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Et si le bicolore devenait tricolore?

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L’histoire du drapeau haïtien, rapporte-t-on,  a débuté au congrès de l’Arcahaie en mai 1803 quand les chefs, Noirs et Affranchis mulâtres, se sont finalement rendus compte qu’il leur fallait unir leurs forces pour combattre l’ennemi commun d’alors. Ennemi responsable du maintien d’un système aussi inégalitaire qu’inhumain et ceci malgré la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen promulguée et cosignée par l’Assemblée constituante française en août 1789!

La suppression du blanc du tricolore français pour rapprocher le Bleu et le Rouge et en faire un nouveau drapeau, symbole de la détermination des conjurés, reflétait déjà la volonté de rupture d’avec l’ordre ancien.  Il profilait la ferme résolution des uns et des autres à s’engager dans les combats ayant abouti à la défaite de la puissance colonisatrice et à la consécration solennelle de la liberté et de la dignité reconquises. Ce combat… cette épopée s’est réalisée sous l’étendard du bicolore bleu et rouge!

La constitution impériale du 20 mai 1805 du Général en chef Jean Jacques Dessalines, considéré comme le Père de la Patrie, avait fait du bicolore noir et rouge le symbole officiel de l’Empire, probablement pour indiquer qu’une nouvelle étape avait été franchie dans la lutte pour l’émancipation des Noirs. Ce nouveau bicolore devait signifier à la face du monde que cette victoire (représentée par le rouge, couleur aussi du sang !!!) était celle d’un peuple noir libéré, qui dans sa grande majorité (paradant dans le nouveau bicolore par le noir), avait décidé de briser les chaînes de l’esclavage et ouvert la voie à la libération pour les captifs du monde entier.

Le drapeau noir et rouge, dans cette optique, représentait également la réhabilitation de l’homme noir dans sa dignité et dans son essence!

Le rêve d’émancipation de Dessalines à travers son nouveau bicolore n’aura pas duré! Son assassinat, le 17 octobre 1806, mit fin au projet grandiose de l’Empereur! Et depuis, comme un peuple qui se cherche et qui a perdu ses vrais repères, c’est la valse entre les différentes tendances et idéologies qui se manifestent à travers l’alternance cyclique de nos deux (2) bicolores nous laissant avec cette sensation désagréable que notre temps historique vers le progrès s’est arrêté.

Nos deux bicolores n’appartiennent à aucun clan, à aucune chapelle politique! Ils font partie de notre histoire de peuple et de sa mouvance au travers d’une lutte continue pour l’émancipation de l’Haïtien. Ils symbolisent, chacun d’eux, un moment de cette quête. La prétendue préséance de l’un sur l’autre ne fait qu’alimenter davantage nos divisions et nos luttes internes sans grandeur retardant encore et toujours cette unité dans la diversité, passage obligé, devant nous aider à prioriser l’héritage commun qu’il nous appartient de préserver et de fortifier pour les générations montantes!

Aujourd’hui, Haïti semble être pour la énième fois de son histoire à la croisée des chemins: soit ses fils choisissent de continuer à se battre pour leur survie personnelle afin de sortir de la misère et de la précarité; soit, de façon collective ils comprennent l’impérieuse nécessité de redéfinir les symboles et les paradigmes devant aider à mettre en place de nouveaux contrats permettant enfin de déboucher sur une société toujours plus libre, plus juste, plus intégrée et plus humaniste.

Un tricolore, dans lequel se retrouveraient le bleu, le noir et le rouge, aurait la vertu de briser pour de bon le cycle d’alternance historique entre nos deux (2) bicolores qui symbolisent des moments importants de notre de quête de dignité, d’humanisme, de justice et de liberté…

Notre nouveau drapeau, notre tricolore serait donc notre nouvel étendard dans lequel les thèmes de notre devise — liberté, égalité, fraternité— retrouveraient leur vrai sens et leur vraie valeur dans une société qui aurait enfin compris la portée du congrès de l’Arcahaie, le geste du 18 novembre 1803 ayant conduit au 1er janvier 1804 faisant alors d’Haïti une lumière parmi les nations!

Samuel E. Prophète

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