Neuf mois après avoir écrit l’une des plus belles pages de l’histoire du football, Claudio Ranieri a été viré de Leicester City. Cette décision, la plus difficile qu’il a eu à prendre sur sept dernières années, selon son Président, fait suite à la saison catastrophique que vivent les champions en titre d’Angleterre. Dans l’histoire récente du football anglais, jamais, une équipe n’avait autant galéré la saison suivant son sacre. De la gloire à la chute, Leicester est en train de vivre un affreux cauchemar, au point de flirter avec la relégation. Les champions en titre ne tiennent plus leur rang. Ou du moins, ils sont rentrés dans les rangs. Comment les coéquipiers de Riyad Mahrez ont-ils pu tomber aussi bas ? Retour sur les causes de la grandeur et de la décadence des Foxes.
« Hier, mon rêve est mort… »
Incroyable, prodigieux, miraculeux, sensationnel…les adjectifs manquent pour décrire ce qui vient de se passer. Leicester city est championne d’Angleterre, au terme d’une saison exceptionnelle. Admiratif, le monde du sport salue magistralement les nouveaux champions. La Premier League s’incline. Longue vie, aux nouveaux Rois ! Au centre de ce succès : Claudio Ranieri. Le Technicien italien vient de prendre sa revanche. Il est enfin champion, et ce avec l’équipe où on l’attendait le moins. Engagé pour sauver les Foxes de la relégation, il fait mieux que prévu. Il leur offre le titre, la gloire. De « loser » à héros, Ranieri est élu, à juste titre, meilleur entraineur de l’année par la FIFA. Dans l’euphorie de la victoire, il jure fidélité à son équipe, il prolonge son contrat. Limogé huit fois de sa carrière, il veut enfin, s’inscrire dans la durée. Sauf que les évènements qui ont suivi allaient cruellement lui donner tort.
Choqué, indigné, offusqué, scandalisé… les adjectifs manquent pour décrire ce qui vient de se passer. Leicester vient de se séparer de son entraineur. Amer, le monde du sport accuse ces dirigeants ingrats. Au centre de ce scandale : Claudio Ranieri. Le Technicien italien paie finalement les mauvais résultats de son équipe. Les hommages de Mourinho, de Klopp…n’y changeront rien. L’ancien entraineur de l’As Rome ne sera plus sur le banc des Foxes. Leicester est un club comme les autres, malheureusement. Le football est devenu cynique. Il vient de faire une nouvelle victime. Si vous croyiez encore au conte de fées, vous le serez un peu moins, dorénavant. Avec ce neuvième limogeage, sans doute le plus cruel de sa carrière, Ranieri n’y croira plus, non plus. Il l’a déploré, son rêve est mort. Assassiné par l’ingratitude du football moderne. Gagner n’est plus un gage pour la longévité. Aucun des entraineurs champions d’Angleterre de 2012 à nos jours n’est encore en poste. Mancini (2012) et Pellegrini (2014) à Manchester City, Mourinho (2015) à Chelsea…et maintenant Ranieri. Sir Alex Fergusson a été assez intelligent pour partir à la retraite après son sacre en 2013. On comprend mieux pourquoi, Arsène Wenger est toujours en poste à Arsenal. Conte, lui, probable futur champion avec Chelsea, pense surement à sa prochaine destination. Dans le football désormais, il faut s’attendre au pire, après avoir obtenu le meilleur. N’est-ce pas, Laurent Blanc ? Quelque chose à ajouter, Ancelotti ?
Un seul être vous manque, le reste est dépeuplé…
Cette expression tient tout son sens dans le drame de Leicester. Apres son titre surprenant, ses joueurs sont tombés sous les feux des projecteurs. Jadis, méconnus du grand public, ils sont devenus l’objet de tous les désirs. Les Cadors veulent piller les Foxes. Ranieri résiste, il parvient à conserver tout le monde, sauf un seul et malheureusement pour lui, l’essentiel : N’Golo Kanté. Élu meilleur joueur de la saison par ses coéquipiers, le Français a été effectivement un élément incontournable du succès de son équipe, l’an dernier. Intraitable, imbattable, invincible, Kanté est une équipe à lui tout seul. Le roi des interceptions et des tacles, la saison dernière, des domaines dans lesquels, il excelle encore, assure aussi et surtout la victoire. L’ancien caennais est le joueur ayant marqué le plus de points en Premier League sur ces deux dernières saisons (123 points en 54 matchs). Depuis son arrivée en Angleterre à l’été 2015, en provenance de Caen, personne n’a fait mieux que lui. A titre de comparaison, sur la même période, Arsenal a récolté 108 points, Tottenham 106 et Manchester 105. Une statistique folle qui témoigne de l’impact du milieu de terrain des bleus. Kanté manque à Leicester et cela se voit sur le terrain et dans les chiffres. La grande erreur de Ranieri, c’est de n’avoir pas pu le retenir ou, dans le pire des cas, le remplacer. Pour conserver son poste, Antonio Conte sait maintenant ce qu’il devra faire : prolonger Kanté.
Vardy, Mahrez, Morgan… ces leaders déchus
Expliquer les malheurs de Leicester City par le simple fait du départ de Kanté serait trop réducteur. Ce serait enlever à des joueurs comme Wes Morgan, Drinkwater, Vardy, Mahrez et consorts, l’effort d’une vie. Plus que la victoire d’un joueur, d’un entraineur ou même d’une équipe, le triomphe de Leicester a été celui d’un rêve. Mais, à force de s’endormir sur ses lauriers, on finit par se réveiller en plein cauchemar. Les Foxes en font la redoutable expérience. Wes Morgan, n’est plus le défenseur intraitable qu’il a été. Véritable terreur des attaquants, cette forteresse ne tient plus debout. Mahrez n’est pas parvenu à conserver le niveau qui a été sien. Élu meilleur joueur de Premier League et meilleur joueur africain de l’année, l’international algérien peine à confirmer. Son compère et complice de l’attaque, Vardy, lui aussi est en panne de réussite. Ce buteur impénitent qui a mis l’Angleterre à ses pieds, ne retrouve plus le chemin des files. En tout cas, pas assez. L’arrivée de Slimani en attaque n’a pas eu les effets escomptés, non plus.
Si Leicester est redescendu de son nuage, c’est parce que ses stars lui ont coupé les ailes. Pour freiner cette descente aux enfers, ils devront rapidement retrouver les couleurs. Pour cela, ils savent qu’ils ne pourront plus compter sur leur entraineur. Avec le départ de Ranieri, une page se tourne. Un rêve est mort, certes, mais une utopie demeure. Celle que la passion, la détermination, la volonté, la folie peuvent encore triompher dans ce football assiégé par les grands enjeux économiques. Le pire des cauchemars, plus que les rêves effroyables, c’est de s’arrêter de rêver et surtout d’y croire.
Nathan Laguerre
Comments