«Après le tournage, [l’acteur majeur Wisnic Celet] que j’ai embrassé sur le plateau m’avait proposé de continuer la relation dans la réalité», révèle une actrice qui avait 14 ans au moment de l’avance
La production de «feuilletons» sur internet génère de l’argent et beaucoup de visionnages en Haïti.
Mais les contenus, parfois choquants et impliquant souvent des acteurs mineurs, soulèvent des questions quant à la protection des enfants, analysent à AyiboPost des membres de la petite industrie naissante et des personnalités du domaine cinématographique.
Rose Samedy entame une carrière sur YouTube lorsqu’elle avait quatorze ans dans une production amateure dénommée «Smeeth fan’s show».
Elle n’avait aucun contrat formel ni l’approbation de ses parents. Malgré ces manquements, la mineure devait jouer des scènes suggestives impliquant des baisers qui, dit-elle, la mettait «mal à l’aise».
Elle n’avait aucun contrat formel ni l’approbation de ses parents.
«Après le tournage, [l’acteur majeur Wisnic Celet] que j’ai embrassé sur le plateau m’avait proposé de continuer la relation dans la réalité, mais je n’ai pas accepté», déclare Samedy.
Joint par AyiboPost, Wisnic Celet, acteur et responsable de la production «Smeeth Fan’s Show», confirme la demande de relation à la mineure et l’enregistrement des scènes suggestives.
Quant au caractère explicite de certaines vidéos de la chaine, l’homme de 24 ans déclare : «Je peux confirmer que ce sont les contenus abordant la sexualité et utilisant un langage vulgaire qui génèrent le plus d’interactions, c’est-à-dire plus de vues et de mentions j’aime sur les plateformes sociales».
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Les productions YouTube généralement sans permis de fonctionnement légal recrutent leurs acteurs à travers les médias sociaux. Aucune protection ni garantie ne vient à la rescousse des mineurs.
Je peux confirmer que ce sont les contenus abordant la sexualité et utilisant un langage vulgaire qui génèrent le plus d’interactions, c’est-à-dire plus de vues et de mentions j’aime sur les plateformes sociales.
C’est ce problème systémique qui a tué les rêves d’actrice de Sindia Joseph. La jeune femme avait dix-sept ans en 2014 lorsqu’elle a déclaré avoir connu «la pire expérience de ma vie».
Lors d’un casting, des producteurs ont demandé à Joseph de donner son accord pour se mettre «toute nue» devant le responsable du casting et devant tout le staff, «pour que je puisse prouver ma capacité d’actrice».
À cause de cette demande inappropriée, Sindia Joseph claque la porte de la production et met fin à ses ambitions cinématographiques.
La proposition faite à Joseph scandalise. Selon la réalisatrice et actrice Gessica Généus, «aucune production professionnelle au monde ne peut exiger à un acteur quelconque de se dénuder, cela n’existe pas, à moins qu’il ne s’agisse d’une production pornographique».
Les productions YouTube généralement sans permis de fonctionnement légal recrutent leurs acteurs à travers les médias sociaux. Aucune protection ni garantie ne vient à la rescousse des mineurs.
Le cadre légal en Haïti ne traite pas de ces questions. La réalisatrice de «Freda» souligne que le métier du cinéma n’est pas officiellement enregistré dans le secteur de la production, qu’il ne bénéficie d’aucune reconnaissance institutionnelle, et qu’il n’existe aucune loi régissant les règles et les responsabilités des producteurs ainsi que les droits des acteurs.
Dans de nombreux pays, plusieurs organismes interviennent et émettent des recommandations ainsi que des directives concernant la protection des mineurs dans les médias. En France, par exemple, le Conseil supérieur de l’audiovisuel joue ce rôle.
Cependant, en Haïti, il n’existe aucune entité régulatrice ou institutionnelle dédiée à la supervision des divers contenus diffusés sur les plateformes de médias sociaux. La grande majorité de la législation concernant ces questions reste à élaborer dans le pays.
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Aux États-Unis, par exemple, des organismes tels que la Screen Actors Guild (SAG-AFTRA) et des agences de réglementation de l’industrie du divertissement exigent une licence de travail délivrée par les autorités étatiques pour permettre aux mineurs de travailler, tout en veillant à limiter leurs heures de travail. Le consentement d’un tuteur légal est également requis tout au long du processus de production, et ce dernier doit accompagner le mineur sur le lieu de travail.
Aucune production professionnelle au monde ne peut exiger à un acteur quelconque de se dénuder, cela n’existe pas, à moins qu’il ne s’agisse d’une production pornographique.
Sur la plateforme YouTube, AyiboPost découvre de nombreuses vidéos explicites mettant en scène des enfants. Les chaînes telles que «Bobori», «Tòg Chòv 7047» ou «Wilmix Production» hébergent des contenus mettant en avant la sexualité de mineurs, la pédophilie, ainsi que des vidéos avec des scènes suggérant une normalisation de la violence physique basée sur le genre.
La plupart de ces clips semblent violer les conditions d’utilisations de la plateforme achetée par Google en 2006.
«Beaucoup de ces contenus n’auraient pas été disponibles en ligne s’il y avait eu un système de modération pour la langue créole en Haïti», déclare à AyiboPost Richard Senecal, réalisateur et scénariste, œuvrant dans la production audiovisuelle en Haïti depuis près de 36 ans. «Si une vidéo était publiée en violation des règles de la plateforme, celle-ci serait immédiatement retirée», continue Senecal.
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Frantz Joseph, âgé de 25 ans, se présente comme le responsable de la production «Bobori». Cette entité exploite des vidéos mettant en scène des mineurs, dont un adolescent aux traits efféminés. «La présentation de ce type de contenu fait partie intégrante de notre stratégie visant à attirer un public plus large», déclare l’homme, qui affirme ne pas considérer ses vidéos comme «vraiment choquantes, contrairement à ce que l’on pourrait penser».
Beaucoup d’observateurs ne partagent pas ce point de vue.
Patricia Roger est une journaliste professionnelle. Sur TikTok, elle alimente les mots-dièses #kitetimounyojwianfansyo et #kitetimounyonanwòlyo pour attirer l’attention du public sur le nouveau phénomène d’exploitations d’enfants haïtiens sur internet.
Beaucoup de ces contenus n’auraient pas été disponibles en ligne s’il y avait eu un système de modération pour la langue créole en Haïti.
«J’ai été profondément consternée de constater le manque d’attention et de prise de conscience à l’égard du type de contenu présenté par certaines productions, ce qui est extrêmement préjudiciable pour les mineurs concernés», déclare l’influenceuse à AyiboPost.
Avant publication, la rédaction a pris contact avec un assistant technique de l’Institut du Bien-Être social et de la Recherche, une entité de l’État responsable de la protection des enfants. L’assistant n’a pas réagi.
«Il est essentiel que les autorités chargées de la protection des enfants dans le pays surveillent attentivement et prennent des mesures appropriées concernant la participation des enfants à ces contenus», poursuit le réalisateur Richard Sénécal, qui évoque la nécessité d’un dispositif réglementaire et l’introduction de mesures de contrôle.
© Couverture graphique : Riquemi Perez
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