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Cause de douleurs et d’hémorragie, la grossesse ectopique peut tuer les femmes

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Dans ces situations, l’œuf ne grandit pas dans l’espace qui lui est réservé naturellement

En 2011, Rose a failli perdre la vie. Elle ressentait de fortes douleurs au ventre sans en connaître la cause. « Je pensais que c’était des problèmes digestifs, explique-t-elle. Au début les douleurs étaient assez faibles. Mais de jour en jour elles augmentaient jusqu’à devenir insupportables. Parfois j’avais tellement mal que je m’évanouissais. »

Pendant près de trois mois, Rose a subi cette situation. « Je me disais que cela passerait, poursuit-elle. Je prenais du thé, et des médicaments contre la douleur. Une fois, je suis allée voir un médecin. Il m’a prescrit des médicaments contre les troubles intestinaux, en pensant qu’il s’agissait de flatulences. Mais quand je prenais ces médicaments, la douleur empirait. »

Finalement, Rose a décidé de consulter son gynécologue. « À peu près un an avant le début des douleurs, j’avais subi une césarienne, raconte-t-elle. Je me suis dit que peut-être que ces douleurs étaient liées à des déchirures qui remontaient à l’opération. »

Mais le diagnostic du médecin sera sans appel. Rose souffrait d’une grossesse ectopique. « Comme d’habitude il m’a fait une sonographie, explique-t-elle. Et là il m’a annoncé la nouvelle. J’avais une hémorragie interne due à cette grossesse anormale. Il disait qu’il fallait tout de suite m’opérer, si je voulais vivre. Le soir même je suis passée par la salle d’opération. »

En dehors de l’utérus

Le diagnostic du médecin de Rose est relativement courant. Des femmes sont souvent victimes de cette grossesse dite extra-utérine, parce qu’elle se développe en dehors de l’utérus, aussi appelé « matrice », de la femme.

Lors d’une grossesse normale, les spermatozoïdes parcourent un chemin depuis l’entrée du vagin, jusqu’à l’une des trompes de la femme. C’est dans cette trompe que se trouvent les ovules à féconder. Une fois la fécondation effectuée, l’œuf ainsi formé doit quitter la trompe pour redescendre vers l’utérus de la mère, où il va se développer pendant plus de trente semaines.

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La grossesse ectopique, ou extra-utérine, ne subit pas ce processus normal. « L’œuf n’est pas à l’intérieur de l’utérus. Il peut être dans la trompe, dans le col de l’utérus, dans les ovaires, ou dans l’abdomen de la femme », explique Vladimir Larsen, gynécologue et obstétricien.

Comme il est appelé à se développer, cet œuf qui n’a pas assez d’espace est la source des douleurs. « Une grossesse ectopique, en général, n’arrive pas à terme », dit Vladimir Larsen. 

Avant qu’il soit trop tard

Rose voyait encore ses règles, malgré la douleur insupportable. « En général, après une grossesse, je n’allaite pas l’enfant, explique-t-elle. Je sais donc que j’ai des risques de tomber enceinte. C’est pour cela que je prends toujours des pilules contraceptives, pour éviter une nouvelle grossesse. Comme je voyais du sang régulièrement, je ne pouvais pas savoir qu’en fait j’étais tombée enceinte. »

Mais, elle ignorait que ce sang n’était pas celui de ses règles. « Ce saignement, explique Vladimir Larsen, est en général moins abondant. En fait il y a un retard des règles, et les symptômes, comme la douleur ou le saignement, viennent quelque temps seulement après ce retard. »

La grossesse extra-utérine de Rose se développait dans l’une des trompes. D’après Fred Wilner Gaspard, gynécologue, une fois que l’œuf commence à se développer, il peut faire exploser cette trompe. C’est ce qui a causé l’hémorragie interne diagnostiquée à Rose.

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« Si l’on découvre rapidement la grossesse ectopique, dit Vladimir Larsen, on peut donner des médicaments à la patiente pour empêcher le développement de l’œuf. Sinon, il faut absolument l’opérer. S’il s’agit d’une grossesse tubaire [dans la trompe], on peut être amené à enlever la trompe complètement. »

Certaines formes de grossesse extra-utérine peuvent arriver à terme. C’est le cas si l’enfant se développe dans l’abdomen de la mère. Mais Vladimir Larsen croit qu’il est dangereux de laisser cette grossesse suivre son cours.

« Dans ces cas exceptionnels, dit le médecin, on peut enlever l’enfant vers sept ou huit mois par une intervention chirurgicale. Mais en principe un médecin ne devrait pas accepter que cette grossesse se poursuive parce qu’elle met la vie de la mère en danger. »

Les facteurs de risque

Rose avait subi une césarienne, juste avant sa grossesse ectopique, qui du coup aura été la dernière. La césarienne, en tant qu’intervention de chirurgie, est l’une des causes fréquentes de grossesse extra-utérine.

« Il y a aussi les fibromes, ou encore des infections sexuellement transmissibles, énumère Vladimir Larsen. Une personne qui a des infections à répétition a aussi un facteur de risque plus grand, surtout si ces infections ne sont pas traitées complètement. Il ne s’agit pas d’infection vaginale, mais plutôt au niveau de l’utérus. »

Une précédente grossesse ectopique est aussi un risque supplémentaire. « Il faut surveiller de très près une femme qui a déjà eu une grossesse extra-utérine. Cela la prédispose à une nouvelle grossesse du même type », prévient Fred Wilner Gaspard.

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Pour éliminer ce risque, Rose a eu recours à une méthode de contraception définitive. « Cela fait près de neuf ans que j’ai fait ligaturer mes trompes, révèle la dame. Avant la grossesse ectopique, mon gynécologue m’avait recommandé cette intervention, mais à cause de ma foi religieuse j’avais refusé. Après l’expérience douloureuse que j’ai connue, je n’avais pas d’autres choix. De toute façon j’avais déjà enfanté. »

Selon Fred Wilner Gaspard, parfois des femmes meurent de cette grossesse anormale parce qu’elles croient qu’elles sont victimes de maléfices. Elles refusent d’être opérées, à la faveur de traitements peu conventionnels.

Mais d’après le médecin, l’opération est le meilleur moyen de sauver la vie des patientes. « C’est un avortement thérapeutique, explique le médecin. Même dans les pays comme Haïti où avorter est illégal, ce type d’intervention est accepté, parce que la vie de la mère est en grand danger. »

Rose est un nom d’emprunt utilisé pour protéger l’intimité de l’intervenante.

Jameson Francisque

Journaliste. Éditeur à AyiboPost. Juste un humain qui questionne ses origines, sa place, sa route et sa destination. Surtout sa destination.

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