La nature a horreur du vide. Vérité universelle et intemporelle, elle est perceptible partout et de fait est difficilement contestable.
En Haïti, il suffit de penser aux marchés parallèles bien installés en face des bureaux de l’immigration, aux environs de la DGI ou à côté des Archives Nationales pour (re)appréhender tout le sens de ce principe.
C’est le vide étatique qui permet le développement de ces marchés parallèles. C’est le vide laissé par les intellectuels et les « gens de bien » qui explique que le niveau de notre parlement soit aussi bas. C’est l’absence de systèmes adéquats qui crée le chaos qui nous caractérise aujourd’hui. C’est le vide… qui est à l’origine de toute cette incompétence et cette médiocrité.
L’équation est simple et explique tant et tellement de choses : « Le vide laissé par X permet l’émergence de Y entrainant un résultat Z ». Pourtant, présumer que l’incompétence et la médiocrité occupent tout cet espace dans l’environnement haïtien à cause du “vide” est dangereux. Parce qu’en dépit de sa véracité, c’est une idée qui risque de déresponsabiliser le citoyen.
L’apparence chaotique et défaillante de nos systèmes peut laisser l’impression qu’il n’existe pas de systèmes en Haïti mais dans les faits, le chaos auquel nous sommes soumis chaque jour est le coeur même de systèmes corrompus, parfaitement organisés. Et tous les jours, ces systèmes organisés gagnent la bataille face aux groupes de bonne volonté malheureusement complètement désorganisés.
Ces systèmes corrompus ne règnent donc pas à cause du vide. Ils règnent parce que la frange consciente des défis auxquels fait face ce pays perd la bataille pour le contrôle des espaces de décision. Une horde de citoyens de bonne volonté se noie dans leur naïveté alors que les médiocres, les éléments mauvais et corrompus mettent en oeuvre tout un apparatus pour s’assurer de gagner la bataille du pouvoir.
Ce constat est plus palpable sur la scène politique mais s’étend à tous les secteurs du pays.
Ces systèmes corrompus se battent chaque jour pour assurer leur survie. Ceux qui les contrôlent se savent en guerre alors que leurs opposants directs, en l’occurrence, les citoyens responsables, se croient encore dans un échange entre gens civilisés. Tandis que d’autres tiennent de manière intentionnée des discours extrêmes pour chasser ces gens de bien qui veulent occuper le terrain politique.
Les piliers de ces systèmes corrompus savent que leur incompétence les condamne à une date d’expiration. Donc ils s’arrangent pour maitriser l’art de se reproduire sous d’autres formes. Ils n’ont pas de couleurs ni idéologies : ils sont du PHTK mais aussi du secteur dit « démocratique » ; ils se préparent au retour du duvaliérisme tout en envisageant une résurection de lavalas; le bleu de leur drapeau se noircit car si le prochain roi n’est pas Ti Mòy, il sera peut-être Ti Nico.
Les incompétents de ce pays prennent la forme du vase au pouvoir qui accepte de les contenir. Ils changent leurs fusils d’épaule comme on change de caleçon et se déguisent en opposant dès qu’ils ne sont pas invités à la table.
Le PetroChallenge face à la racaille politique!
Cela fait déjà plus de trois mois qu’un mouvement citoyen a pris chair sur internet pour ensuite atterrir dans les rues. #PetroCaribeChallenge. Le scandale Petrocaribe s’est révélé être le symbole parfait pour dénoncer la corruption dans le pays. L’affaire Petrocaribe est récent, elle est énorme en chiffres et opérations, et elle s’étale sur plusieurs gouvernements.
Plusieurs centaines de milliers de gens se sont mobilisés pour exiger reddition de comptes sur les fonds Petrocaribe. Ce mouvement de protestation avait une chose d’extraordinaire. Apolitique, il s’était mis en face de ces systèmes corrompus avec un cas scandaleux de corruption en main.
Comme le fait toujours la racaille politique haïtienne quand elle est dos au mur et en face des “gens de bien”, elle s‘organise pour s’emparer de l’espace de contestation. Voyant en ce #PetroChallenge une opportunité en or de conquérir le pouvoir, les incompétents deploient le grand jeu pour dénaturer l’essence des revendications des petrochallengers.
Un groupe de véreux clame que le mouvement #PetroCaribeChallenge vise un groupe spécifique de la classe polico-économique. Alors qu’un autre déguisé en opposant tient un discours amplifié dans la presse, s’appropriant l’espace de contestation. Le sensationnel et le burlesque d’un appel à la désobéissance civile se vendent mieux à la radio qu’un groupe qui réclame reddition des comptes dans le cadre de la justice.
Entre les deux, les citoyens qui se sont mobilisés sur les réseaux sociaux et dans les rues se retrouvent à un carrefour où le doute les envahit. Ils ont peur d’un discours radical sans véritable fondement. La nature du mouvement qui a émané d’une pulsion patriotique et citoyenne, est mise en doute par sa politisation. Ces citoyens qui veulent s’impliquer se retrouvent, encore une fois, indécis au milieu d’une guerre qui oppose deux extrêmes qui ont au moins deux traits en commun : incompétence et corruption.
Et encore une fois, ils sont nombreux ceux qui pensent à se retirer pour laisser la table aux incompétents parce qu’ils semblent s’être accaparés du mouvement de l’espace de contestation créé par le petrochallengers.
La racaille politique sait qu’elle a en face d’elle, non pas la corruption, mais des citoyens qui ont une conscience collective qui ne savent malheureusement pas faire la guerre. Elle est habituée à gagner cette bataille face aux gens de bien qui jettent l’éponge dès qu’ils encaissent le moindre petit coup.
Si dans 10, 15 ou 20 ans on se retrouve avec un pays aussi corrompu qu’il l’est aujourd’hui, ce ne sera pas à cause la malchance d’Haïti, mais parce que ceux qui se veulent citoyens, sont des flemmards qui perdent constamment les luttes face aux incompétents organisés en mafia parce qu’ils ont reçu un message whatsapp terrifiant, parce qu’un pantin a hissé un drapeau, parce qu’un ancien candidat à 0.35% se vend à la radio comme leader du mouvement, parce qu’un manipulateur anarchopopuliste de la diaspora falsifie posters et bandes sonores pour semer confusion et peur…
Le vide a bon dos. Aristote a vu juste à plusieurs niveaux. Mais dans le cas d’Haïti, Le vide n’est pas responsable de l’émanation de la médiocrité dans notre pays. Pour ça, il n’y a que nous, citoyens responsables qui refusons les combats, et restons chez nous lorsque la rue devient espace de décision.
Bonne marche à tous celles et ceux qui continuent à se battre.
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