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« Je vis avec le VIH, mais je refuse de le dire à ma femme »

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De peur d’être stigmatisés, certains  vivant avec le VIH font tout pour empêcher leurs conjoints d’être au courant de leur maladie

À l’âge de 22 ans, Mario Dubreville a été diagnostiqué séropositif. Son test de dépistage au centre GHESKIO a révélé que son sérum sanguin contient des anticorps spécifiques au virus de l’immunodéficience humain (VIH), responsable de la maladie du syndrome immunodéficitaire acquis (SIDA).

Depuis, Dubreville vit avec la maladie et s’adapte en prenant régulièrement des médicaments antirétroviraux spécifiques pour neutraliser le virus dans son sang. Actuellement, Dubreville a 40 ans. Marié depuis tantôt quatre mois, il vit avec son épouse et ses deux enfants à Tabarre.

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Dubreville n’a pas encore déclaré à sa femme qu’il est infecté du VIH, depuis leur rencontre il y a cinq ans de cela. « Je n’ai pas le courage pour avouer à ma conjointe que je suis infecté du VIH », dit Dubreville qui venait de faire un check up médical au centre GHESKIO à Tabarre pour des douleurs ressenties.

La séropositivité d’un patient reste une information personnelle et sensible. Cependant, il demeure difficile de balancer d’un côté le droit à la vie privée et la confidentialité de ces informations et de l’autre, la nécessité d’informer ses partenaires sexuels de son statut, encore plus quand des relations non protégées sont pratiquées.

Contrairement à certains états aux États-Unis ou le Canada et la Suisse qui obligent les infectés d’une maladie sexuellement transmissible comme le VIH à le déclarer à leur partenaire au risque de poursuites pénales, les lois haïtiennes n’ont rien prévu là-dessus, selon l’avocat, Me Patrick Laurent.

« Elle me met souvent à l’aise pour lui dire si je suis malade », raconte Dubreville. L’homme précise qu’il n’a pas encore le courage de le faire, alors que sa femme n’a jamais fait un test de dépistage. Dubreville ne sait pas non plus si ses enfants sont infectés. Ils ont tous pris naissance par les méthodes traditionnelles d’accouchement en Haïti.

Un enjeu

Trois modes de transmission sont retenus pour la propagation du VIH : contact sexuel, contact sanguin et la transmission verticale (de la mère à l’enfant). Le mode de transmission la plus répandue reste jusqu’à date l’acte sexuel.

« C’est pourquoi il est conseillé aux patients d’informer leurs partenaires quand ils découvrent leurs séropositivités », fait savoir docteur Jean Abioud Sylvain, coordonnateur en soin et traitement du VIH à FOSREF.

La plupart des partenaires séropositifs refusent de faire une telle confession. « Cette situation représente un grand handicap en Haïti, car nombreux sont les couples dont les partenaires ne savent pas si leurs conjoints sont infectés par le VIH », révèle le médecin.

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Le plus souvent, raconte Jean Abioud Sylvain, les citoyens séropositifs recourent à la prise de médicaments en cachette. Cette même méthode est appliquée par Mario Dubréville qui prend ses médicaments tard la nuit. Il est parfois surpris par sa femme.

Dubréville dit refuser les kits alimentaires livrés aux personnes séropositives pour ne pas alimenter les suspicions de sa femme.

Parallèlement, le laboratoire de l’Institut du bien-être social et de recherche (IBERS) ne réalise pas le test de VIH lors des examens médicaux recommandés pour obtenir le certificat prénuptial avant de contracter le mariage.

Des couples sérodiscordants

À FOSREF, une structure qui accompagne les individus séropositifs, les responsables dénombrent pas mal de couples sérodiscordants. Ce sont des couples où un seul des partenaires porte le virus. Selon le docteur Jean Abioud Sylvain, il est extrêmement rare de trouver un couple sérodiscordant où le partenaire séronégatif est conscient de la maladie dans sa relation.

« Les partenaires séropositifs refusent toujours de l’avouer à leurs conjoints séronégatifs, poursuit le médecin. Fort souvent, ce sont les partenaires séropositifs qui les amènent au centre de dépistage pour réaliser le test. »

De l’avis du médecin, « après 6 mois de traitement, la charge virale du patient séropositif connaîtra une diminution considérable autrement dit, la quantité de virus pour chaque millilitre de sang est complètement réduite. » Cependant, la possibilité de transmettre le virus existe, raison pour laquelle il est conseillé aux couples discordants d’utiliser systématiquement un préservatif lors des relations sexuelles.

Des méthodes de préventions autres que le préservatif

Selon les données, la population haïtienne compte 160 000 personnes qui vivent avec le VIH dont 87 000, soit 58 %, sont des femmes.

Au-delà du préservatif qui demeure fortement recommandé, une autre méthode peu connue du public assure une protection efficace. Il s’agit de la prophylaxie préexposition communément appelée PREP par les agents de la santé. Ce médicament protège assez bien contre une éventuelle infection au VIH.

« Le PREP est destiné à des populations clés en Haïti comme les professionnels de sexe, les homosexuels et les personnes séronégatives des couples discordants », affirme le coordonnateur en soin et traitement du VIH à FOSREF, Jean Abioud Sylvain.

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Ce traitement est aussi disponible pour des personnes qui se sentent à risque d’attraper le virus à force de fréquenter plusieurs partenaires à la fois sans se protéger.

« Pour être éligible afin de recevoir ce médicament le diagnostic médical du patient doit être négatif au virus », clarifie le médecin disant que les personnes ayant des rapports sexuels anales sont optimisées au septième jour du traitement. Pour ceux ayant des contacts sexuels vaginaux, il faut attendre jusqu’à vingt jours pour être complètement protégé.

Contrairement au traitement du VIH qui doit être poursuivi toute la vie, le PREP est temporaire et peut s’arrêter lorsque le patient juge être à l’abri des risques (fidélité, abstinence).

*Mario Dubreville est un nom d’emprunt utilisé afin de protéger l’identité de l’intervenant.

Emmanuel Moïse Yves

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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