Expérience délicieusement aigre de deux producteurs de « konparèt » à Jeremie, dans le département de Grand’Anse, par ces temps de pays lock
Jackson Étienne travaille pour la boutique Ofab, située au centre-ville de Jérémie. Pour ce fin connaisseur, « le konparèt est le gâteau ou le bonbon dont les natifs de Jérémie sont très fiers. Quand ils partent en voyage à Port-au-Prince ou à l’étranger, ils apportent toujours ce produit magique pour leurs proches. »
L’entrepreneur a connu le konparèt quand il se vendait encore à 10 centimes. « J’ai grandi dans cette industrie. Ma mère en a été une grande productrice. Les anciens la connaissent sous le nom de Madan Ofab. Elle a commencé avec une marmite de farine et aujourd’hui nous avons une grande production », avance l’homme de 51 ans qui a succédé à sa mère. « Nous avons gardé la même saveur et la même qualité », ajoute-t-il d’un ton fier.
« Les jérémiens produisent le konparèt, mais ne le consomment pas », Jackson Étienne.
L’entreprise Ofab est logée au bord de la rue dans un grand appartement. Au rez-de-chaussée, Jackson Étienne entrepose les konparèt. À l’étage, il les enveloppe dans un papier et les expose dans une vitrine.
Jackson Étienne et son équipe servent aussi du pain et du jus à leurs clients stables à Jérémie. C’est d’ailleurs ce que consomment tous les clients que nous avons vu sur place en ce jour. À cela, l’entrepreneur a une réponse. « Les jérémiens produisent le konparèt, mais ne le consomment pas forcément. Ils l’achètent pour des proches. » Alors que pour lui, en tant que jérémien, c’est tout le contraire. « Tous les jours j’en mange un. Et, je pense que l’État devrait inscrire ce produit dans le régime alimentaire. »
« Nous sommes la référence en la matière ici. Cependant, nous ne sommes pas les plus grands vendeurs. Autrefois, les camions venant d’Abricots s’arrêtaient ici pour acheter. Les passagers revenaient toujours. Depuis quelque temps, ils ne sont plus nombreux à venir puisqu’il y a maintenant de nouveaux producteurs », toujours selon Jackson Étienne.
Parmi ces nouveaux producteurs de konparèt figure Madan Claudia, comme dans Madan Ofab, une dame d’une trentaine d’années qui vit avec son mari et sa nièce. Contrairement à Jackson Etienne, Madan Claudia n’a pas eu de proches qui produisaient de konparèt. Elle a six ans dans cette industrie. « Avant nous dit-elle, je faisais une tout autre activité. J’ai pris gout dans la production de konparèt, je me suis attelé à le faire. Depuis, je n’ai pas regretté. »
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Madan Claudia arrange ses konparèt dans un panier plastique devant la véranda de sa maison. « Nous offrons le paquet de konparèt à 25 gourdes. C’est un magnifique produit que nous vendons à ce prix », souligne la dame, comme quoi les acheteurs n’ont pas à se plaindre du prix.
Un homme qui frise la soixantaine est venu acheter. Très enchanté, il nous raconte que ses fils vivant à l’étranger lui réclament toujours ce bonbon quand un proche rentre en Haïti. « Mes enfants sont partout dans le monde. Il y en a un qui étudie au Venezuela et d’autres aux États-Unis. Ils adorent tous le konparèt », affirme-t-il en souriant.
Quand la vente est assurée
Il y a des périodes de « vaches grasses » pour le produit, selon Jackson Etienne et Madan Claudia. Ils citent : « Durant les fêtes de fin d’année, lors de la période pascale, les grandes vacances d’été et précisément pendant les grandes activités de la fête de Saint Louis le 26 août ».
Les deux producteurs ont admis que la période lock a impacté leur production. « Cette année n’a pas été bonne pour nous, avance Étienne. Les gens n’ont pas pu voyager. Heureusement, le konparèt peut être conservé pendant de longues périodes. »
Quant à Madan Claudia, elle a avoué que cette période l’a bouleversée. « “Le pays lock” m’a énormément dérangé. C’est grâce au konparèt que j’arrive à réaliser beaucoup de choses pour ma famille et moi. Je ne peux vous donner des détails, mais il m’aide beaucoup ».
La recette
Plusieurs histoires retracent l’origine du konparèt. Cependant, Jackson Etienne ne se fie qu’à une seule. Il raconte : « Selon la légende, la formule du konparèt viendrait de la Martinique. Une martiniquaise séjournant à Jérémie aurait montré à Grann Louqui, une vielle dame de la zone, comment préparer la recette. L’odeur agréable du produit comparait jusque vers les autres ménages de la localité, d’où le nom “konparèt” ».
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Étienne dit faire confiance à cette légende parce qu’il a vu en Martinique un dessert de la même forme et presque de la même saveur que le konparèt lui-même.
« Le sucre, la banane mûre, le gingembre, la noix de coco, le mantègue, le beurre, le sirop de canne à sucre, le sel et la farine sont les ingrédients qui composent le produit local des jérémiens », nous apprend Jackson Étienne.
N’ayant pas voulu tout divulguer sur sa formule secrète, le producteur s’est contenté de nous dire qu’elle est facile à préparer.
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