Interrogés par AyiboPost, Dominicains, Haïtiens, et Dominicains d’ascendance haïtienne partagent des points de vue nuancés sur ces élections dominées par les relations entre la RD et Haïti
L’économiste et homme d’affaires de 56 ans, Luis Abinader, vient d’être élu pour un second mandat de quatre ans à la présidence de la République Dominicaine lors des élections générales du 19 mai 2024.
Interrogés par AyiboPost, Dominicains, Haïtiens, et Dominicains d’ascendance haïtienne partagent des points de vue nuancés sur ces élections dominées par les relations entre la RD et Haïti.
Lire aussi : Les choix électoraux en RD n’enchantent pas les Dominicains d’ascendance haïtienne
«Ce n’était pas facile de décider pour qui voter», déclare à AyiboPost Ghislaine Ruiz.
Née en République Dominicaine de parents haïtiens, Ruiz vit à Canutillo, une localité rurale moins touchée par les politiques migratoires anti-Haitïennes. Canutillo se trouve dans la région de San Pedro de Macoris, à 52 km de la capitale Santo Domingo.
Revenant des urnes lors de son interview avec AyiboPost, elle se plaint des conditions de vie difficiles pour les personnes d’ascendance haïtienne en République dominicaine pendant les quatre années passées.
La lutte contre la corruption, les réformes économiques et les questions migratoires ont été parmi les éléments phares de la première administration de Luis Abinader entre 2020 et 2024.
En 2021, la République Dominicaine a connu l’une des plus fortes reprises économiques post-Covid au monde, avec une croissance de plus de 12%.
Cette même année, le pays affiche un taux de chômage de 7.7 %, un taux d’alphabétisation de 93 % pour un PIB par habitant de 8 986 USD contre 1 694,1 pour Haïti.
Des investissements dans le tourisme, qui représente 28 % du PIB, ont poussé ce secteur vers un développement exponentiel.
À plusieurs reprises ces quatre dernières années, la question haïtienne est revenue sur la table.
L’administration Abinader a adopté des mesures drastiques, certaines ouvertement discriminatoires, contre les Haïtiens en situation irrégulière.
Depuis 2021, plus de 280 000 personnes ont été déportées en Haïti en provenance de la République dominicaine selon l’Organisation Internationale pour les Migrations. Pour la même période, les déportations des États-Unis concernaient 32 248 individus.
Lire aussi : Les déportations de Luis Abinader entravent l’image et l’économie dominicaines
Les travaux de construction d’un mur long de 190 km sur la frontière entre les deux pays ont été lancés en 2022.
Dans un discours devant l’assemblée générale des Nations-Unies en 2023, le président dominicain avait appelé à une intervention internationale pour assurer la stabilité en Haïti.
Pour son deuxième mandat, Abinader risque de garder son cap jugé anti-haïtien par des observateurs.
Sa campagne s’est d’ailleurs faite autour du slogan «Le changement continue».
Vilson Jean fait partie des 500 000 Haïtiens vivant en République Dominicaine.
Le jeune homme vit à Puerto Plata, au nord du pays où il travaille comme interprète pour des touristes depuis 2018.
Lui et ses amis n’ont pas pu voter aux dernières élections, car ils sont encore en situation irrégulière. Et même s’ils devaient le faire, ça aurait été difficile de choisir, dit-il.
Car pour Jean, aucun des candidats majeurs n’a manifesté une volonté de défendre la cause des Haïtiens.
Selon des observateurs, les principaux partis politiques en RD mettent en avant des propositions jugées anti-haïtiennes.
Mais pour Vilson Jean, la meilleure des alternatives serait qu’Haïti retrouve sa stabilité et que lui et ses amis puissent revenir travailler dans leur pays.
«J’en ai marre de rester dans un pays où je n’ai pas une voix qui compte», déclare-t-il à AyiboPost.
Dans son espace de dialogue permanent avec la presse nommé la » Semanal », le président dominicain a annoncé le début d’un processus de rapprochement avec les leaders de l’opposition des principaux partis.
«Ce processus devrait ouvrir la voie à une administration gouvernementale basée sur des accords et des consensus», explique à AyiboPost le directeur du média dominicain Fotuto Germàn Reyes.
Pour les prochaines années, le journaliste souhaite l’amélioration des relations bilatérales entre Haïti et la RD. Non seulement pour régler les questions migratoires, mais aussi pour des échanges économiques et une utilisation «plus équitable des ressources frontalières».
Lire aussi : L’exploitation d’une mine d’or à la frontière entre Haïti et la RD fait peur
En 2023, la reprise par Haïti de la construction d’un canal d’irrigation sur la Rivière massacre à la frontière haïtiano-dominicaine a ravivé les tensions du côté dominicain.
Pour signifier sa désapprobation, le 15 septembre, le président dominicain avait ordonné la fermeture de ses frontières terrestres avec Haïti.
La RD a déjà plus d’une dizaine d’ouvrages sur la rivière. Haïti ne construit que son premier, alors que trois de ses rivières se jettent dans la rivière Masacre.
«Le nombre d’ouvrages d’irrigation sur les eaux de la rivière Massacre devrait se rapprocher de l’égalité», commente Reyes.
Visionnez cette interview d’AyiboPost avec le Docteur en droit Maismy-Mary Fleurant sur la légalité de la construction d’un canal en prise à la Rivière Massacre :
Les marchés frontaliers ne sont pas véritablement binationaux, selon des observateurs. «Il y en a dix-huit et ils sont tous du côté dominicain de la frontière», mentionne Reyes.
Des initiatives structurelles doivent être entreprises pour atténuer la violence contre les Haïtiens au-delà de la frontière, selon des spécialistes.
«L’éducation à l’histoire des deux nations devrait être privilégiée, sur la base d’une approche différente s’éloignant des sophismes racistes et anti-haïtiens», conclut Reyes à AyiboPost, ajoutant la nécessité qu’il y ait un arbitrage international pour la résolution des conflits bilatéraux.
Lire aussi : «Kanal la Pap Kanpe», un des plus importants mouvements de solidarité populaire d’Haïti
Dimanche, les électeurs dominicains dans le monde ont voté pour un exécutif bicéphale (président et vice-président), 178 députés pour les 32 circonscriptions électorales, cinq députés nationaux et sept députés représentants les Dominicains de la diaspora.
Selon la «Junta Central Electoral», l’autorité électorale dominicaine, 8,105,151 Dominicains étaient attendus aux urnes pour élire en tout 243 représentants.
La «Junta Central Electoral» a mobilisé 55 000 Polices militaires électorales pour sécuriser le processus du vote.
Le parti présidentiel, représenté par Luis Abinader, a obtenu la majorité des suffrages exprimé
Par Wethzer Piercin & Pierre Michel Jean
Image de couverture : Le président Luis Abinader et sa famille au Quartier Général du PRM (Partido Revolucionario Moderno) après son discours de victoire.
Les images sont de Pierre Michel Jean, envoyé spécial d’AyiboPost en République Dominicaine pour couvrir les élections du 19 mai 2024.
Gardez contact avec AyiboPost via :
► Notre canal Telegram : cliquez ici
► Notre Channel WhatsApp : cliquez ici
► Notre Communauté WhatsApp : cliquez ici
Comments