En Haïti, le cancer du sein occupe la première place chez les femmes, tant parmi les cancers détectés que parmi les décès recensés. Les hommes aussi sont concernés
Mariée et mère de deux enfants, Natacha Gué Joseph a connu un calvaire qui a mis à rude épreuve sa famille. « Quand j’ai appris que je souffrais d’un cancer du sein, j’ai cru que j’allais mourir, commence la survivante. J’avais une amie atteinte de la maladie, elle était morte deux années avant que je sois diagnostiquée. Ce n’était vraiment pas facile pour moi. »
« J’ai vécu au jour le jour, dit-elle. Parfois je me sentais l’âme d’une battante, prête à tout pour survivre. Mais parfois aussi, je n’avais ni volonté ni motivation. J’attendais la mort ; je me disais que ce serait la fin de toute cette épreuve. »
Le cancer du sein ne commence pas toujours par une inflammation.
Marie-Elsie Carrenard
Natacha Gué Joseph a été diagnostiquée d’un cancer du sein en 2017. Il était déjà au stade 3. Elle n’avait pas trop prêté attention aux signes avant-coureurs, parce qu’ils étaient semblables à ceux qui précédaient les règles. « Je ressentais des démangeaisons au niveau du sein, mais je croyais que c’était normal, explique-t-elle. Puis j’ai observé une petite inflammation, de la taille d’un petit pois. Quand elle a commencé à grandir, je me suis alarmée. Mais je ne pensais pas au cancer parce que 6 mois avant, j’avais fait une sonographie de mes seins, et tout paraissait normal. »
Marie-Elsie Carrenard est médecin familial, spécialiste des cancers à l’hôpital chirurgical de Christ-Roi. Elle explique que le cancer du sein peut être très subtil. « Il ne commence pas toujours par une inflammation, dit-elle. De plus, au début il ne fait pas mal. Mais en même temps, toute douleur au niveau du sein ne signifie pas qu’on a un cancer. C’est pour cela qu’au moindre doute il faut consulter un médecin. »
Plusieurs stades de développement
Le cancer du sein comprend 5 stades, de 0 à IV. Au premier stade, la maladie n’a pas encore atteint d’autres cellules du sein. Aux stades I et II, il y a plus de cellules cancéreuses, mais les chances de guérison sont élevées. Mais dès qu’il est diagnostiqué aux stades III ou IV, il devient plus difficile d’en guérir.
S’il est détecté de manière précoce, en général jusqu’au stade II, on n’enlève que la partie du sein qui est affecté. Pour Natacha Gué Joseph, c’était le sein en entier. « Quand j’ai appris qu’on allait m’enlever un sein, j’ai senti un choc, témoigne-t-elle. Je n’étais pas prête. J’ai demandé au médecin s’il n’y avait aucune autre solution. Il n’y en avait pas beaucoup. Mais au lieu d’enlever le sein immédiatement, il a décidé de procéder à la chimiothérapie d’abord, afin d’affaiblir le cancer. L’opération viendrait après. »
Après chaque séance de chimio, je croyais que je serais morte le lendemain.
Natacha Gué Joseph
L’ablation du sein est souvent inévitable. Mais parfois, le cancer est à un stade trop avancé et a déjà atteint d’autres parties du corps. C’est surtout le cas dans les cancers de stade IV. On parle alors de cancer métastatique. Les cellules cancéreuses se sont propagées dans les os ou le foie, les poumons, etc. Dans ces cas, l’ablation du sein ne sert pas à grand-chose.
La chimiothérapie, un calvaire sans nom
La chimiothérapie est la méthode la plus utilisée pour lutter contre le cancer. « La patiente doit subir au minimum quatre à six séances à raison d’une séance tous les 21 jours, précise Marie-Elsie Carrenard. Parfois les séances ont lieu plus fréquemment. Après la chimio, elle peut passer à la chirurgie, si le cancer ne s’est pas déjà répandu dans son corps. La chirurgie mène parfois à une autre chimiothérapie. »
Ce traitement chimique vise à détruire les cellules cancéreuses, ou à empêcher leur multiplication. Mais comme il détruit les cellules saines également, ses effets secondaires sont pénibles. « Toutes les deux semaines, je me rendais à l’hôpital de Mirebalais pour une séance de chimiothérapie, dit Gué Joseph. Avant de commencer la chimio, j’ai subi une batterie de tests, pour savoir si je pourrais la supporter. Mais après chaque séance, je croyais que je n’allais pas me réveiller le lendemain. Je ressentais des douleurs atroces. La chimio a des conséquences pénibles. Constipation, diarrhée, envie de vomir, perte d’appétit… Je ne sais pas comment j’aurais fait sans le support de ma mère, mon mari, mes enfants et quelques amis proches. »
« Après la chimio, poursuit-elle, j’ai subi 37 séances de radiothérapie pour bruler les cellules cancéreuses restantes. Je suis maintenant guérie, mais le cancer peut toujours renaitre. Je dois prendre des précautions. Je ne consomme plus de sucre, j’essaie de manger sainement et de faire des exercices physiques. »
Les hommes sont aussi concernés
Les cas sont plus rares, mais les hommes sont aussi atteints du cancer du sein. Selon l’institut national du cancer (France), moins de 1 % des cas de cancers du sein concerne les hommes. Le plus souvent, ils y sont prédisposés génétiquement, parce que dans la famille il y a déjà eu un cas de cancer du sein masculin. « Nous avons eu à traiter trois cancers du sein chez des hommes, assure Marie-Elsie Carrenard. L’un d’entre eux est mort parce qu’il a arrêté la chimiothérapie. »
D’après le médecin, les mêmes méthodes de prévention applicables à la femme le sont aussi à l’homme. L’autopalpation, les bonnes habitudes alimentaires, la réduction de la consommation d’alcool et l’exercice physique aident à prévenir le cancer du sein.
« En général les hommes vont à l’hôpital moins souvent que les femmes, et prennent moins soin de leur santé, croit Mari-Elsie Carrenard. C’est pour cela que les cancers masculins ne sont généralement détectés que quand ils sont à un stade très avancé. Ce sont les mêmes méthodes de traitement qui sont utilisées pour les hommes. »
Selon l’agence internationale de recherche sur le cancer, 12366 nouveaux cas de cancer de toutes sortes ont été enregistrés en Haiti, en 2018. Parmi ces cas, 6566 étaient des femmes. 16.8%, soit 1015 cas concernaient le cancer du sein, ce qui fait de cette maladie le cancer le plus fréquent chez la femme.
Compte tenu de la prévalence du cancer du sein féminin, Marie-Elsie Carrenard croit important de mettre l’accent sur l’autoexamen des seins, appelé aussi autopalpation, tant pour les femmes que les hommes. « Les jeunes filles et les femmes surtout doivent se donner l’habitude d’examiner leurs seins, afin de détecter le moindre changement conseille Marie-Elsie Carrenard. Dès que ses seins commencent à pousser, une femme peut attraper ce cancer. Mais, heureusement, chez la femme enceinte, l’allaitement a un effet protecteur. »
Cet article a été mis à jour le 1/09/2019 à 7h17 pm | 2/09/2019 à 1h16 am.
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