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Entre Romario et Ronaldo

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Entre la Coupe du Monde que Romario a offerte au Brésil en 1994 et celle que Ronaldo a gagnée 2002, laquelle est la plus importante?

On pourrait débattre de ce sujet pendant longtemps. Les arguments des deux côtés seraient de poids et intéressants. Mais aujourd’hui, discutons d’un autre dilemme presque aussi intéressant: au sujet du Mondial 2014, qui a raison? Ronaldo ou Romario? Vous m’auriez dit, il y a 4 ans, qu’un Brésilien serait opposé à la Coupe du Monde brésilienne je vous croirais fou. Vous m’auriez dit que l’un de ces Brésiliens serait Romario, je me croirais dans un profond sommeil. Que s’est-il donc passé à notre cher Romario?

L’année dernière, Romario traitait le président de la FIFA de « Fils de pute ». Il avait aussi ouvertement soutenu les manifestations qui ont eu lieu lors de la Coupe des Confédérations 2013. Romario a toujours été un fin finisseur en surface de réparation de l’adversaire mais, sur le terrain politique, il semble être un franc-tireur. Le champion du monde a toujours dit ce qu’il pensait. Et il semblait toujours penser ce qu’il disait. Sa gueule a toujours eu la belle réputation d’être aussi grande que son palmarès et aussi foudroyant que ses accélérations. En tout cas, il semble avoir bien appris de son bien-aimé entraineur au Barca, Johan Cruyff. Les deux semblent toujours avoir de l’acidité en abondance dans leurs déclarations. Rappelons que Johan Cruyff avait été extrêmement critique du choix de l’Argentine en 1978 qui était à l’époque dirigée par un régime militaire totalitaire. Les rumeurs, pendant plus de 30 ans, étaient qu’il avait refusé de participer à cette Coupe du Monde en signe de protestation contre ce régime (en 1978 Cruyff était encore largement considéré comme le meilleur joueur au monde). En 2008, il a expliqué que sa famille et lui avaient aussi été victimes d’une tentative de kidnapping à Barcelone et que cela avait beaucoup compté dans son forfait. Bref, Les deux hommes se ressemblent sur ce point et semblent être à leur aise en confrontation, surtout quand ils sont convaincus que la raison est de leur côté.

Romario, qui est maintenant député fédéral brésilien, affirme que les chiffres divulgués par la CBF et la FIFA ne reflètent pas la gravité du gaspillage qui est en train de se faire autour de cette Coupe du Monde. Il explique que les prévisions budgétaires fixées autour de 7 milliards de dollars se seraient, comme par magie, multipliées par 2. Donc la Coupe du Monde coûtera peut-être 14 milliards de dollars au gouvernement brésilien. Le meilleur de la Coupe du Monde 1994 critique par ailleurs la FIFA qui n’a pas tenu sa promesse de garder le prix des billets à un niveau abordable au consommateur brésilien moyen. Le prix des billets à la revente par match sur les 64 rencontres est passé d’une moyenne de $ US 600 en 2010 à une moyenne de $ US 1 345. Le match du 1er tour du Brésil face au Mexique coûte, par exemple, en moyenne $ US 2 800. Ces prix sont très loin d’être abordables pour une famille brésilienne doté d’un pouvoir d’achat moyen. Romario s’indigne que sur les 4 milliards de rentrée en vente de billets, la FIFA n’aura à payer que 400 millions en impôts. Il ne cache pas sa frustration au sujet des stades construits à Brasilia et aux environs de l’Amazonie (Manaus) qui n’héberge aucun club de foot d’importance. Apres la Coupe du Monde, ces stades seront fantôme, n’auront donc aucune utilité. Rappelons que le gouvernement brésilien aura dépensé à peu près US $700 millions pour le stade de Brasilia et US $ 400 millions pour celui de Manaus. Donc, pour Romario, les grands gagnants de ce gaspillage seront la FIFA, les membres corrompus de la CBF et du gouvernement. Le peuple brésilien sera, bien sûr, le seul perdant.

Ronaldo qui, lui, fait partie du COL (Comité d’organisation local), a une vision tout à fait différente de la situation. Il concède qu’il y a eu beaucoup d’erreurs dans la préparation du Mondial brésilien, mais il s’étonne de l’attitude pessimiste de son ancien coéquipier. Il estime que les revenus pour le gouvernement brésilien vont largement dépasser le coût de l’événement. Ronaldo qui, la semaine dernière, a été plutôt sympathique envers les manifestants, reste quand même convaincu que l’opportunité reste encore immense pour le peuple brésilien, et il a affirmé que les dépenses additionnelles en infrastructures vont servir le pays sur le long terme. Le double Ballon d’Or est de ceux qui pensent qu’un événement de cette envergure créera des milliers d’emplois. Des retombées économiques positives pour le pays hôte sont raisonnablement attendues. Ronaldo se dit ennuyé du discours politicien et opportuniste de Romario. Il veut clairement éviter ce conflit qui pourrait ternir le beau tableau du football brésilien à quelques semaines de ce qui pourrait être le plus grand événement de l’histoire du sport.

Le grand problème avec le raisonnement de Ronaldo est que maintes études prouvent qu’il n’y a aucune corrélation entre les grands événements sportifs et une croissance économique du pays organisateur. Dans leur livre Soccernomics, Simon Kuper (Journaliste, Financial Times) et Stefan Szymanski (Journaliste, The Guardian) affirment « presque toutes les études démontrent la même chose: accueillir un grand événement sportif n’augmente pas la quantité de touristes, le nombre d’emplois à temps plein, ou la croissance économique ». Il ne resterait donc qu’un impact positif sur le BIB (Bonheur Intérieur Brut) alors que la croissance du PIB resterait inchangée.

Techniquement parlant, Romario a toujours eu raison de Ronaldo, sa touche de balle est d’une pureté maradonesque. Mais la technique est loin d’être le facteur clé, car Ronaldo reste le meilleur attaquant de pointe dans la globalité de son jeu. Techniquement parlant, Romario à raison, le gaspillage et la corruption sautent aux yeux: la préparation de ce Mondial a été pitoyable, mais dans deux semaines j’oublierai tout ça. Je serai devant mon téléviseur et je me mettrai à rêver comme un bambin, et Ronaldo aura raison. J’aime croire que je suis une personne raisonnée et morale, mais comme vous le savez tous, « la raison du football est toujours la meilleure ».

Directeur Général | Co-fondateur | J'aime me considérer rationnel et mesuré avec une vision semi-ouverte du monde. J'ai un baccalauréat en finance. Je m'intéresse au Barça, à la politique, à l'entrepreneuriat et à la philosophie.

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