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«Krèy» et autres ambiances dans des quartiers contrôlés par les gangs

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Le «Bwa kale» ne met pas nécessairement fin aux festivités dans des zones contrôlées par les gangs

Au Village de Dieu, des orgies sexuelles appelées «Krèy» ainsi que des soirées musicales arrosées de drogue et d’alcool sont présentées comme des attractions pour les jeunes provenant de quartiers non contrôlés par les gangs, selon les témoignages recueillis par AyiboPost auprès de trois personnes proches de cet environnement.

Les amies de Dorssah, mannequin, se rendent régulièrement au Village de Dieu pour participer à ces activités explicites.

«J’ai toujours reçu des offres pour m’y rendre», témoigne la jeune femme depuis la République Dominicaine.

Pendant le mouvement «Bwa Kale», une vague de réactions violentes dirigées contre les bandits armés et orchestrée par des membres de la population civile, qui a commencé en avril dernier, l’une des amies de Dorssah a été lynchée à Canapé-Vert en raison de ses liens présumés avec les gangs : «Cela me fait mal pour elle», se désole Dorssah, qui demande à utiliser son nom d’artiste.

En raison du ralentissement de diverses activités et de la fermeture de plusieurs espaces récréatifs dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, certains jeunes se tournent vers les quartiers contrôlés par les gangs en marge de cette situation.

Maintenant, la vie de la jeune femme est en danger, et elle est contrainte de quitter le pays en raison de graves menaces proférées à son encontre sur les réseaux sociaux.

En raison du ralentissement de diverses activités et de la fermeture de plusieurs espaces récréatifs dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, certains jeunes se tournent vers les quartiers contrôlés par les gangs en marge de cette situation.

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Siléus est enseignant et réside à Port-au-Prince. Il fréquente habituellement des boîtes de nuit telles que Safari et Chill Yard.

Aujourd’hui, Siléus se présente comme un grand fan des «programmes» organisés chaque week-end à Carrefour-Feuilles, un bidonville en proie à la violence armée. Durant la semaine, il économise de l’argent et participe à des jeux de paris sportifs en ligne afin de ne pas manquer l’ambiance du week-end. «Peu importe la situation, je m’efforce d’avoir au moins 2 000 gourdes à ma disposition», déclare-t-il.

Une vue depuis la cabine d’un DJ du club Kay Mamoun. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Malgré la violence présente dans les quartiers populaires, les «programmes» sont toujours organisés. Les DJ, parfois accompagnés d’artistes, mettent l’ambiance sur la piste de danse, tandis que des femmes pratiquement dénudées se déhanchent à côté de jeunes hommes ouvertement armés, selon des témoins.

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Au mois de mars 2023, plus de cinquante personnes ont perdu la vie lors des conflits intergangs au Bel-Air. Malgré la persistance de ces conflits, les activités de divertissement nocturnes se poursuivent dans la région, sous le regard de personnes masquées.

Malgré la violence présente dans les quartiers populaires, les «programmes» sont toujours organisés.

«C’est un quartier en guerre, mais cela ne concerne pas tous les endroits de la zone», relate Saint Juste, habitant à Poste Marchand. Ce dernier se rend régulièrement dans des programmes au bas de Bel-Air.

Jean, quant à lui, habite à Delmas. Il se rend dans des quartiers tels que Simon Pelé ou Bel-Air dans le seul but de se défouler. «Il suffit que le chef en décide ainsi pour que nous organisions des fêtes», déclare l’homme. «On peut y rencontrer des jeunes venant de partout, y compris de Delmas et de Pétion-Ville. Ils s’amusent à fond, sachant qu’il n’y a aucun risque.»

Pour Jimmy, organisateur d’événements dans le quartier de Jalousie, un bidonville de Pétion-Ville, il n’est pas nécessaire d’aller loin pour trouver du plaisir en toute sécurité. « Le ghetto est calme, je reste ici », même lorsque la zone est sous le contrôle d’un chef, affirme-t-il.

Il suffit que le chef en décide ainsi pour que nous organisions des fêtes

Le «Bwa kale» ne met pas nécessairement fin aux festivités. «Si je reste enfermé chez moi pendant un mois, je meurs, car je ne peux pas vivre sans plaisir», raconte Skoube, un habitant de Carrefour-Feuilles.

Pierre Jameson Beaucejour, chercheur sur l’évolution du plaisir en Haïti à l’Université d’Ottawa, observe chez les jeunes de la zone métropolitaine «un manque d’alternatives et une tendance à minimiser les risques au profit du plaisir» depuis les années 2000. Ceci peut s’expliquer par la fermeture d’espaces de loisirs publics tels que le Rex Théâtre.

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Siléus, mentionné précédemment, se rend à Carrefour-Feuilles et à Fort-Mercredi pour s’amuser. «Le plus souvent, pour fréquenter ces lieux, un ami de la zone doit t’inviter, te loger et t’accompagner», dit-il. Sur place, Siléus ne craint pas pour sa sécurité : «C’est lorsque tu dois partir que les problèmes reviennent, car tu sais que le retour peut être difficile».

Par Jérôme Wendy Norestyl

David Lorens Mentor et Wethzer Piercin ont participé à ce reportage.


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Journaliste-rédacteur à AyiboPost, Jérôme Wendy Norestyl fait des études en linguistique. Il est fasciné par l’univers multimédia, la photographie et le journalisme.

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