« Anténor Firmin sait tout, sauf ce qu’il choisit d’ignorer » aimaient répéter certains de ses admirateurs. L’homme qui a marqué la politique et les lettres haïtiennes est incontestablement à cheval sur deux siècles d’Histoire au goût de cendre et d’illusions perdues. Il a incarné l’espace d’un cillement une modernité politique qui se promettait de nous sortir du temps des baïonnettes et des seigneurs de la guerre. Quoique, lui aussi, se soit mué désespérément en chef de guerre, à la recherche d’une issue contre des généraux traîneurs de sabre qui, de manière périodique, faisaient main basse sur un pouvoir, objet de toutes les convoitises, depuis un jour sanglant d’octobre 1806.
Firmin le nationaliste est celui qui, ministre, refuse toute concession du territoire haïtien à une puissance étrangère. Il est un homme d’Etat connu pour son inflexibilité et son refus de mettre en péril l’indépendance de son pays. Cet homme de principe, sourcilleux quant à la souveraineté d’Haïti, est aussi un politique ambitieux, qui croit dans son destin et dans la contribution qu’il peut apporter à l’émancipation de son peuple. C’est un homme politique qui croit dans les idées et qui a sans nul doute une vision.
C’est cet « autre » Firmin, celui qui cherche à composer avec le grand capital, qui tente de rassurer ou même d’amadouer la Puissance américaine que nous découvrons à travers la Collection des textes retrouvés présentée par Michel Soukar et publiée aux éditions C3.
Cette Collection nous livre « à chaud » un mémoire adressé par Anténor Firmin au Département d’État américain dans lequel il évoque les épisodes de la guerre sanglante qui oppose ses partisans aux forces du général Nord Alexis. C’est à la fois passionnant et édifiant de vivre les moments tragiques de cette guerre civile et le positionnement international de Firmin à travers un texte écrit de sa plume, et qui vient jeter un éclairage non négligeable à la fois sur la période mais aussi sur le leader qu’est Anténor Firmin.
En ce début de siècle, les Etats-Unis s’affirment comme la puissance impériale à la croissance économique insolente, au développement industriel à la mesure de leur appétit de consommation. Sur le plan de ses relations avec le sous-continent, les dés sont jetés. La doctrine Monroe sous-tend les démarches du Département d’Etat et la pax Americana est le nouvel évangile qui se répand dans une région connue pour ses tourmentes révolutionnaires et son conservatisme militaire.
Roody Edmé
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