Marre de cette présidence, qui, enfermée dans un mutisme déconcertant, prétend qu’elle gouverne, alors que tout se détériore.
Marre de son mépris pour la presse haïtienne, gardienne de la démocratie et défenseure du peuple haïtien, livré à lui-même, en toute indifférence.
Marre de ses équipes passées, présentes, probablement futures et ses acolytes qui ont dilapidé les fonds publics.
Marre des parlementaires qui vivent d’argent et de magouilles sous nos yeux hagards et spectateurs, sans produire assez (si jamais ils produisent quoi que ce soit) pour le travail qui leur incombe.
Marre de ces politiciens véreux qui ne vivent qu’aux frais de la princesse, au grand dam de la moitié de ce peuple de 11,4 millions d’habitants qui triment, végètent, se colèrent, se décolèrent, incompris et délaissés.
Marre de leurs faux-semblants et tout ce qu’ils entraînent comme plaies et amertumes.
Marre des soi-disant visionnaires qui ne vivent que pour s’extirper du lot et ne croient pas en un projet de société, n’investissent pas dans la recherche, dans la production de biens communs.
Marre de l’inflation, de la dégringolade de la gourde, de la misère de nos campagnes, de l’insalubrité de nos villes, des affronts à la fierté nationale.
Marre de ces fonctionnaires qui obéissent aux ordres de magouille et s’embourbent dans la corruption jusqu’au cou.
Marre de l’état de nos provinces, nos sections communales et leur appauvrissement année après année.
Marre de ces maires qui ne font aucun front commun pour exiger que les richesses de leurs communes soient investies pour le développement et le bien-être de leurs communautés.
Marre du sort réservé aux paysans, aux madan-sara, les poto-mitan de notre vivre-ensemble.
Marre des injustices à l’encontre des filles et femmes haïtiennes.
Marre de la peur d’élever un enfant dans ce pays.
Marre du sort réservé aux compatriotes en terre voisine et partout où ils cherchent une vie meilleure.
Marre de nous être laissés autant dépasser par ces voisins qui nous ont fouetté la conscience et marqués notre peau de « perejil » alors que nous devrions vivre en harmonie.
Marre des églises qui abrutissent plus qu’elles n’éclairent ni n’éduquent.
Marre des monopoles qui garantissent que les riches restent riches et ne cèdent aucune voie d’ascension sociale et des mains basses de familles sur des entreprises publiques.
Marre qu’au pays arraché de sueur, d’humiliation et de sang par nos ancêtres, les disparités soient aussi flagrantes au profit d’une classe, aux dépens des plus démunis, contrairement au projet d’indépendance de 1804.
Marre des jeunes loups aux pattes de velours qui se vendent, sourient, discourent paye, mais au fond d’eux ne croient pas en une Haïti meilleure.
Marre de tous ceux qui croient que le changement était facile et qu’il suffit de saupoudrer pour faire semblant de travailler.
Marre de ce que le plus simple à faire devient le plus difficile à régler dans ce pays.
Je n’ai pas marre du pays, mais de nos comportements, de ceux que nous avons placés au timon des affaires, de notre je-m’en-foutisme national, notre attentisme et notre silence complice.
En seulement vingt ans de conscience de mon haïtianité, je n’ai jamais eu autant mal dans l’âme, dans les os, mais je n’ai pas perdu la foi.
C’est le temps de s’essouffler, de déprimer, mais il faudra se relever, fuir la torpeur végétative et se battre contre ces ridicules qui tuent.
Que notre amertume et notre déception nous raniment et nous révoltent plus qu’elles ne nous ankylosent !
Que ceux qui luttent continuent à lutter, car vous nous donnez espoir pour nous investir chacun en notre façon.
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