Un montant de fonctionnement de quinze millions de gourdes est mis à disposition de chaque bureau de secrétaire d’État. Un secrétaire perçoit 55 000 gourdes comme salaire mensuel et obtient comme frais un montant de 30 000 gourdes. En plus, ils reçoivent chacun des frais de 270 000 gourdes par mois pour leur deuxième résidence
Dans une lettre circulaire en date du 13 août 2021 adressée aux ministres du gouvernement de fait Ariel Henry, il est clairement écrit que : « le gouvernement ne comporte pas de secrétaires d’État ». Ce document portant la signature du secrétaire général de la Primature, Jude Charles Faustin, exige à tous les ministres de récupérer les biens meubles et immeubles de l’État mis à la disposition des secrétaires d’État.
Cette décision n’est pas vue d’un bon œil par les secrétaires d’État qui composaient le gouvernement de l’ex PM de fait, Joseph Jouthe. « La façon de procéder à notre révocation n’est pas la meilleure formule, lâche Maguy Durcé qui a été promue secrétaire d’État à la formation par le défunt président Jovenel Moïse. On était des fonctionnaires d’État ».
Joint au téléphone par AyiboPost, le secrétaire général de la Primature dit avoir agi sur les instructions du Premier ministre. Questionné sur la raison de ces révocations, Jude Charles Faustin estime qu’il n’y a « rien de conséquent » qu’un secrétaire d’État puisse apporter dans la situation politique actuelle du pays.
Les secrétaires sont certes révoqués, mais les cabinets techniques qui les accompagnent dans l’exécution des projets existent encore. Certains de ces cadres acceptent leur révocation, mais disent aussi que les secrétaireries d’État liées aux problématiques de l’alphabétisation, de l’intégration des personnes handicapées, à la sécurité publique devraient être opérationnels, vu leur importance pour le fonctionnement la société.
Des cabinets fonctionnels
Le secrétaire d’État dispose d’un cabinet technique et d’un secrétariat. La loi sur la fonction publique ne définit pas son rôle. Sa tâche est définie par arrêté du Premier ministre cosigné par le ministère de tutelle. Le gouvernement précédent avait neuf secrétaires d’État qui concernaient précisément la jeunesse et des sports, la formation, la mobilisation fiscale, la communication, l’alphabétisation, l’intégration des personnes handicapées, la population et les affaires sociales.
À l’exception des secrétaires d’État qui n’avaient pas de bureaux, ces institutions ne sont pas dysfonctionnelles malgré l’élimination du secrétariat par le Premier ministre Ariel Henry. « C’est le cas pour le secrétaire d’État à la jeunesse et au sport, celui de la communication, entre autres. Les cabinets techniques des autres sont encore existants. Leur compétence est sollicitée par leur ministère de tutelle sur des projets bien précis. D’ailleurs, ces employés sont tous des fonctionnaires d’État », dit Faustin.
La suppression des secrétaires d’État dans l’actuelle configuration du gouvernement ne fait pas unanimité. « L’État ne s’intéresse pas aux droits des personnes handicapées et n’a jamais travaillé pour leur plein développement dans la société», croit Fenel Bellegarde. «Le bureau du secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées est l’unique endroit du pays où ces gens peuvent porter leurs doléances », continue le responsable de communication de ce bureau, encore en fonction malgré l’absence de Soinette Désir comme Secrétaire d’État.
Ces institutions font à présent face à un problème de leadership. « Les secrétaireries d’État à l’alphabétisation, à l’intégration des personnes handicapées, à la sécurité publique devraient être fonctionnels, selon Hervé Saintilus, ancien secrétaire d’État à l’alphabétisation. D’ailleurs, j’étais en train de travailler pour mettre en place des coordinations à l’alphabétisation dans des départements où le projet d’alphabétisation n’a jamais vu le jour. L’alphabétisation doit être un projet national au lieu d’être régional », se plaint-il.
On était des fonctionnaires d’État
D’énormes frustrations
Les secrétaires d’État avaient écrit au PM Ariel Henry pour dénoncer sa façon de procéder à leur limogeage. « Nous n’avons reçu aucune note et il n’y a absolument aucun acte administratif pour signifier notre révocation, se plaint Maguy Durcé. En principe, il devrait y avoir des nominations et l’on devrait partir après installation des nouveaux secrétaires. »
Pour sa part, le secrétaire d’État à l’alphabétisation, Hervé Saintilus, informe avoir été informé de son exclusion de l’administration publique sur internet. « J’ai découvert la circulaire sur les réseaux sociaux. J’ai appelé le Premier ministre pour confirmer la provenance de cette lettre afin d’authentifier son contenu. Le Premier ministre m’a clairement déclaré qu’il n’était pas au courant d’une telle lettre. »
Hervé Saintilus relate avoir appelé le secrétaire général de la Primature qui a confirmé qu’il avait agi sur les instructions du PM Ariel Henry. « Il m’a ensuite avoué qu’il ne sait pas comment ce document a fuité puisqu’il était censé être confidentiel. C’est pourquoi j’ose dire que Ariel Henry est un menteur et il doit quitter rapidement la Primature », déclare Saintilus.
Le secrétaire général de la Primature, Jude Charles Faustin, estime qu’une lettre pour annoncer le retrait de ces fonctionnaires dans l’administration publique n’est pas nécessaire. « Le secrétaire d’État est rattaché à un ministre pour le besoin de son projet politique, dit-il. Une fois qu’il y a eu un nouveau gouvernement ou au moment de la démission d’un Premier ministre, ses ministres et secrétaires d’État ne font plus partie de la discussion. »
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Poids conséquent sur le budget
Les secrétaireries d’État sont des institutions rattachées à des ministères. Par exemple, la secrétairerie d’État à l’alphabétisation et celle de la formation sont rattachées au ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP). Ils n’ont pas de budget et l’exécution de leur projet dépend de la décision du ministère de tutelle.
Un montant de fonctionnement de quinze millions de gourdes est mis à disposition de chaque bureau de secrétaire d’État. Cet argent devrait servir pour payer secrétaire, chauffeur et agent de sécurité.
Un secrétaire d’État perçoit 55 000 gourdes comme salaire mensuel et obtient comme frais un montant de 30 000 gourdes. En sus, ils reçoivent chacun des frais de 270 000 gourdes par mois pour leur deuxième résidence et l’État met à leur disposition une voiture et des armes pour assurer leur sécurité.
« Les raisons de cette révocation ne sont pas financières. Sinon, on serait avertis qu’il y a des manquements au niveau du budget national », critique Maguy Durcé. La dame n’avait pas cru à sa révocation comme secrétaire d’État à la formation jusqu’à ce qu’elle soit informée de l’impression de son chèque d’indemnisation de séparation.
« On a obtenu des frais de départ de deux millions de gourdes et c’est à partir de cette décision qu’on a effectivement compris que la lettre circulaire qui mettait fin à notre travail prenait effet », confirme Hervé Saintilus.
Les frais d’indemnisation de séparation ont été instaurés par l’ex-président Joseph Michel Martelly à la fin de son mandat. Cette décision qui accorde des enveloppes de départ conséquentes est encore d’application et concerne les anciens ministres, les secrétaires généraux et les secrétaires d’État.
Photos: Carvens Adelson / Ayibopost
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