La suspension des activités à l’hôpital public de Mirebalais accentue la pression sur un système de santé déjà fragilisé par l’arrêt de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti. Les médecins redoutent des répercussions graves
L’hôpital de Mirebalais, pris en étau depuis une semaine par les attaques de gangs au Centre du pays, est désormais à l’arrêt.
Ce centre, membre du réseau Zanmi Lasante, figure parmi les trois plus grandes structures médicales du territoire, aux côtés de l’Hôpital de l’Université d’État, fermé sous la menace, et de l’hôpital La Paix à Port-au-Prince.
Environ 300 patients, incapables de se déplacer seuls, ont été transférés vers d’autres établissements sanitaires des zones voisines entre le 31 mars et le 3 avril 2025.
Ce transfert massif alourdit la charge des hôpitaux d’accueil, déjà dépourvus d’équipements spécialisés et des quelque 1 000 employés de Mirebalais.
« Il est impératif de trouver une solution pour éviter un effondrement total du système de santé haïtien », déclare à AyiboPost Maxi Raymonville, directeur exécutif de l’hôpital.
La fermeture, voire la destruction de l’établissement, représenterait une tragédie aux conséquences imprévisibles.
Doté d’un bloc opératoire de six salles, le centre prodiguait quotidiennement des soins quasi gratuits à jusqu’à 1 000 patients venus de tout le pays.
L’HUM accueille chaque année environ 125 professionnels en formation spécialisée dans des domaines variés : chirurgie, pédiatrie, gynécologie, orthopédie, médecine interne et neurologie.
C’est aussi le seul centre à former des médecins urgentistes dans le pays.
Chaque jour, une trentaine de malades atteints de cancer recevaient une chimiothérapie à Mirebalais. « Ces patients sont désormais privés de soins et risquent de mourir à domicile », alerte le Dr Raymonville.
Selon un rapport de l’Agence internationale de recherche sur le cancer (IARC) publié en 2024, Haïti compte au moins 23 611 cas.
Aux commandes de l’hôpital depuis douze ans, le directeur tire la sonnette d’alarme. Il avertit d’une hausse des taux de morbidité et de mortalité, notamment chez les enfants et les femmes enceintes, si l’HUM cessait ses opérations pour une durée indéterminée.
Les établissements du Plateau Central et du Bas-Artibonite – déjà surchargés et sous-équipés – enregistrent un afflux important de patients.
En 2015, selon le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), le département du Centre ne comptait que quatre hôpitaux pour desservir environ 750 000 habitants répartis sur 12 communes et 27 sections communales.
Depuis l’attaque, les hôpitaux Sainte-Thérèse de Hinche, Bon-Sauveur de Cange à Boucan-Carré et Notre-Dame de la Nativité à Belladère restent opérationnels.
À Hinche, l’Hôpital Sainte-Thérèse a reçu 23 blessés par balles entre le 31 mars et le 9 avril.
Disposant de 214 lits, l’établissement n’en avait que trois ou quatre de disponibles le 2 avril dernier.
Des patients qui, en temps normal, seraient soignés à Mirebalais, doivent se rendre à Hinche, déclare à AyiboPost Denold Milsoit, directeur de l’hôpital.
L’établissement, qui dessert une large partie de la population de l’Artibonite, du Nord et du Nord-Est, souffre de pénuries de carburant. « Si la situation perdure, nous risquons d’être à court d’intrants et de médicaments », prévient le Dr Milsoit.
L’hôpital Bon-Sauveur de Cange subit les mêmes pressions.
« Chaque jour, nous recevons entre cinq et six blessés par balles, parfois plusieurs en même temps », explique le Dr Felimond Manneley, responsable médical. Il note également une hausse des admissions liées aux accidents de la circulation.
Si la situation perdure, nous risquons d’être à court d’intrants et de médicaments-Dr Milsoit
La surcharge s’intensifie, mais le centre ne dispose ni de soins intensifs ni de service d’orthopédie.
Les patients souffrant de fractures ou de traumatismes osseux sont orientés vers Sainte-Thérèse, poursuit le Dr Manneley, qui signale aussi des difficultés logistiques liées au carburant.
Le département de l’Artibonite tente d’apporter son appui.
À l’Hôpital Saint-Nicolas de Saint-Marc, l’augmentation du nombre d’admissions met à rude épreuve les capacités déjà limitées, selon le Dr Chovel Alcy.
« Cette pression s’accentue avec l’arrivée de nombreuses personnes fuyant l’insécurité à Pont-Sondé, Petite-Rivière de l’Artibonite, Cabaret et l’Arcahaie », précise-t-il.
L’établissement accueille aussi des patients venus du Haut et du Bas-Artibonite – dont les Gonaïves et Ennery – ainsi que du Plateau Central et de l’Ouest, notamment Cabaret et l’Arcahaie. Il offre des soins de base en pédiatrie, médecine interne, maternité et orthopédie.
L’hôpital manque cruellement de personnel, d’équipements médicaux et de fournitures essentielles, déplore son directeur.
« Si l’HUM reste hors service, nous ne tiendrons pas indéfiniment », avertit le Dr Alcy.
Depuis près d’une semaine, des attaques armées secouent le Plateau Central. À Saut-d’Eau et Mirebalais, les gangs cherchent à étendre leur emprise.
Le commissariat et la prison civile de Mirebalais ont été pris pour cibles. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 5 981 personnes ont dû fuir leur domicile.
La fermeture de l’HUM a également suspendu le programme de rotation destiné à la formation des spécialistes, en partenariat avec l’Hôpital Saint-Nicolas de Saint-Marc.
Inauguré en mars 2013 avec le soutien de Zanmi Lasante/Partners in Health, l’HUM fonctionne sous la tutelle du MSPP.
Sa construction a coûté entre enntre 23 et 25 millions de dollars américains, d’après le Dr Raymonville.
Le site est équipé de 2 200 panneaux solaires.
En septembre 2023, l’hôpital avait déjà été attaqué, occasionnant d’importants dégâts matériels.
Alors que son budget de fonctionnement annuel s’élève à environ quinze millions de dollars, l’établissement n’est plus en mesure d’assurer ses services.
Si l’HUM reste hors service, nous ne tiendrons pas indéfiniment-Dr Alcy
C’est le système de santé du pays qui s’enfonce dans la crise : près de 60 % des structures situées dans des zones contrôlées par des groupes armés sont à l’arrêt. Cette situation s’ajoute à la baisse des financements humanitaires, aux difficultés de mobilisation de ressources, et survient dans un contexte marqué par le retour du choléra et la multiplication des traumatismes physiques.
Par Lucnise Duquereste & Widlore Mérancourt
Couverture | Photo de la façade de l’Hôpital Universitaire de Mirebalais. ( source : Zanmi Lasante ) Accompagné d’une infirmière ayant la main sur le front et un air déçu. ( Source : Freepik ) Collage : Florentz Charles pour AyiboPost – 08 avril 2025
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