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Dialogue de Génies

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Messi, Cristiano, Zlatan, Lebron, Kobe… La culture des stars n’a jamais été aussi grande. Entre les réseaux sociaux qui nous rapprochent de ces prodiges et les équipes montées pour les mettre en vedette, nous oublions souvent l’essence du jeu d’équipe. Heureusement, de temps à autre, de vieux fous sortent de leur trou pour nous le rappeler.

Popovich et Van Gaal ne se croiseront surement jamais. Mais si un jour ils se rencontraient ?… Imaginons-les dans un aéroport quelque part, en Asie, plus précisément à Pékin, en train d’attendre leur avion, extrêmement en retard dans un bar.

Van Gaal commande une bière, s’assied et sort de son attaché le vieux calepin qu’il traine avec lui depuis quelques mois. Il feuillette rapidement les pages noircies, passant hâtivement ses notes en revue. Levant enfin les yeux, il jette un regard panoramique sur la salle et remarque, assis pas trop loin de lui, un homme d’environ soixante ans qui écrit dans un livre. Intrigué, il interpelle son voisin, d’un geste de la tête. Le type vêtu d’un polo noir, un peu blasé, lui répond d’un « oui » très bref et plutôt sec. Se fichant de l’attitude peu invitante de l’homme, Van Gaal se rapproche et lui demande :

  • Qu’est-ce que tu lis ?
  • « L’art de la guerre » de Sun Tzu.
  • Tu pars en guerre ?
  • Je suis constamment en guerre. La vie est une guerre.
  • Je suis d’accord ! Donc c’est dans ce livre que tu trouves tes stratégies ?
  • Parfois, mais pas nécessairement !
  • C’est quoi ton nom ?
  • Gregg Popovich!
  • « Gregg, pourquoi tu écris dans ton livre ? Chez moi cela se fait en général sur des pages blanches » poursuit Van Gaal avec un sourire moqueur.
  • « J’écris sur cette feuille », renchérit un Popovich narquois, brandissant une feuille sur laquelle sont gribouillés des cercles et des croix.

Van Gaal remarquant les inscriptions de la feuille lui demande avec intérêt :

  • Tu fais quoi?
  • J’essaie d’améliorer la circulation de balle dans mon équipe.
  • Tu es entraineur ?
  • Oui !
  • Il se trouve que moi aussi je suis entraineur et la circulation de balle est l’une de mes grandes priorités aussi. J’essaie de l’associer au mouvement des joueurs.
  • Le mouvement du joueur est tout aussi important. Mais, il faut d’abord convaincre chaque élément du système que passer le ballon rend le jeu plus facile, plus fluide et plus vite!
  • Selon toi, c’est quoi le plus gros problème de notre sport ces jours ci ?
  • Une trop grande importance est mise sur l’individualité !
  • Ils oublient que nous faisons un sport d’équipe et que toutes les entités du groupe se valent. L’important n’est pas de faire jouer les meilleurs joueurs…
  • « C’est convaincre chacun des pions du système de jouer pour le système », complète Van Gaal enchainant sur l’idée que Popovich exprimait. « Tu sais, à chaque fois que je n’arrive pas à convaincre un joueur de sacrifier sa petite personne pour le bien de l’équipe, je sens que j’ai raté ma mission d’entraineur ! »

Un petit moment de silence s’établi. Les deux sourient à peine. Popovich, lui dit sur un ton enveloppé d’ironie :

  • Si seulement ma femme me comprenait aussi bien que toi ma vie serait moins difficile.

Les deux se mirent à rire. Après une longue pause et quelques gorgées de bière, Van Gaal qui rangeait ses effets personnels avant de partir lui posa une dernière question :

  • Selon toi c’est quoi les valeurs nécessaires à la réussite d’une équipe ?
  • 1 – Partage le ballon, réduit le jeu à sa forme la plus simple, la passe ! 2 — Toujours mettre le groupe au-dessus des individualités. 3 — Avoir un système bien déterminé auquel les joueurs doivent s’adapter parfaitement.

Van Gaal acquiesce. Pendant une fraction de seconde il s’est vu en cet américain de grande taille. Un petit geste de la tête et un sourire à peine remarquable, il était parti. Popovich retourna à sa feuille tout en sirotant son scotch. Ils ne sauront jamais qu’ils sont des adeptes de deux sports différents parce que leurs méthodes et leurs philosophies reposent sur ces mots‑clés : sport d’équipe.

Van Gaal et Popovich ne se rencontreront surement pas mais ces deux génies ont énormément de similitudes dans leur manière d’aborder le jeu collectif: ils ont une philosophie qui repose sur la primauté du groupe; ils croient en un système précis qu’ils ajustent de temps à autre pour répondre aux besoins de l’heure; ils ont un jeu basé sur le déplacement du ballon et sur le démarquage des joueurs ; ils font jouer ceux qui travaillent dur à l’entrainement, indépendamment de leur âge et ils sont inflexibles dans l’application de leur stratégie de jeu, ce qui leur a valu leur réputation de dictateur.

Entre la Coupe du Monde et la finale de la NBA, ces deux derniers jours étaient féériques mais si vous êtes un grand fan du jeu d’ensemble, la victoire de l’équipe hollandaise hier et celle du San-Antonio avant hier étaient carrément orgasmiques. La Hollande jouait contre la meilleure selection de cette décennie et ils les ont tactiquement écrasés. Van Gaal a monté une machine qui travaille autant en récupération qu’à l’attaque. Le football total a eu raison de son petit frère, le tikitaka grâce à un effort collectif monstre. Avant hier, les San-Antonio Spurs ont prouvé qu’avoir les meilleures individualités du monde ne garantissait pas la meilleure équipe face au Miami Heat. Nous continuerons à être fou amoureux de Messi, de Cristiano, de Lebron et de Wade… mais Van Gaal et Popovich, avec leur gueule d’emmerdeurs, seront là pour nous rappeler que le sport n’est pas paillettes, gloire, MVP et ballon d’or. Le basket et le football sont avant tout sueur, effort et jeu d’équipe. Merci Popovitch ! Merci Van Gaal !

Directeur Général | Co-fondateur | J'aime me considérer rationnel et mesuré avec une vision semi-ouverte du monde. J'ai un baccalauréat en finance. Je m'intéresse au Barça, à la politique, à l'entrepreneuriat et à la philosophie.

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