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Être femme et photographe en Haïti, un véritable combat

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Plusieurs femmes photographes confient à AyiboPost leur solitude dans une «profession d’hommes» ainsi que les violences spécifiques auxquelles elles sont exposées dans l’exercice de leur métier

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Caméra en main, Saphira Orcel a documenté, le 12 août 2023 pour le Haitian Times et Passion Infos Plus, les funérailles de Liliane Pierre-Paul, l’une des rares femmes journalistes de premier plan en Haïti.

La photojournaliste Saphira Orcel, lors d’un reportage sur la route de Nazon, à Port-au-Prince, le 18 octobre 2023. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Les clichés d’Orcel, sobres, mais puissants, cachent cependant deux faits.

D’abord une vérité de Palice : Saphira Orcel était presque seule, dans un océan d’hommes photographes. Mais plus grave encore, elle raconte avoir fait face au manque de professionnalisme de ses collègues.

«J’ai été l’objet de propos discriminants portés directement sur ma féminité, pour me rappeler que ma place n’était pas là», témoigne la photojournaliste à AyiboPost.

La photojournaliste Saphira Orcel en plein reportage sur la route de Nazon, à Port-au-Prince, le 18 octobre 2023. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Ceci ne relève pas de l’anecdote. Six photojournalistes interviewées par AyiboPost décrivent leur solitude dans une «profession d’hommes», ainsi que les violences spécifiques auxquelles elles sont exposées dans l’exercice de leur métier, une dangerosité qui semble se renforcer lorsqu’il s’agit de femmes.

Lire aussi : Perspective | Pourquoi si peu de femmes dans la presse en Haïti ?

Edine Célestin exerce le photojournalisme depuis 2011. Il s’agit d’un métier «difficile», la fondatrice du média Enfo Sitwayen ne le cache pas. «Il arrive que des individus commentent mon corps de façon déplacée, en voyant ma façon de me positionner [pour prendre des photos]», explique la membre fondatrice de Kolektif 2 Dimansyon, un regroupement de photojournalistes.

La photojournaliste Edine Célestin en plein reportage à Nazon, Port-au-Prince en septembre 2018, lors d’une manifestation exigeant la réalisation du procès Petrocaribe. |© Carvens Adelson/AyiboPost

Parfois, la violence vient des autorités. Fabienne Douce s’est fait un nom dans la photographie en 2008, avant de migrer vers le photojournalisme en 2011.

En 2018, Douce couvrait les activités carnavalesques au Champ-de-Mars lorsqu’un agent de police l’a injurié. «Cette offense verbale était explicite et trouvait son fondement dans ma condition féminine», témoigne la photojournaliste, également membre de Kolektif 2 Dimasyon.

Dans cette profession, regorgeant de talents masculins, une femme se distingue par sa grande expertise en photographie depuis de nombreuses années. Emmeline Désert a consacré 42 ans de sa vie à l’art de la photographie.

La photographe Émeline Désert, directrice du Centre d’Études Photographiques et Cinématographiques (CEPEC), une école de plus de 40 ans d’existence, dans son bureau au siège de l’institution à Lalue, Port-au-Prince, le 28 septembre 2023. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Sa carrière a débuté en France, à Lyon, et reflète une passion qui l’accompagne depuis sa jeunesse. Grâce à sa formation en France, elle a toujours considéré la photographie comme une vocation singulière. Pour elle, la photographie transcende la simple capture d’images, c’est un métier à part entière, une forme d’expression artistique et un moyen de capturer la beauté du monde qui l’entoure.

La photographe Émeline Désert en interview avec AyiboPost dans son bureau au siège du CEPEC à Lalue, Port-au-Prince, le 28 septembre 2023. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Son dévouement à cet art ne s’est pas limité à sa propre carrière. En 1977, elle a eu l’initiative visionnaire de fonder le Centre d’Études Photographiques et Cinématographiques (CEPEC), une école de photographie qui a connu un véritable succès.

La photographe Emmeline Désert consulte un manuel de cours de photographie au CEPEC. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

La photographe Emmeline Désert fait la description des photos dans l’espace de CEPEC. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Depuis le 15 janvier 1977, le CEPEC a formé et inspiré des générations de photographes en herbe. «C’est avec fierté que je constate les nombreuses promotions d’étudiants talentueux qui ont franchi les portes de mon école et réussi dans ce métier», déclare-t-elle.

Des manuels de cours de photographie preparés par la directrice et professeure Emmeline Désert pour ses etudiants à CEPEC. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Pour Désert, la photographie est bien plus qu’un métier, c’est une passion profonde, un moyen d’expression, et un héritage qu’elle transmet avec enthousiasme. «La photographie est un art qui doit être accessible à tous, indépendamment du genre», ajoute-t-elle.

Photo de couverture d’un manuel de cours de photographie du CEPEC préparé par Emmeline Désert, directrice et professeure. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Photographie de la professeure Emmeline Désert enseignant son savoir dans le domaine à ses étudiants au CEPEC. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Le métier reste difficile. Ajoutées aux difficultés, les femmes photojournalistes évoluent souvent dans des salles de rédaction démunies, sans un véritable régime de protection contre les harcèlements parfois sexuels lorsqu’ils viennent des membres du média.

C’est dans le but de sensibiliser à ces questions, ainsi que d’offrir des sessions de formation et de valoriser le travail des femmes journalistes et photographes, que Mondésir Sarah Joseph a pris l’initiative de fonder en 2022 l’Association des Femmes Photographes d’Haïti (AFPHA). Il s’agit de la toute première structure dédiée aux femmes dans le domaine de la photographie dans le pays.

La photographe Mondésir Sarah Joseph, fondatrice de l’Association des Femmes Photographes d’Haïti (AFPHA), dans son bureau au siège de l’institution à Delmas 48, le 26 septembre 2023. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Selon Joseph, «une photographe exerçant sa profession [en Haïti] se trouve exposée à diverses formes de violence, notamment le viol et le vol, rendant pratiquement impossible tout déplacement en toute sécurité.»

Une vue du local  de l’Association des Femmes Photographes d’Haïti (AFPHA) à Delmas 48, le 26 septembre 2023. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Stéphanie François est vice-présidente d’AFPHA. Selon elle, le déséquilibre entre les deux sexes dans le métier nécessite une attention et des actions pour favoriser l’inclusion de la gent féminine.

La photographe Stéphanie François, vice-présidente de l’Association des Femmes Photographes d’Haïti (AFPHA), lors du lancement officiel de la structure le 19 août 2023 à Delmas 48. | © AFPHA

Edine Célestin est plus catégorique. «J’estime, dit-elle, que les femmes devraient s’affirmer et occuper les positions qui leur incombent, là où elles estiment qu’elles doivent être».

Les photographes Mondésir Sarah Joseph et Museau Christianne, respectivement présidente et porte-parole de l’AFPHA, au siège de l’association à Delmas 48, le 26 septembre 2023. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Par Lucnise Duquereste & David Lorens Mentor

Image de couverture : La photojournaliste Saphira Orcel, lors d’un reportage sur la route de Nazon, à Port-au-Prince, le 18 octobre 2023. | © David Lorens Mentor/AyiboPost


Visionnez notre reportage spécial réalisé en mars 2021 avec le photographe animalier René Durocher en plein exercice de son métier en Haïti :


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Journaliste à AyiboPost depuis mars 2023, Duquereste est étudiante finissante en communication sociale à la Faculté des Sciences Humaines (FASCH).

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