accidents et situations d’urgence signalés entre 2013 et 2014, le CAN a répondu à moins de 2 % des besoins, soit exactement 9 642 cas.

Au cours du mois d’octobre 2023, l’institution a pris en charge 858 cas d’urgences médicales sur tout le territoire national contre 771 pour le mois d’août.

Le CAN fait face à de sérieux problèmes de ressources financières et de ressources humaines.

Selon le Dr Didié Hérold Louis, le CAN comptait 447 employés avant le lancement du programme Humaritarian Parole des États-Unis. Mais aujourd’hui, seulement 398 employés y travaillent encore.

Pour l’exercice fiscal 2022-2023, l’institution dispose d’un budget de 305 millions de gourdes réparties en 205 millions de gourdes pour payer le personnel de l’institution et 105 millions de gourdes pour son fonctionnement.

Sur une flotte de 116 ambulances, seulement 82 sont opérationnelles sur le territoire national et trois d’entre elles sont hors de contrôle du CAN.

« Nous avons besoin de neuf employés par ambulance. Pour 82 ambulances, cela fait 738 ambulanciers », indique le Dr Louis.

Le secteur fait aussi face à des problèmes financiers.

SAM Service Ambulancier fonctionne dans le pays depuis 1993.

« Nos équipements et nos ambulances sont anciens et tombent en panne tout le temps, car nous n’avons pas assez de moyens pour les renouveler », dit à AyiboPost le PDG de SAM Ambulance, Ralph Sénécal qui fait savoir que la flotte d’ambulances de la compagnie se chiffre à sept.

« Nous avons déjà renvoyé tous nos employés. Nous les payons actuellement pour chaque service rendu », déclare Sénécal qui dit avoir été obligé de faire une demande d’appui financier à l’État en juillet 2023.

Lettre de SAM SERVICE AMBULANCIER à Ariel Henry.

Par Fenel Pélissier

Image de couverture : Centre Ambulancier National


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Fenel Pélissier est avocat au Barreau de Petit-Goâve, professeur de langues vivantes et passionné de littérature.

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