Le maire de Port-au-Prince refuse de brandir des interdictions contre les compagnies, affirmant qu’il ne veut pas être accusé du «manque de services qu’engendrerait l’absence des interventions»
Les compagnies de téléphonie mobile, l’Électricité d’Haïti (EDH) et la Direction nationale de l’Eau potable et de l’Assainissement (DINEPA) défoncent les rues du pays.
Ces interventions — souvent irrégulières — laissent des traces redoutées par les chauffeurs, causent des accidents et attaquent durablement la qualité des routes du pays.
En octobre 2023, Julien Jean, un motard de Port-au-Prince, transporte en urgence un autre motocycliste accidenté à l’hôpital, suite à une chute causée par un trou creusé sur l’Avenue Lamartinière, près de la localité du Pompier.
Le ministère des Travaux publics, Transports et Communications effectuait des réparations dans un canal souterrain de la zone. Dans la soirée, le chauffeur de moto heurtera à vive allure le trou creusé par le MTPTC.
« Le véhicule a été sévèrement endommagé », mais l’homme n’en est pas mort, précise Julien Jean.
Des dizaines, peut-être des centaines de trous sont répertoriés dans les rues de Port-au-Prince.
D’après le maire de la commune, Lucson Janvier, seule la compagnie Natcom introduit régulièrement des demandes d’autorisation pour intervenir sur les voies publiques, en promettant de faire des réparations.
Selon l’édile, des institutions comme la DINEPA, le MTPTC ou l’EDH opèrent sur les routes de la commune sans solliciter d’autorisation.
Ces opérations n’engendrent aucune objection de la part de la mairie. Le maire ne veut pas brandir des interdictions pour ne pas être accusé, dit-il, du « manque de services qu’engendrerait l’absence des interventions. »
Lire aussi : Révélations sur les affiches rouges et blanches éparpillées à Port-au-Prince
Des dommages durables s’enregistrent souvent.
« L’intervention répétée des compagnies sur les voies publiques réduit la durabilité des routes », analyse à AyiboPost l’ingénieur civil, Loubens Anselme.
La commune de Hinche se trouve victime de cette situation.
L’Office régional d’eau potable et d’assainissement du Centre de la DINEPA entreprend depuis 2021, et pour dix mois normalement, des travaux de réhabilitation du système d’adduction d’eau potable dans cette ville.
Le projet a été suspendu après l’assassinat de Jovenel Moïse en juillet 2021, indique Job Berçon, membre de Mouvman Jèn Lidè Angaje (MOJÈNLAN). Il doit être repris bientôt puisque la DINEPA a choisi une firme locale pour la continuation des travaux après un appel d’offres restreint lancé en 2023, selon un cadre de l’institution qui demande l’anonymat. Cette firme va recevoir environ 297 millions de gourdes pour boucler l’ouvrage.
En janvier 2024, la majorité des rues du centre-ville de Hinche sont ravagées.
Ceci agace des citoyens de la zone. Le 3 avril 2023, ils signent une pétition pour exiger de la DINEPA qu’elle répare les routes. Leur demande n’a pas eu d’effet.
Ils ont aussi manifesté dans les rues saccagées au début du mois de décembre l’année dernière après avoir sommé par le biais d’un avocat en août 2023 Nesly Gelin, le responsable de l’OREPA du Centre.
D’après Gelin, plus de 780 000 dollars US ont été déjà dépensés dans le cadre de ce projet, dont l’appel d’offres a été remporté par la firme espagnole, INCATEMA en novembre 2019.
À partir de juillet 2021, l’entreprise abandonnera sans terminer les travaux le chantier financé à hauteur de 340 millions de gourdes par la coopération espagnole.
Les tentatives d’AyiboPost pour entrer en contact avec l’administration centrale de la DINEPA et le MTPTC n’ont pas abouti.
En guise de solution provisoire, la mairie de Hinche a remblayé les rues de la ville, ce qui soulève un nuage opaque de poussières lors du passage des véhicules.
L’ingénieur civil Loubens Anselme critique l’intervention de la firme INCATEMA. Pour lui, le projet devait être implémenté étape par étape afin d’éviter la démolition des routes et la paralysie de la circulation dans la ville.
En réalité, il n’existe que rarement une collaboration technique entre les mairies et les compagnies opérant sur les voies publiques, poursuit l’ingénieur.
Les travaux ne se font donc pas en fonction de la planification urbaine, ajoute Anselme.
Comme à Port-au-Prince, le délabrement des routes de Hinche engendre des accidents, et aggrave les inondations lors des saisons pluvieuses, souligne Job Berçon, membre d’une organisation de la ville.
Par Rolph Louis-Jeune & Jean Féguens Regala
Image de couverture : Près de l’église Sainte-Philomène au Cap-Haïtien, la route a été perforée par la DINEPA – 19 septembre 2024. | Jean Feguens Regala/AyiboPost
Gardez contact avec AyiboPost via :
► Notre canal Telegram : cliquez ici
► Notre Channel WhatsApp : cliquez ici
► Notre Communauté WhatsApp : cliquez ici
Comments