De nombreuses femmes n’éprouvent aucun plaisir au moment des relations sexuelles. Elles sont nombreuses en Haïti à chercher des solutions à ce problème.
Thérèse, 26 ans, ne ressent rien au moment des rapports sexuels. Elle n’a jamais eu d’orgasme dans sa vie. Elle raconte qu’elle a été violée à 12 ans par son beau-père. C’est à l’âge de dix-neuf ans qu’elle a accepté pour la première fois de coucher avec quelqu’un. « Je n’ai rien ressenti », affirme t-elle. « Quoique j’ai changé de partenaire, je n’éprouvais toujours aucun plaisir. A chaque rapport, les souvenirs du drame me revenaient à l’esprit. Je ne vois pas pourquoi on fait l’éloge du sexe. »
A 28 ans, Adrienne n’a jamais jouit non plus. Au lit, elle ne ressent quelque chose qu’après avoir consommé de l’alcool. Elle a eu plusieurs partenaires, mais à chaque fois, c’est une longue lutte pour coucher avec eux. « Cela a toujours marché dans mes relations au niveau sentimental. Mais tous mes copains ont fini par me quitter parce qu’ils devaient littéralement se battre avec moi pour que nous fassions l’amour », dévoile la jeune femme qui dit détester les rapports sexuels. Elle n’a pourtant jamais connu d’expériences traumatisantes comme Thérèse.
Plusieurs causes
Adrienne est frigide parce qu’elle connait des troubles du désir sexuel, et Thérèse souffre d’anorgasmie, parce qu’elle a des troubles du plaisir sexuel. La frigidité et l’anorgasmie sont deux troubles qui s’apparentent et se confondent souvent. Une femme devient frigide après une absence prolongée d’orgasme. Elle ne ressent plus le désir de faire le sexe.
L’anorgasmie touche généralement les femmes peu expérimentées sexuellement. Elle affecte surtout celles qui sont traumatisées par une mauvaise expérience sexuelle. Il s’opère chez elles un blocage psychologique qui leur empêche de jouir au moment des rapports sexuels. La routine dans les rapports sexuels favorise l’anorgasmie. Des faiblesses au niveau des muscles de la région pelvienne après un accouchement ou une césarienne peuvent causer aussi l’anorgasmie.
Ce trouble frappe aussi les femmes qui ont reçu une éducation sévère, hostile à toute jouissance sexuelle sous prétexte que c’est mal. C’est le cas de Josette, normalienne de 34 ans, élevée par son père, responsable d’église. Elle raconte que tout ce qui importait pour lui, c’était qu’elle aille à l’église et fasse des études. « J’ai eu mon premier rapport sexuel avec mon mari. La fornication étant un péché, j’ai été contrainte par mon père d’attendre le mariage. Je n’ai jamais eu d’orgasme », explique celle qui croit, après 14 ans de mariage, que certaines positions sexuelles ne sont pas pour les chrétiens.
La femme atteinte de ce trouble développe une mauvaise image d’elle-même. Il l’amène à se culpabiliser ou à culpabiliser son partenaire. Elle devient alors nerveuse, et à chaque contact sexuel, elle se ferme dans un cercle vicieux, en se focalisant sur le manque de plaisir plutôt que de participer à l’acte. Elle peut aller parfois jusqu’à simuler. Le partenaire, frustré, se sentant incapable de faire jouir sa compagne, demande parfois la rupture.
Un problème réversible
Selon Laetitia Degraff, en cas d’anorgasmie, une femme peut considérer la masturbation dans le cadre d’une sexothérapie. Apprendre à connaitre son corps et créer les conditions pour jouir seule peut aider. La masturbation permet de découvrir ses zones érogènes. Certaines femmes sont excitées seulement par la pénétration alors que d’autres ne veulent que des stimulations clitoridiennes. « Il est donc important de connaitre son corps pour pouvoir mieux orienter la personne avec qui on fait l’amour », souligne la sexologue.
La femme doit aussi avoir une bonne disposition psychologique pour atteindre l’orgasme. Elle doit se libérer de toute idée préconçue et se laisser aller. Le viol ou n’importe quelle forme d’agression peut avoir une influence sur les futures expériences sexuelles d’une femme, et peuvent donc être les raisons de l’anorgasmie chez certaines. Dans ce type de cas il est nécessaire que la femme consulte un psychologue ou un sexologue.
Le rôle du partenaire est primordial dans l’acte sexuel et dans la quête de l’orgasme chez la femme. Il est important que le partenaire apprenne à mettre sa compagne en confiance, sache comment engager les préliminaires, et pratique les positions sexuelles qui lui conviennent le mieux. « Parfois, bien des années après, une femme auparavant anorgasmique, trouve l’orgasme avec un nouveau partenaire sexuel » explique Laeticia Degraff,
Cependant Mme Degraff précise que l’orgasme n’est le seule et l’unique but de faire l’amour. Une femme peut bien avoir une vie sexuelle épanouie sans pour autant jamais atteindre l’orgasme.
Dans le cas d’une anorgasmie survenue après un accouchement que ce soit par voie basse ou césarienne, les exercices de kégel peuvent être très utiles.
Des professionnels à l’aide
Il n’y a pas de chiffres sur le nombre de femmes souffrant d’anorgasmie en Haïti. Contrairement aux hommes, les femmes ne parlent pas de leurs problèmes sexuels, selon la sexologue Laeticia Degraff. Le besoin de prise en charge pour les troubles sexuels est pourtant évident en Haïti. Cependant très peu de personnes savent à qui s’adresser pour demander de l’aide. Les médecins qui reçoivent ces cas font souvent une prise en charge limitée qui ne prend pas en compte les aspects cognitif, émotionnel et relationnel associés aux dysfonctions sexuelles. Il y a très peu de sexologues en Haïti. Ces professionnels aident pourtant les femmes à trouver une solution à leurs troubles sexuels.
Laura Louis
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