Créée le 8 décembre 1923, la Société haïtienne d’Histoire, de géographie et de géologie (SHHGG) s’est toujours battue pour la construction d’un discours rationnel et scientifique sur l’histoire d’Haïti, affirme Pierre Buteau, l’actuel président de l’institution
Lorsque Jovenel Moïse décréta par arrêté présidentiel en 2021 la date du 20 septembre comme «jour de Dessalines», la Société haïtienne d’Histoire, de géographie et de géologie (SHHGG) est vite montée au créneau pour dénoncer un véritable scandale, une décision ne témoignant d’aucun fondement historique, prise sans consultation avec les historiens du pays.
Cette année, la SHHGG, la plus ancienne de toute la Caraïbe, a cent ans.
Selon Pierre Buteau, l’actuel président de l’institution, contacté par AyiboPost, pendant toutes ces années, la SHHGG s’est toujours battue pour la construction d’un discours rationnel et scientifique sur l’histoire d’Haïti. En dépit de son contexte d’évolution tumultueux marqué par les crises sociales et politiques.
«Il s’agit de la plus vieille institution de ce genre dans toute la Caraïbe et peut-être la deuxième dans les Amériques», affirme Pierre Buteau.
Cette année, la SHHGG, la plus ancienne de toute la Caraïbe, a cent ans.
Créée le 8 décembre 1923, en pleine occupation américaine, la Société haïtienne d’Histoire, de géographie et de géologie se voulait un foyer de résistance face à l’occupant, selon l’historien Pierre Buteau.
«Dès son premier discours, Horace Pauléus Sannon, premier président de la SHHGG, invita la population à un redressement face à l’occupation», rappelle l’ancien ministre de l’Éducation nationale.
Avec des centaines d’articles et des dizaines d’ouvrages sur des thématiques variées datant de plus de 90 ans, la Revue de la société haïtienne d’histoire, de géographie et de géologie, créée en mai 1925, est le plus grand référentiel de recherches historiques produites sur Haïti, à partir d’Haïti.
«Parue d’abord tous les trois mois, elle l’est maintenant une fois par an, afin de s’adapter au rythme des moyens dont nous disposons», explique Buteau qui présente la SHHGG comme une société savante à vocation académique.
La Revue de la société haïtienne d’histoire, de géographie et de géologie, créée en mai 1925, est le plus grand référentiel de recherches historiques produites sur Haïti, à partir d’Haïti.
La conjoncture actuelle, marquée par l’insécurité, affecte énormément le fonctionnement de la société.
Pierre Buteau lui-même a été kidnappé dans sa résidence privée en janvier 2023, pour être libéré contre rançon neuf jours plus tard. «Face à cette situation, certains de nos membres importants ont dû partir vivre à l’étranger», explique-t-il.
Gaëtan Mentor, historien et trésorier de la SHHGG, reconnaît les méfaits de la situation socio-politique actuelle sur le fonctionnement de l’institution.
«Les réunions présentielles sont très difficiles sinon impossibles à organiser. L’organisation de séminaires, de conférences ne se fait plus» explique Mentor.
De plus, poursuit-il, même la fréquentation de la bibliothèque de la SHHGG par des étudiants est réduite au néant.
Afin de s’adapter aux évolutions technologiques et préserver près de 90 années d’archives sur l’histoire haïtienne, la SHHGG a pu compter sur les supports de l’université de Michigan pour une numérisation d’une partie de ses documentations.
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Les différentes crises politiques qu’a connues le pays n’ont pas épargné la SHHGG. En septembre 1991, les locaux de l’institution ont été vandalisés et pillés par des individus inconnus à la Clinique docteur Beaulieu de la rue Oswald Durand. Si l’on n’évalue pas la quantité d’archives pillées, il est toutefois certain qu’il s’agissait d’une «partie assez considérable des documents.»
Pierre Buteau lui-même a été kidnappé dans sa résidence privée en janvier 2023, pour être libéré contre rançon neuf jours plus tard.
Dans sa deuxième lettre du centenaire sortie en juin 2023, présentant les raisons qui expliquent la longévité de la SHHGG, Pierre Buteau évoque cette notion d’engagement et l’émulation dont ont toujours fait preuve les membres de la SHHGG.
Servant de référence comme un espace de construction d’un discours à prétention scientifique sur l’histoire haïtienne, la SHHGG a été à de nombreuses reprises invitée ou partie prenante d’initiatives académiques, culturelles ou universitaires de grande envergure.
En 1951, elle participe aux travaux de la 5e assemblée de l’Institut panaméricain de géographie et d’histoire.
En 1989, dans le cadre du bicentenaire de la Révolution française, à Port-au-Prince, elle participe à un colloque international pour discuter des répercussions de cette révolution sur le déroulement des luttes ayant abouti à l’indépendance d’Haïti.
Il s’agit de la plus vieille institution de ce genre dans toute la Caraïbe et peut-être la deuxième dans les Amériques.
En 2005, sous l’invitation de l’UNESCO, la SHHGG prend part au grand colloque sur les relations entre Afrique et Haïti. Elle participe actuellement à la réalisation de l’initiative baptisée Route de l’esclave qui fête ses 30 ans en 2024.
À cela s’ajoute la création du prix de la SHHGG en 1977, qui récompense tous les deux ans un travail de recherche qui apporte une contribution à une meilleure compréhension d’Haïti et de son histoire.
De 1923 à 2023, d’illustres penseurs, chercheurs et historiens haïtiens et étrangers ont, soit comme membre ou comme président, mis leur plume ou leurs savoir-faire pendant plusieurs décennies au service de l’institution.
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Ainsi, Dantès Bellegarde, Horace Pauléus Sannon, Sténio Vincent, Catts Pressoir, Enock Trouillot, Alain Turnier, Jean-Price Mars, Jean Fouchard, Georges Corvington, Leslie Manigat, Roger Gaillard, Michel Hector, etc. sont parmi ces intellectuels haïtiens qui ont porté la SHHGG par leur présence constante et leur volumineuse production intellectuelle.
En plus de la contribution des mécènes et l’argent généré par la vente des revues, la SHHGG a pu compter, depuis la première administration de René Préval entre 1996-2001, sur une subvention annuelle de l’État à travers le ministère de la Culture et de la Communication. «Aujourd’hui encore, nous comptons sur ces 500 000 gourdes pour financer nos opérations», soutient professeur Buteau.
La célébration du centenaire de la SHHGG en décembre prochain ne sera pas grandiose. Cependant, elle reste attachée à son traditionnel banquet, qui sera organisé cette année pour marquer l’anniversaire.
Du haut de son respectable fauteuil de centenaire, la «vieille Dame» continuera de se battre pour le renforcement d’un discours scientifique sur l’histoire d’Haïti, affirme Pierre Buteau, président de la Société haïtienne d’histoire, de géographie et de géologie.
Par Wethzer Piercin
Image de couverture : Une ancienne maison au Cap-Haïtien. | © Hélène Clément/Le Devoir
Visionnez notre émission spéciale AyiboLab, réalisée en septembre 2023, avec Marc Anderson Bregard , PDG de Radio Télévision Caraïbes, et Gotson Pierre, coordonnateur du Groupe Médialternatif, autour du problème d’archives dans les médias en Haïti :
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