SOCIÉTÉ

Danger : ces stations de gaz propane peuvent exploser à tout moment

0

Le laisser-aller de l’État peut occasionner des tragédies

À Lalue, un réservoir de Sodigaz partage avec la station de distribution de carburant Total le même espace physique.

À la Rue Lamartine, un microcentre de propane dénommé J & R Gaz fonctionne à quelques mètres d’un Minibar où des dizaines de gens se réunissent pour fumer et consommer à l’air libre des boissons alcoolisées.

Ces deux institutions illustrent un problème de sécurité publique remarqué à travers la capitale et dans des villes de province du pays : les centres de distribution de gaz propane ne respectent pas toujours les règles de sureté.

Lire aussi: Le gros flop des charbons « alternatifs » en Haïti

Selon un expert en Génie industriel qui requiert l’anonymat pour des raisons de sécurité, les microcentres de propane doivent se trouver à une certaine distance de bâtiments comme les écoles et lieux de rassemblement. De plus, aux alentours de ces institutions, il ne devrait exister aucune source de chaleur non contrôlée, du feu, des fils électriques à haute tension ou des stations de distribution de carburant. Le microcentre pour sa part doit être bien protégé par une clôture en grillage, les passants et individus non formés doivent être gardés en dehors de l’espace de stockage.

Le non-respect des normes internationales dans le domaine et le laisser-aller de l’État peuvent occasionner des tragédies. C’est ce qui s’est passé lors de l’explosion d’une station de distribution de gaz propane le 15 mai dernier à la Rue Jean George de Delmas 32.

Toits endommagés. Maisons désertées. Quelques pans de murs à peine debout… La noirceur des fumées laisse encore ses empreintes dans l’espace sept mois après.

Micro-centre à la rue Magloire Ambroise

Au moins trois personnes ont succombé sous les flammes. D’autres survivants ont été sévèrement brûlés.

Des dégâts matériels — dont des cassures au niveau des murs d’au moins deux appartements à proximité de la scène — sont aussi à considérer.

Selon les témoignages recueillis sur place, deux marchandes de « manje kuit » s’installent exactement à l’entrée de l’entreprise chaque soir pour vendre des saucisses fumantes et du spaghetti. C’est probablement de leur feu que l’incendie est parti.

« En aucun cas, on ne devrait installer un microcentre de gaz propane liquéfié dans un environnement où l’on a des sources de chaleur non contrôlées », rappelle l’expert cité plus haut.

Quelques minutes avant la déflagration, les gens à proximité du microcentre ont pris l’odeur d’une fuite de gaz.

Lire également: Le charbon de bois cause-t-il vraiment le déboisement en Haïti?

« J’utilise le propane depuis plusieurs années, donc j’en connais l’odeur, témoigne Sherly Lundy. Quelques minutes avant l’incendie, je l’ai sentie. Par prudence, moi et ma famille avons évacué en vitesse la maison. C’est dans les minutes qui suivent que le réservoir a explosé », dit Lundy dont la maison se trouve à quelques mètres du foyer de l’explosion.

En Haïti, les microcentres de vente de propane ne sont pas tous construits sous la supervision d’une compagnie qualifiée. Ceci explique souvent l’absence de normes de sécurité dans certaines installations.

Delmas 32 est une zone d’habitation et de commerce. Le centre pulvérisé par le feu se trouve à quelques secondes d’une station de taxi moto. Exactement devant l’entreprise se trouve un poteau électrique sur lequel se trouve un câble de haute tension électrique. Il s’agit de violations de multiples normes sur l’installation de ces structures qui prévoient notamment qu’on doit éviter les rassemblements massifs aux alentours des microcentres de gaz propane.

Micro-centre à l’avenue John Brown

Il existe aussi des mesures de contrôle permanent qu’on doit minutieusement intégrer dans la procédure d’ouverture et de fermeture d’activité du microcentre, rajoute un autre professionnel, directeur commercial d’une compagnie exportatrice de gaz propane en Haïti. Il demande l’anonymat pour des raisons de sécurité.

« La procédure d’ouverture et de fermeture consiste à faire quotidiennement un check up dans les citernes pour voir s’il n’y a pas d’anomalies », continue le professionnel.

On doit par exemple appliquer de l’eau savonneuse dans tous les joints pour voir s’il n’y a pas de fuite ; regarder si l’extincteur est rempli ; vérifier s’il n’y a pas de fils électriques dénudés dans l’espace environnant ; s’assurer que l’endroit est propre et qu’il n’y a pas de déchets inflammables qui peuvent rendre un feu moins maîtrisable…

En aucun cas, on ne devrait installer un microcentre de gaz propane liquéfié dans un environnement où l’on a des sources de chaleur non contrôlées

Pour un gérant de microcentre, le propane en soi n’est pas un danger. C’est son utilisation avec imprudence qui peut causer problème.

Les explosions des citernes ne sont jamais spontanées. Il y a toujours des signes avant-gardistes. C’est par exemple l’odeur du gaz qui se fait sentir quand il y a une fuite, comme ce fut le cas du réservoir de Delmas 32.

Selon les explications du premier expert, les fuites se trouvent généralement au niveau des tuyaux et rarement dans les réservoirs. On peut imaginer une pareille scène si par exemple un poteau tombe sur un réservoir ou quand il y a un tremblement de terre.

« Quand cela arrive au niveau de la tuyauterie de la citerne, il y a un “limiteur de pression” (excess flow) qui coupe automatiquement la propagation du gaz. Ce qui diminue tout risque d’expansion incontrôlé du gaz », rassure l’expert.

Ces garanties n’existent pas toujours dans les installations amateurs et peu respectueuses des normes.

 

Photos: Carvens Adelson / Ayibopost

Plus connu sous le nom de Jim Larose, Jimmy est auteur, juriste, professeur d’anglais et journaliste-rédacteur à AyiboPost depuis septembre 2021. Passionné de la plume, il prépare son premier ouvrage titré : « Essai sur la chute libre d’Haïti et son système éducatif »

    Comments