Les réponses sont scientifique et culturelle
Josseline Pierre est dans la trentaine. Elle a une fille de sept ans. Quand elle portait son enfant, la dame raconte qu’elle a connu une grossesse difficile. Après son accouchement qui s’est fait par la voie basse, Pierre a eu des sutures qui lui faisaient mal. « Malgré les antibiotiques que l’obstétricien m’administrait, je n’allais pas bien. Les coutures ont pris beaucoup de temps avant de cicatriser », se souvient-elle.
Pendant plus de trois mois après son accouchement, la jeune mère explique qu’elle n’avait pas la tête aux relations sexuelles. « Heureusement, j’avais un époux qui me comprenait. Il m’a toujours supporté. Quand on a enfin repris les rapports sexuels, nous avons tous les deux joui », dit-elle, l’air enjoué.
Selon Dre Rodrine Janvier, les gynécologues obstétriciens recommandent aux couples de reprendre les activités sexuelles dans un mois soit quatre semaines après une couche normale et 45 jours après une césarienne.
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Toutes les femmes ne suivent pas ces conseils. Modeline Clairvoyant, une autre mère, a émigré au Chili quand sa fille ainée avait dix ans. Après la naissance de son premier enfant, la jeune mère explique qu’elle avait attendu plus de trois mois avant de reprendre les rapports intimes. « En Haïti, on dit souvent qu’il faut attendre 90 jours pour être complètement en forme. Je me suis donc conformée au principe. »
En arrivant à la République chilienne, elle a donné naissance à deux autres enfants et la norme n’était plus la même. Dans ce pays, selon la dame, l’on recommande aux femmes de respecter une période de 40 jours avant de recommencer leur vie sexuelle. En bonne Haïtienne, la maman a voulu quand même retenir les 90 jours comme délai idéal pour reprendre sa sexualité, mais elle dit que son époux qui lui aussi est haïtien n’a pas voulu collaborer. « Mon mari étant un chaud lapin, dit-elle en souriant, je ne pouvais pas le priver de sexe pendant une période aussi longue. »
Dre Rodrine Janvier est gynécologue obstétricienne. Elle déclare qu’il n’y a pas d’interdiction capitale pour qu’une femme ait des rapports sexuels après un accouchement. Si comme Modeline Clairvoyant et son compagnon, le couple parvient à renouer sa vie sexuelle sans problème en un temps relativement court, la gynécologue n’y voit aucun problème.
Mais pour des mères comme Josseline Pierre qui a connu une période assez bouleversante après son accouchement, Dre Rodrine Janvier avance qu’une pause peut s’avérer nécessaire.
Pourquoi un délai ?
Rodrine Janvier relate qu’après l’accouchement, des changements s’opèrent dans tout le corps de la femme. Ces changements, dit-elle, se font surtout au niveau de l’utérus.
« Après l’accouchement, la femme passe par le post-partum qui dure 45 jours, rapporte la spécialiste. Pendant cette période, la mère a de petites pertes sanguines de couleur rouge clair qu’on appelle lochies qui vont au fur et à mesure changer de coloration. Donc 45 jours, c’est le temps que prend le corps pour redevenir à sa structure normale, pour la cicatrisation de toutes les sutures, surtout si la personne a eu une épisiotomie c’est-à-dire une déchirure au niveau de son périnée. Généralement, la grossesse entraîne un relâchement du périnée. »
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La gynécologue obstétricienne explique qu’une épisiotomie, c’est une intervention que font souvent les obstétriciens pour faciliter la sortie du bébé par voie basse. Dans cette opération, les médecins déchirent le périnée qui est un ensemble de muscles et ligaments situé entre l’anus et le vagin. Après, ils font des sutures pour que la partie soit guérie.
« Il peut y avoir une lacération aussi, précise Janvier. C’est quand la déchirure se produit sans notre intervention. Dans les deux cas, il faut réparer la déchirure. Imaginez un rapport sexuel avec cette déchirure qui vient d’être cousue et qui n’est pas encore cicatrisée. La personne peut non seulement avoir des douleurs, mais [l’acte] peut provoquer une déchirure secondaire de la partie qui a été réparée et donc entraîner un risque d’infection.
Le support du conjoint est important
En plus de ces blessures au niveau du corps, la femme peut selon la spécialiste ne pas être préparée psychologiquement. Durant le post-partum, argumente-t-elle, il arrive que certaines mères entrent en dépression.
Après l’accouchement, une mère peut rester éveillée pendant des nuits. Ajouter à cela, le stress de la vie quotidienne, des fatigues et tout ce qui vient avec la maternité.
« Donc la personne peut se trouver dans des conditions physiques et psychologiques où son corps n’est pas prêt. C’est pourquoi nous recommandons aux femmes de se reposer pendant un mois ou 45 jours, le temps que leur corps soit prêt et qu’elles puissent jouir pleinement de la relation sexuelle. »
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La spécialiste souligne que si avant cette période la femme a des rapports, cela ne sous-entend pas qu’elle aura forcément des complications. Toutefois, elle court d’énormes risques notamment des infections et des douleurs pendant les ébats.
« Elle risque aussi de tomber enceinte parce qu’après un accouchement, l’ovulation peut être reprise rapidement. Nous leur recommandons d’utiliser un préservatif ou d’avoir recours à une méthode de planification familiale si elle n’a pas envie d’avoir un autre enfant tout de suite. Si durant le rapport elle a une sécheresse vaginale, elle devrait utiliser des lubrifiants. C’est pourquoi il vaut mieux attendre pour éviter certains inconvénients. »
Dr Rodrine Janvier ajoute que le support du conjoint est très important pour aider la femme à passer ce cap.
Laura Louis
*Josseline Pierre est un nom d’emprunt.
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